A l’heure des départs, les adieux sont plus ou moins déchirants, les dépenses plutôt conséquentes tandis que les gares routières de Bamako font le plein
« Ma nièce est venue passer ses trois mois des vacances chez moi. Elle devait retourner au village depuis la semaine dernière, mais faute de moyens, j’ai repoussé plusieurs fois la date de son départ en attendant de toucher mon salaire. Mais même avec le salaire, je ne pense pas lui faire assez de cadeaux parce que je dois aussi faire face aux dépenses des préparatifs de la rentrée de mes deux enfants sans compter les dépenses quotidiennes de la famille ».
Comme Moussa Traoré, beaucoup de chefs de famille ayant hébergé des « vacanciers » se font actuellement de souci pour préparer leur retour au village. Et pourtant, le phénomène n’est pas nouveau. Chaque année, beaucoup d’élèves résidant à l’intérieur du pays sont pressés de venir passer les vacances chez leurs parents à Bamako. Pendant leur séjour, ils sont heureux de découvrir les multiples facettes de la vie dans la capitale pour aller le raconter au village. C’est le cas de Fatoumata Coulibaly.
Agée de 15 ans, elle est venue de Kolokani pour passer ses vacances chez son oncle à Kalabancoura. Cette année, elle doit se présenter au DEF (diplôme d’études fondamentales). « Je me suis beaucoup amusée pendant les vacances. A Kolokani, on n’a que la télévision nationale. Quand je suis venue à Bamako, j’ai découvert d’autres chaînes de télévision comme Africable avec son émission phare « Mini stars ». J’ai beaucoup apprécié cette émission et mon oncle m’autorisait à aller voir l’enregistrement de cette émission au Palais de la culture. Je n’oublierai jamais ces moments forts », raconte-t-elle. Fatoumata Coulibaly s’est fait aussi beaucoup de copines bamakoises et c’est en larmes qu’elle les a quittées mardi dernier pour rentrer à Kolokani. Son oncle, A. D, assure avoir dépensé une petite fortune dans l’achat des habits, chaussures et de fournitures scolaires. Il lui a aussi payé ses frais de transport. « Tout cela n’est pas facile dans le contexte actuel où les revenus ne sont pas suffisants pour couvrir les dépenses. Mais Dieu merci, je me suis débrouillé pour m’en sortir », explique-t-il.
L’oncle de Fatoumata Coulibaly qui est employé dans une petite société de la place, trouve normal d’accueillir les jeunes scolaires venus du village pendant les vacances. Lui même, natif de Kolokani, venait parfois passer des vacances chez ses parents à Bamako. « A notre époque venir passer les vacances dans la capitale était le rêve de tous les enfants du village car c’est à Bamako qu’on découvrait les maisons à étage, les voitures de luxe, les feux de signalisation dans la circulation, la télévision et plein d’autres choses », se souvient-il, ajoutant : « je comprends donc pourquoi nos parents du village viennent nous voir pendant les vacances ». Sauf que cet état d’esprit n’est pas partagé par tout le monde. Des élèves venus passer les vacances chez leurs parents à Bamako vont ainsi connaître toutes sortes de galères quand ils ne sont pas les bienvenus. Il y en a mêmes qui écourtent leur séjour pour fuir leurs logeurs. Najim Ben Hassane, étudiant à l’Institut de formation professionnelle (IFP) de Diré dans la région de Tombouctou, raconte une autre histoire. Il s’apprêtait à embarquer dans un car de la Société de transport Néma et frère (SONEF) quand nous l’avons croisé. Il était tout heureux à l’heure du départ car il assure avoir passé des vacances dans des conditions difficiles à Bamako. « Je voulais travailler pour économiser quelque chose, mais mes logeurs m’en ont empêché, et finalement j’ai passé les vacances entre les grins nuit et jour », regrette-t-il. Son cas est différent de celui de Lawal, un étudiant nigérien inscrit à l’école inter-Etat de sciences des médecines vétérinaires (EISMV) au Sénégal. De retour de son pays natal, il a fait un court séjour à Bamako qu’il a mis à profit pour visiter la ville, notamment le nouveau pont à Sotuba. « A Bamako je suis chez une tante. Elle m’a appris à faire la cuisine. Je pense qu’il est normal d’aider les parents pendant les vacances. C’est un petit conseil à mes camarades étudiants », dit-il. Benzy Berthé, élève au lycée public de Yanfolila dans la région de Sikasso, a lui aussi passé de bons moments à Bamako. « J’ai passé mes vacances à vendre les cartes de recharge Malitel et Orange. Dans la journée, je pouvais vendre de 10 000 à 25 000 Fcfa », révèle-t-il. Benzy Berthé a aussi profité de son séjour pour visiter le musée national, le parc national, le palais présidentiel et le troisième pont à Sotuba. « C’était la première fois que je venais dans la capitale, donc j’ai profité avec un ami qui possède une moto pour sillonner la ville. Je peux dire que j’ai appris plein des choses sur la vie à Bamako. Par exemple, je ne maîtrisais pas du tout la circulation, mais aujourd’hui je peux dire que ça va », dit-il. A l’heure du départ des « vacanciers », c’est le rush dans les gares routières de Bamako. Le moment est vraiment propice pour les compagnies de transport de faire le plein à l’aller. L’affluence était ainsi très grande à l’autogare de Niamakoro Cité Unicef où stationnent les bus de la société de transport de Néma et Frère. Son directeur adjoint, Baba Ag Sidi Mohamed, confirme que la rentrée scolaire est une période rentable pour la société. « Nous avons signé un contrat avec des étudiants de la sous-région ouest-africaine. Cette année, ils sont très nombreux et nous avons décidé de baisser le tarif pour eux », explique-t-il. Le directeur commercial de la SONEF, Cheick Mohamed, précise que les « vacanciers » de cette année sont plus nombreux que ceux de l’année dernière. Parmi ces vacanciers, il y a non seulement des Maliens, mais aussi des étrangers, notamment des Burkinabé, des Nigériens, des Togolais, des Mauritaniens, des Sénégalais, des Tchadiens. « La SONEF peut enregistrer 50 à 60 étudiants par jour en direction de pays différents de la sous région », indique le directeur adjoint. Cependant il reste muet sur les recettes journalières de la société. Au passage de notre équipe de reportage, beaucoup d’étudiants se trouvaient à la gare routière de SONEF. L’affluence était aussi très forte à l’autogare de Médine d’où partent beaucoup de compagnies de transport comme Mandé Transport qui dessert la route de Kita. Au niveau de cette compagnie, il y avait une foule considérable, mais aussi un grand désordre. Et dans la pagaille, il était difficile de trouver un informateur.