Bamako, la rumeur : Sous l’emprise des sens

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Ce ne sera pas facile de recenser tous les petits faits divers qui ont alimenté jusqu’ici les chroniques de ce coup d’Etat du 22 Mars 2012. Entre flatteries et avanies, que de flots de paroles et de non dits charriés sur les bords du fleuve Djoliba.
A chaque grand évènement qui se passe dans notre société, un virage est pris, la presse nationale entre en « phase de travail… ». Des rubriques fleurissent et des plumes s’aiguisent sur telle ou telle information jusqu’à se dire que les informations traitées ou mises à la consommation du grand public ne sont pas toutes à rejeter, ou du moins elles nous auront aidé à passer par-dessus les jambes certaines barrières où l’hypocrisie était visible. Trois semaines après les changements violents intervenus à la tête de l’Etat et le nécessaire retour à la normale institutionnelle, l’opinion publique a donné de toutes ses voix. Qu’avions-nous eu à dire aux lecteurs si ce n’est que nous étions dans la nécessité de vendre nos journaux sur la place ? Certaines choses ont été ainsi rapportées crûment quand on mettait un bémol à la vélocité de certaines informations qui circulaient. On ne reviendra ici sur ces évènements post-22 Mars qu’avec une interrogation avouée. D’un côté, pourquoi l’opinion publique était bonne fille parce qu’elle était prête à tout accepter ? Et de l’autre côté, pourquoi certains hommes politiques se font-ils étriller. Pourquoi sont- ils mis en page comme ils l’ont été par la presse dans ces moments troubles ? Enfin, en quoi sont- ils devenus de bons exemples à citer pour faire vendre les exemplaires de journaux ? Des choses relatées ça et là et qui ont été trop bien dites.
La trop complaisante théorie qu’il n’y a pas de fumée sans feu

L’honneur revient à l’ancien  prince ATT. Au plus fort de la mêlée de ces rumeurs, il a été dit que ce 22 Mars, un Amadou Toumani Touré serait tué lors de la prise du Palais présidentiel. Les mutins s’en seraient retournés après dans les casernes et il n’y aurait pas eu de coup d’Etat. Il faut remercier ici les dieux pour ce dessein inachevé. L’une des premières actions des mutins aura été de vider les comptes présidentiels. Ainsi, le patron d’une banque de la place aura été nuitamment amené dans ses bureaux pour retirer 118 millions de FCFA du compte présidentiel. Avant tout cela, lors du dernier conseil des ministres, un marché de 4 milliards de FCFA aura été attribué de gré à gré à un proche de la famille présidentielle. Infime partie d’un pactole de plus de 117 milliards de FCFA de part de marché « saucissonnés » et distribués et qui continue à nourrir la fureur d’un homme d’affaires comme A. Tomota, écarté de la manne. Passons sur les documents saisis dans les bureaux présidentiels éventrés. Aujourd’hui, on aura entendu ATT parler au téléphone, tout content de la tournure prise par les évènements après l’accord-cadre signé entre la junte et la CEDEAO. L’arrestation de l’ancien ministre Kafougouna Koné vaut le détour. Un véritable tour de force auréolé de zones de lumières et d’ombres. Le Général « scotché » par ses amulettes et autres attributs n’a pu être amené manu militari. La cause, dit-on, n’aurait pas abouti si le Général Kafougouna était arrivé à apercevoir sa mère alitée chez lui. Depuis, il ferait l’objet d’une surveillance de tous les instants. Des politiciens ont été souvent décrits en excès, et nos confrères ont été souvent pris en défaut de n’avoir pas cherché à recouper les infos. Ibrahim Boubacar Keïta a dû se saisir de l’occasion d’une conférence de presse pour démentir ce qu’on lui attribuait : d’avoir aidé à offrir du carburant en quantité et des espèces sonnantes et trébuchantes à la junte militaire. Pour qu’il ait eu à procéder ainsi, c’est qu’il se sentait atteint en son honneur. Soumaïla Cissé a dû démentir haut et fort toutes accointances avec les militaires. Que ce soit lui ou d’autres politiciens, tous se sentent aujourd’hui surveillés à leur insu. Quant au cas Dioncounda Traoré, il fera date et école. Que de velléités lui a-t-on attribué avant son retour à Bamako ! On le voyait exclu du jeu politique. Si quelqu’un a nourri la « Cène » politique (si on peut se permettre cette expression en cette fête de Pâques), cette troisième personnalité dans l’ordre de préséance de la République, le patron et candidat de la première force électorale du pays, Dioncounda Traoré, aura traversé un véritable chemin des cendres. D’autres politiciens comme Modibo Sidibé ont été interpelés, puis relâchés et interpelés de nouveau, tel un roquet. On s’interroge sur l’énigmatique soutien tout en conseils de Me Mountaga Tall à la junte, dont on dit que certains se montreraient déjà sensibles aux flonflons de la célébrité.

Certains politiciens proches de Koulouba ont été sous les feux de la vindicte. Que reproche-t-on à un Ahmed Sow jusqu’à ce qu’il vienne lui-même raconter tout ce qui a concerné ses contacts pris après les évènements ? Que n’a-t-on pas dit sur les anciens dignitaires du régime ? On se presse déjà d’envisager une suite judiciaire aux dossiers les concernant. Les militaires détiendraient un sésame fait en partie de dossiers ficelés par le Vegal et autres subséquents et qui leur permettraient de toucher la corde sensible des autres. Concernant nos hommes politiques, leur relation avec la presse, l’opinion nationale n’est pas aussi simple que l’on dit. Des hommes qui, sous les lumières de l’actualité, voient le regard du grand public balancer entre la fascination et la répulsion. Au fond d’eux- mêmes, combien sont- ils dans nos populations à vouloir regarder un genou de cet homme puissant à terre ? Pour tout ce que nous recevons comme informations, il faudra rester un tant soit pour circonspect. On n’est jamais loin de la confidence intime et voici comment on tomberait ainsi dans une complicité inédite avec le grand public si friand de mots et de maux. Y a-t- il une manière pour aller faire boire nos canaux à la rumeur ? On ne peut se servir comme cela au marché de la rumeur sans prendre les précautions d’usage, sinon cela entraînera des malentendus. Rester vigilant pour défendre son indépendance, voilà le maître mot. Souvent même, on en arrive à une sorte de guerre d’égo entre les rédactions pour savoir à qui donner la primeur des infos sur tel ou tel sujet. Ce qu’on peut ajouter, c’est que la décence n’est pas réservée aux autres, et si l’on se laissait emporter par des « bobards », un défaut de personnalité (rédactionnelle ?) pourrait se transformer en délit. Une rumeur peut profiter d’un peu d’opportunisme politique et en un tournemain du genre démagogique, elle saura mobiliser une population en colère. Heureusement, que seule la loi sait reconnaître les graduations dans les desseins. La presse sait détruire quelqu’un. Et n’ajoute-t- on pas que l’on « nourrit ainsi la bête » à travers les colonnes qui charrient tout ce qui vous fait pincer le nez ? On peut choisir de ne pas frapper quelqu’un, on peut même choisir de ne pas jeter la première pierre. Mais le peut-on lorsqu’on ne peut pas choisir de ne pas être entre le parti pris ou de ne pas avoir de préjugés ? On ne pourra même pas trouver ici une conclusion réconfortante.
S.Koné

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