Balan Mansala: exploitation minière qui tourne au drame écologique et humain

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Des villageois de Balan Mansala contestent la validité du permis d’exercice octroyé à BFEG SARL en 2022 et demandent l’annulation devant les tribunaux maliens.

Il y a près de deux ans, la vie de Boubacar* et de son fils Abdoulaye* a basculé. C’est l’air préoccupé que les deux hommes nous ont livré un témoignage à propos de la perte de leur village au Mali. Avant l’arrivée de l’entreprise minière étrangère BFEG SARL, Balan Mansala prospérait grâce à l’agriculture et à l’élevage. La cohésion, la paix, et la place prépondérante des femmes dans les décisions communautaires en faisaient un lieu unique selon Boubacar et Abdoulaye.

La tranquillité de Balan Mansala a été brisée par l’exploitation aurifère. Le village est en proie à une dégradation depuis 2022, soit à partir du moment où les autorités auraient octroyé, sur la base d’un procès-verbal frauduleux, selon Boubacar et Abdoulaye, un permis d’exercice, à l’entreprise minière. Les villageois ont vu leur environnement se transformer, les ressources naturelles se raréfier et les traditions locales perdre leur ancrage. L’abattage d’un arbre tamarinier sacré, âgé de plus de 700 ans, a été un coup profond pour la communauté. Selon Abdoulaye, qui insiste sur la gravité de la chose, « rien n’est plus pareil sans cet arbre, les conséquences sont énormes ». Cet arbre était bien plus qu’un symbole écologique, il servait de lieu de guérison et de rites spirituels aux membres du village et aux communautés environnantes. Selon Boubacar, des centaines d’oiseaux sont également morts dès les débuts des travaux miniers, et les pratiques de pêche annuelles ont dû cesser à cause des nombreux produits toxiques déversés dans la rivière.

Un groupe de villageois de Balan Mansala conteste toujours la validité du permis d’exercice octroyé à BFEG SARL en 2022 et en demande l’annulation devant les tribunaux maliens. En premier lieu, un recours a été déposé devant le tribunal administratif de Bamako, mais le juge a estimé qu’il n’était pas compétent. En second lieu, une assignation a été rédigée pour demander l’annulation du faux procès-verbal et la suspension des activités d’exploitation devant le tribunal de Kangaba, mais à ce jour, les procédures judiciaires sont toujours en cours. Le Ministère  des Affaires Religieuses, du Culte et des Coutumes a aussi été interpellé, mais cette dernière démarche n’a toujours pas abouti, selon ces messieurs.

Face à l’intensification des activités minières et à l’absence de réaction des autorités maliennes, la population de Balan Mansala s’est soulevée en avril 2023. Selon des témoins, les forces de l’ordre auraient tiré sur la population, faisant deux morts et plusieurs blessés selon un article publié en ligne, dans les faits divers, par Professeur Touramagan, le 19 avril 2023. Ces événements ont causé un déplacement forcé de la population. Selon Abdoulaye, aussitôt qu’une personne tentait de retourner au village, elle risquait des coups de fouet et d’autres violences de la part des forces de sécurité.

Le silence des autorités et l’état actuel du village continuent d’accabler ces messieurs. Balan Mansala est désormais un lieu où la culture agricole a cédé le pas à une nouvelle réalité imposée par l’entreprise minière étrangère.

Avocats sans frontières Canada et la Tribune Jeunes pour le droit au Mali , continueront d’appuyer la communauté de Balan Mansala dans leur quête de justice dans le cadre du projet “Appui à la justice et à la paix au Mali” (JUPAX) financé par le gouvernement canadien à travers Affaires Mondiales Canada.

Un cas emblématique

Cette histoire de Balan Mansala, souligne l’urgence de protéger les écosystèmes et les droits humains, intrinsèquement liés, même en période de crise. La protection de l’environnement est indissociable du respect des droits humains. Au Mali, quatrième pays producteur d’or en Afrique, l’exploitation minière cause des dommages écologiques et humains majeurs, et les violences autour de Balan Mansala ne représentent malheureusement pas un cas isolé.

Nous notons, en termes de violations des droits humains dans le secteur minier au Mali, le travail d’enfants, de travail forcé, de trafic humain, de violences basées sur le genre, d’exploitation sexuelle et de violation du droit à un environnement sain.

Nous recommandons:

 Au Ministre de la Justice et des droits de l’Homme, Garde des Sceaux

 Intégrer complètement les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme ou autres standards internationaux dans le droit national ;

 Aux Ministres des Mines et de la Justice et des droits de l’Homme, Garde des Sceaux

  • Amender le code minier afin qu’il offre des protections plus complètes en matière de droits humains, y compris des obligations de diligence raisonnable et un contrôle indépendant du secteur.

 Au Ministre des Mines

  • Imposer aux entreprises étrangères d’exploitation minière l’obligation de disposer d’un code d’éthique et d’un système d’accès aux données, afin d’assurer leur transparence et leur responsabilité en cas d’infraction.

Au Ministre de l’entreprenariat national, de l’emploi et de la formation professionnelle

  • Adopter un plan d’action national sur les entreprises et les droits humains, tel que recommandé par le Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises en novembre 2016 ;

Au Ministre de la Sécurité et de la Protection civile

  • Veiller au respect des droits humains par les forces de sécurité et autres appareils de maintien de l’ordre privé embauchés pour travailler sur les sites miniers, conformément aux normes internationales en matière de droits humains.

Aux entreprises minières

  • Respect des normes internationales, comme le pacte mondial des Nations unies pour le développement durable des entreprises, les principes volontaires sur la sécurité et les droits de l’Homme, ou l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives.

À propos

Avocats sans frontières Canada est une organisation de coopération internationale qui, depuis plus de 20 ans, contribue à la mise en œuvre des droits humains des personnes en situation de vulnérabilité par le renforcement de l’accès à la justice et à la représentation juridique.

 

Renseignements

Racki Gakou, responsable communications et plaidoyer

racki.gakou@asfcanada.ca

*Les noms des témoins ont été modifiés pour des fins de confidentialité.

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