Vendredi 20 juillet, soit un mois après la tenue du scrutin référendaire, les 9 sages de la Cour constitutionnelle procédaient à la proclamation de ses résultats définitifs. En plus du décompte des voix par bureau de vote, tant sur le territoire national qu’aux niveaux des ambassades et consulats, la Cour a également opéré diverses rectifications matérielles, annulations et redressements ayant donné les chiffres suivants : 3.235.427 votants sur les 8.463.084 d’inscrits repartis entre 24 687 bureaux de vote, 25 241 bulletins nuls qui réduisent les suffrages valablement exprimés à 3.210.186 dont 3.110.877 pour le « oui » soit 96,91% des suffrages et 99.309 pour le « non », soit 3,09%. Quant au taux de participation, il passe à 38,23% au lieu des 39% retenus par l’Autorité indépendante de gestion des élections.
Malgré la salve de requêtes en annulation…
Cette proclamation met ainsi fin aux espoirs du front anti-référendaire hostile au changement constitutionnel que conduisent le quatuor Daba Diawara, Cheick Mohamed Cherif Koné, Dramane Diarra ou encore Mandy Siré Touré. Ils sont notamment porteurs de nombreuses requêtes en annulation pour des irrégularités en rapport avec des violations de la constitution de 1992, des entorses à la loi électorale et aux textes communautaires relatif à l’organisation des élections, tel que le protocole additionnel de la Cedeao, ont été rejetés. Leurs griefs portent, entre autres, sur la violation des dispositions de la loi électorale relatives à la convocation du collège électoral, la non tenue des élections dans la région de Kidal ainsi que dans plusieurs autres contrées du centre et du septentrion au mépris notamment de la constitution de 1992 et de la Charte africaine des droits de l’homme. Les récriminations soulevées par les requérants ont trait également à une campagne référendaire prématurément ouverte par le camp adverse. Au soutien de leurs prétentions à l’annulation, les plaignants ont également dénoncé une fraude massive généralisée et systématique ayant entaché la régularité du processus, la nomination hors délai d’agents électoraux, l’absence de PV pour les résultats de certains bureaux de vote de l’extérieur ou encore l’usage indu des téléphones dans des bureaux de vote ainsi que l’absence de fichier électoral fiable.
L’ensemble des moyens soulevés ont été rejetés sous le regard impuissant du magistrat Dramane Diarra, seul requérant présent dans la salle des audiences et dont les requêtes auront souffert comme toutes les autres de carence de preuve, a soutenu l’unique et ultime recours en matière référendaires. La juridiction arbitrale n’a pas daigné renier, par ailleurs, une entorse à l’article 118 de la constitution dans la consultation référendaire, mais en l’imputant à un cas de force majeure imposée par la situation sécuritaire qui ne saurait, aux yeux des Sages, constituer un frein à la marche institutionnelle du pays. Et de persister dans la même veine à brandir l’argument de la différence entre un changement constitutionnel et une révision de la constitution dans le cadre de laquelle une consultation référendaire est tributaire de l’intégrité territoriale en vertu de l’article 118 de l’ancienne loi fondamentale.
Une 4 eme République envers et contre tout
Quoi qu’il en soit, le chef de l’Etat n’aura pas traîné pour sonner la fin d’un processus qui est passé par toutes émotions possibles. Il a notamment procédé, dans les heures ayant suivi, à la promulgation du nouveau texte fondamental consacrant du coup l’avènement de la quatrième république dans la douleur. Et pour cause : le processus s’est achevé sans vider les nombreuses réserves qui en font la constitution la moins consensuelle de l’histoire du Mali. Les arrière-goûts demeurent notamment sous la forme des insolubles insatisfactions ayant probablement affecté le niveau de participation, à savoir le rejet de la laïcité par le monde religieux ainsi que les griefs de nombreux observateurs sur les équilibres et la séparation des pouvoirs. Des aspérités auxquelles s’ajoute l’échec infligé à l’effectivité du processus référendaire dans les circonscriptions contrôlées par d’anciens mouvements rebelles opposés à une constitution sans la prise en compte des dispositions de l’APR. Doit-on s’interroger en définitive sur leur disposition à en accepter l’entrée en vigueur dans lesdites contrées ?
En attendant, le front le plus affiché contre le changement constitutionnel ne semble pas lâcher prise en dépit de sa promulgation par le chef de l‘État. Tout en déplorant la légèreté du traitement réservé à leurs requêtes en annulation par la Cour Constitutionnelle, son communiqué consécutif à la proclamation des résultats prévient du danger d’un processus constitutionnel émaillé d’illégalités et invite à la vigilance sur la suite du processus électoral de retour à l’ordre constitutionnel.
Amidou Keita