Outre l’ex-directeur général, le Directeur commercial, le caissier et deux agents coursiers ont comparu vendredi devant le Procureur de la commune III pour des malversations financières présumées portant sur 3,8 milliards de F CFA
Les événements se bousculent ces dernières semaines. A peine installée dans son fauteuil d’administratrice provisoire Mme Ly Taher Dravé, un coup d’accélérateur a été donné à la diligence de la procédure judiciaire, suite à deux plaintes introduites. L’une porte la signataire de l’ancien président du Conseil d’administration, le richissime homme d’affaires Amadou Djigué sommé de solder les créances à hauteur de 123.831.719 F CFA, l’autre émane du patron de la Société Atlas Investissement, Fousseyni Djigué qui a ses billes dans les Assurances Lafia. L’ex-Directeur général, Ousmane Bocoum, le Directeur commercial Issa Coulibaly, le caissier M.Diarra et deux agents coursiers Soumaïla Guindo et Cissouma ont été entendus vendredi par le Procureur du Tribunal de grande instance de la commune III. Tous sont présumés coupables de « malversations financières » portant sur 3.824.804.114 F CFA, du moins d’après le rapport d’expertise de la Direction nationale du trésor et de la compatibilité publique qui a mis à nu de nombreuses failles dans la gestion de la société.
Les Assurances Lafia sont donc frappées à la tête et au cœur. L’étau se resserre sur l’ancienne équipe dirigeante après le revers essuyés par les plaignants. En effet, le Tribunal de la commune V s’était déclaré « incompétent », justifiant du coup la saisine du Procureur de la commune III, chargé du Pôle économique et financier. Sur ces entrefaites, les personnes mises en cause ont été entendues des heures durant à la Brigade d’investigations judiciaires du Camp I de la gendarmerie.
Une montagne d’irrégularités combinées à des insuffisances ont précipité la société dans les tréfonds de l’abîme. Des experts ont égrené un long chapelet de griefs au nombre desquels « les actions totales figurant sur les bulletins de souscription supérieures aux actions proposées dans le cadre de l’augmentation du capital social ; les statuts ne sont toujours pas modifiés une année après l’augmentation du capital ; le texte régissant le fonctionnement du fonds social n’est pas disponible. »
Les Assurances Lafia poursuivaient sa descente dans l’enfer. Tenez ! Un doigt est pointé sur le déficit d’information du président du conseil d’administration (PCA), Amadou Djigué récemment évincé, au sujet des « mouvements affectant l’actionnariat de la société, l’absence de compte rendu au PCA des missions du DG et de la situation de trésorerie de la société , le non-paiement régulier de quitus fiscal pendant de longues périodes, la non-conformité à la réglementation du contrat de prestation de service passé avec M. Oumar Tangara. »
En outre, nombreuses failles dans la gestion étaient décelées, notamment l’existence de plusieurs comptes d’augmentation de capital, des versions papiers signées et cachetées manquantes pour les relevés de comptes courants, l’extrait du dépôt à terme de la Banque de développement du Mali (BDM-Sa) et la constitution jugée excessive de dépôt à terme au détriment des comptes courants, rendue responsable des tensions de trésorerie. L’un dans l’autre, l’ensemble de ces impairs a précipité la société dans un gouffre amer motivant le recours à des avances sur le dépôt à terme ou à des gages.
Assainir les finances à tout prix !
Une autre avalanche d’insuffisances financières mettait en cause le Directeur général Ousmane Bocoum jugé responsable d’un écart de 286.408.681 F CFA entre la valeur réelle des actions souscrites et les sommes versées par les souscripteurs, le motif du prêt de 13 millions de F CFA au fonds social serait vaguement indiqué. En somme un trou d’un peu plus de 3,8 milliards de F CFA.
Au vu de cette montagne d’irrégularités, d’insuffisances décelées, le Directeur national du trésor et de la comptabilité publique a mis sous administration provisoire l’Assurance Lafia conformément aux dispositions légales dans le dessein de protéger les intérêts des assurés et bénéficiaires des contrats d’assurance et de capitalisation.
La nomination de l’ancien ministre de l’Elevage et de la pêche au poste d’administratrice provisoire, vue sous toutes ses coutures, se veut un gage de sortie de la zone de turbulence. Ses missions sont beaucoup plus parlantes : gérer les affaires courantes pour un mandat de deux ans renouvelable, corriger les insuffisances sur l’opération d’augmentation du capital social ainsi que les autres anomalies signalées dans le rapport de contrôle, permettre à Ousmane Bocoum de justifier le gap de 3, 8 milliards et de recouvrer les créances dues par Amadou Djigué en sa qualité de Président du Conseil d’administration arrêtées à un peu plus de 121 millions de nos francs. Des chiffres qui donnent du tournis et confortent l’idée selon laquelle les Assurances Lafia étaient perçues comme une vache à lait. Mais le lait d’une vache, fût-elle hollandaise, tarit à la longue.
Georges François Traoré