Après une petite bouderie d’une semaine, les parlementaires ont finalement repris le travail, Jeudi dernier. Leur débrayage était en effet motivé par ce qui restera dans les annales comme l’affaire Bourama Tidiani Traoré. C’est à coups d’ovation que l’intéressé, un martyr à leurs yeux, a été dans la salle de délibérations Modibo Keïta où, la plénière a démarré comme sur des chapeaux de roue avec une demi dizaine de questions orales, deux questions d’actualité, puis une douzaine de projets de loi au menu.
Si les questions d’actualité et les projets de textes sont d’un intérêt public certain, les questions orales se singularisent, quant à elles, par leurs relents de règlement de compte sur fond de motivations personnelles par moment. Cela n’est peut-être pas le cas pour le député élu à Douentza, Ilias Goro. Revenu de pèlerinage apparemment très remonté, ce non-inscrit avait sans doute à cœur de démontrer qu’il était un élu du peuple apte à croiser le fer avec un ministre dans le cadre des questions orales. Il y est parvenu en faisant admettre à Thierno Diallo la piètre organisation du pèlerinage 2014 par la filière gouvernementale, qui s’est une fois de plus illustrée par des couacs comme la mauvaise restauration, un hébergement peu enviable des pèlerins, etc. S’y ajoute une discourtoisie indescriptible de certains délégués ainsi qu’une distance à peine supportable entre les lieux de culte et des hôtels dépourvus du minimum de commodités.
Tout en admettant la réalité de la corvée vécue par les pèlerins, le ministre des affaires religieuses, Thierno A. O. H. Diallo, a quand même tenté de se frayer un échappatoire en développant des concepts philosophiques et théologiques tendant à démontrer que les épreuves du genre sont le propre du pèlerinage et en constituent même la substance. Il faut toujours s’attendre à des difficultés, a-t-il soutenu, avant de s’étendre sur la teneur de ses responsabilités, de sa mission, et de chercher des excuses dans le manque d’expérience. Et de promettre une meilleure prestation de la filière gouvernementale à l’avenir.
Avec la question orale du Dr Mariko au ministre de l’Economie et des Finances, c’était la résurrection d’une affaire éteinte depuis une vingtaine d’années : la privatisation de la fameuse société Betram. Comme à son habitude, le secrétaire général a choisi de voler au secours de travailleurs qu’il estime victimes d’une privatisation mal conduite par le gouvernement. Il n’a pas été difficile pour l’élu et le ministre de convenir du fait que tout ne s’est pas bien passé et que des zones d’ombre restent à clarifier, mais leur compréhension ne s’est faite qu’au prix de la délation et du déballage consentis par la représentante du gouvernement. La ministre de l’Economie et des Finances a opté pour la dérobée en imputant le péché à une correspondance vielle d’une quinzaine d’années. Comble de paradoxe, tout en clamant que l’Etat est une continuité et que le dossier lui revient par solidarité gouvernementale, Mme Bouaré Fily Sissoko envisage comme solution au drame des anciens travailleurs de Betram une action judiciaire à l’encontre de la lettre émanant d’Ahmed El Madani Diallo, alors ministre de l’Economie au moment des faits. Une simple lettre ne saurait mettre un terme à une clause résolutoire, a-t-elle argumenté à l’appui de son schéma.
Une passe d’armes beaucoup plus corsée a mis aux prises le même député Oumar Mariko et le ministre de la Sécurité intérieur, Sada Samaké, sur des questions aussi brûlantes que les recrutements équivoques dans la police, la gestion des carrières, puis leurs épisodes dramatiques dans les régions occupés par les rebelles. Sélectivité, népotisme, injustice, règlements de compte et négligence coupable sont entre autres les caractéristiques décrites par le secrétaire général du parti Sadi qui n’a pu se garder de révéler, en présence d’un parterre d’agents de la police présents dans la salle, que certains ne doivent leur avancement qu’à leurs affinités filiales avec le ministre. Les accusations n’ont guère laissé indifférent Sada Samaké. Il est revenu plusieurs fois à la charge pour donner des explications sur les gênantes révélations du député avant de lui répliquer par le rappel d’un épisode tout aussi gênant : la mort suspecte, en 1997, du policier Moussa Diarra, lors d’une marche du Coppo conduite par des dirigeants de l’opposition, dont le même Oumar Mariko. Ce n’est pas tout. Le ministre a par ailleurs choisi de mettre le marqueur sur une perturbation du mécanisme sécuritaire par des démarcheurs tapis dans les rangs, avant de laisser entendre qu’avec lui la discipline ne s’accommodera plus d’une participation à un coup d’Etat. Des insinuations à ébranler le confort moral du député qui a dû tacitement reconnaître ses assises dans les rangs de la Police nationale et se réclamer ouvertement du putsch du 22 Mars quoi qu’il le désigne avec d’autres euphémismes. «Je constate que vous avez des problèmes avec la mutinerie du 22 Mars», a-t-il lancé au ministre avant d’expliquer que sa présence dans les rangs de la police se justifie par le fait qu’il défend la justice.
La dernière question orale émanait du député élu à Niono, Amadou Araba Doumbia. Elle concernait la gestion de la menace Ebola via le ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique, une problématique qui, à la différence des autres, est réellement inspirée de la préoccupation des citoyens et de l’utilité publique. Notre pays traverse une période cruciale avec de réels risques de propagation d’une maladie, pour laquelle, à ce jour, on ne dispose pas de médicament. Il était donc important de savoir que le problème est bien géré et que ceux que les gouvernants font tout ce qui est possible pour éviter l’explosion.
Le ministre a donc saisi cette opportunité pour revenir sur les actions menées par le gouvernement à travers son département et avec l’aide des partenaires du Mali pour contenir la maladie. Pourvu que cela dure.
Les questions orales ont été suivies par la lancinante séance de questions d’actualité puis nombre de projets de loi sur lesquels les députes ont commencé à délibérer la journée suivante. C’est-à-dire le vendredi.
Mamadou Diakité