Surprise et émerveillement face à l’art de la poterie. Sur les berges du Djoliba, à Ségou, on peut voir des jarres, des canaris, des vases de décoration, des vases à encens… Les couleurs sont chatoyantes, dorées. Il y en a de toutes les formes. Kadidiatou Niaré, la trentaine révolue, pratique ce métier. Elle reconnaît qu’il y a un peu de mystère puisque profondément lié aux génies du fleuve. Ce travail est-il aujourd’hui rentable ? Notre potière ne le pense pas. Alors, elle demande de l’aide et de la compréhension.
A Ségou, dans le quartier Sokalakôno au marché dédié aux poteries communément appelé « daga dangan », au bord du fleuve, les vendeuses s’affairent.
Situé au bord du fleuve, le Daga-Dangan est une zone d’exposition et de vente des pots fabriqués par les potières qui résident dans deux villages derrière le fleuve, Kalabougou et Farako.
Kadidiatou Niaré communément appelée Yaye, est une vendeuse au Daga-Dangan. Son travail consiste à peindre, à décorer et à vendre les pots qu’elle achète auprès des fabricants derrière le fleuve. Elle est dans ce business depuis toute petite, sa mère l’ayant pratiqué, ainsi que sa grand-mère. En effet, ce métier est un héritage familial. Yaye compte également le transmettre à sa fille.
Ce commerce est-il rentable ? Notre potière nous a confié que les bénéfices sont assez minimes parce que beaucoup de gens sont dans le marché de la poterie actuellement. La vendeuse explique que malgré tout, elle ne se décourage pas.
Les objets vendus se composent de pots de fleurs, de marmites en terre cuite, de vases d’encensiers et de jarres. Les prix vont de 500 F CFA à 10 000 F CFA, voire le double, selon la tête du client et sa bourse. Les pots sont revendus à Bamako par des grossistes.
Les pots sont à base d’argile et d’eau. Pour les fabriquer, il y a des spécialistes. L’argile provient du village de Kalabougou.
Marie Thérèse Coulibaly et Marie Angèle Drabo
Étudiantes Licence 3
Balades en pirogue
Le moment tant attendu est là : un tour en pirogue. Notre accompagnateur, Abari Didier Dembélé, aborde un piroguier, donne quelques instructions et nous voici sur l’eau sous le regard épaté des lavandières, des badauds, des enfants. Ceux qui ont eu le courage de monter sont soit fascinés, soit transis de peur. Au retour, il y eut un ouf de soulagement pour nous tous. Cela en valait la peine. Ainsi finit la visite de ce dimanche 20 février des étudiants de l’Uccao-UUBA au bord du fleuve Niger à Ségou.
Fatoumata M. Diarra
Mariam B. Traoré
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ARCHINARD
Le conquérant et le flibustier
Si vous vous promenez sur le bord du Niger à Ségou, vous ne pouvez pas ne pas la voir : une statue de Louis Archinard. Qui est-il et pourquoi son statut dans la cité des balanzan ?
Général français de la troisième République, il contribue à la conquête coloniale de l’Afrique occidentale. Né le 11 février 1850 aux Havres, il meurt le 8 mai 1932. Archinard était un polytechnicien et un officier supérieur. Il a eu un parcours très brillant, il a été nommé sous-lieutenant d’artillerie de marine en 1870. En 1880, il est affecté au Soudan français c’est-à dire en grande partie dans l’actuel Mali. Il y mena différentes campagnes permettant à la France de poursuivre sa pénétration coloniale.
Avec ses troupes, le conquérant Archinard entra vainqueur à Ségou le 6 avril 1890. Selon plusieurs sources, dans la cité de Biton Coulibaly, il était obsédé par la conquête du fameux trésor accumulé au fil du temps par El Hadj Oumar Tall et ses enfants. Car Archinard avait lu un récit révélant la présence du trésor, récit rédigé par Eugène Mage et Dr. Quintin, deux espions français qui séjournaient à Ségou du 28 février 1864 au 6 mai 1866. Selon des sources écrites et dignes de foi, Archinard a bel et bien mis la main sur les richesses en complicité avec un traître proche de la famille royale.
Louis Archinard après la conquête de Ségou en 1890 s’empare de Djenné en 1893. Puis de Tombouctou. De retour en métropole, il est promu comme général de brigade en avril 1896, général de division, et commandant de la 32è division à Perpignan (France). Il a été également nommé au conseil supérieur de la guerre en 1911. Louis Archinard rendit l’âme le 8 mai 1932 à Villiers le Bel (région parisienne) après avoir appris la mort de son mentor le Président de la République Paul Doumer, tué par plusieurs coups de balles par un activiste russe.
La statue de Louis Archinard trône sur le bord du fleuve Niger à Ségou. L’original a été déplacé à Bamako, au musée de la colonisation, sur le flanc de la colline de Koulouba. A sa place, une copie a été faite pour Ségou. C’est un patrimoine historique peu connu et qui devrait poser problème en ce temps de relations difficiles avec les anciens colonisateurs.
Aline Doumbia et Marie Dembélé
(Avec Dr. Alexis Dembélé)
BREHIMA KONTA
Un piroguier philosophe
Brehima Konta est un conducteur de pirogue à Ségou depuis 13 ans. Ce père de plusieurs enfants est âgé de 34 ans. Bozo de son état, on l’appelle communément «Konta ». Il a le teint noir et la taille moyenne. Brehima est mince de corpulence. Très affable et plein d’attention, il accueille les visiteurs avec un large sourire. Le jeune piroguier est intarissable sur son métier : « Franchement j’ai la passion de naviguer sur le fleuve. Nous les bozos, c’est comme ça », déclare-t-il.
Le courage et le dévouement sont remarquables chez Konta. Comme pour nous donner quelques conseils, il fait remarquer que « lorsqu’on aime son métier, on est capable de supporter toutes les difficultés ».
Lorsqu’on lui demande ses joies et ses peines, Bréhima devient très disert : « j’avoue que je dois faire face à d’énormes difficultés comme le manque de clients, le paiement des taxes, l’augmentation du prix de l’essence, les pannes du moteur de la pirogue elle-même. Malgré tout, on arrive à s’en sortir par la grâce divine, on se débrouille avec les miettes récoltées pendant la journée ». Il ajoute : « nous sommes dans une crise qui a fait partir les touristes. Or, ce sont eux nos clients majoritairement. Je lance un appel aux autorités pour que la paix revienne vite. Nous les Africains, nous devons être solidaires entre nous pour surmonter les défis ».
A l’entendre, Konta est un homme heureux et satisfait de son métier à Ségou. Visiblement, il peut subvenir aux besoins de sa famille et apporter à la société la joie de vivre honnêtement.
Maïmouna Suzane Sodio
Sankou Diallo
SEKORO
A la recherche du lustre d’antan
Le samedi 19 février 2022, les étudiants de la licence 3 journalisme et communication se sont rendus au vestibule de Biton à Sekoro pour se ressourcer et s’informer sur l’histoire de Biton Mamary Coulibaly et de ses descendants. Propos d’un sage.
Avant d’être roi, Biton a rejoint Seko Malamine qui était à Djirikouroudjè pour la chasse. Seko Malamine qui était un grand connaisseur recevait de nombreuses personnes. C’est ainsi que le village a perdu son nom Djirikouroudjè car chacun disait « an ga ta Seko koroba fé» qui veut dire « allons chez le vieux Sékou » et à force de dire allons chez Sekoukoroba, les gens ont fini par appeler le village Sékoro.
Pourquoi la mosquée de la mère de Biton a été construite ?
Un jour la mère de Biton voulait prier dans la mosquée construite par le Syrien qui était à Sekoro. Biton voulait la détruire. Binton lui-même ne s’est jamais converti à l’islam. Il pratiquait les croyances traditionnelles. Alors Biton décida d’en faire une autre pour sa mère. Elle est en banco. Elle a trois portes : une entrée pour l’iman, une pour les hommes et une pour les femmes.
Comment a été construit le vestibule de Biton ?
Le vestibule de Biton comprend 7 pièces dont les trois premières ont été construites avec l’idée de la numérologie, qui veut que l’homme a 3, « tjè bèrè ye Saba ye » et la femme 4 « mousso bèrè ye nani », chaque pièce était surveillée par des gardes. Une était réservée au roi Biton et à ses conseillers.
Propos recueillis par
Marie Thérèse Coulibaly et Marie Angèle Drabo
Licence 3 JCo Ucao/UUBa
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KOKE COULIBALY, CHEF DE VILLAGE DE SEKORO
37ème de la lignée directe de Biton Mamari Coulibaly
Descendant de Boundiougou et de Biton Coulibaly, Kokè Coulibaly est chef de village de Sekoro, localité toute proche de Ségou. L’homme s’avance d’un pas assuré. Il est vêtu d’un boubou fait de cotonnades brodées en jaune autour du cou. Le couvre-chef est porté avec noblesse et fierté. Il prend place sur une chaîne apportée pour lui. Il est presque frêle. Son teint noir est marqué du signe des âges. Son visage est bouffé par une barbe blanche entretenue. Cet octogénaire est le mari d’une femme et l’arrière-grand-père de nombreux enfants. Koké est de la 37ème descendance directe de Biton Mamari Coulibaly. On sent qu’il a plaisir à raconter aux visiteurs la vraie histoire du royaume bambara de Ségou et les péripéties vécues après la colonisation.
Trônant au milieu du village, la maison de Kokè Coulibaly est typique des habitations de style soudanien. Avec en mieux le décor soigné ; les ensembles de maisons les unes à côté des autres. L’ensemble est homogène et est enduit d’argile rouge ocre. La maison est non loin des sept vestibules construits par le roi Biton Mamari Coulibaly.
Kokè Coulibaly est chef de village de Sekoro depuis vingt-six ans. Il garde de l’humour pour faire comprendre le sens et les moyens pour dire la vérité chez les bambaras : « un homme saoul dit toujours la vérité ». Vrai gardien du patrimoine bambara, le vieux Kokè Coulibaly est une source dans l’apprentissage de la culture bambara. S’exprimant avec emphase, il lance : « Le Mali est fort d’un passé riche et de plusieurs ethnies, mais si nous n’exploitons pas nos cultures, nous ne serions pas dignes d’être appelés Africains ».
Aline Doumbia et Marie Dembélé
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SEKORO, SES 7 VESTIBULES ET SES MOSQUEES
Ucao-UUBa à la découverte de Ségou
Sékoro se situe à proximité de la ville de Ségou, un village qui suscite la curiosité parce que c’est le noyau de l’histoire de Ségou. Découverte d’une cité et des symboles de royauté.
La visite de ce samedi matin est consacrée à Sekoro, à quelques km de la ville. Mine de rien, Sékoro est l’ancienne capitale du royaume bambara. Elle a été fondée par Mamary Biton Coulibaly en 1712. C’est l’ancienne ville de Ségou. Les quelques traces et vestiges que laissent percevoir une beauté architecturale passée. Les murs des maisons sont en terre enduits de couleur ocre ou grise clair. Les ruelles serpentent entre les maisons avec cours et enclos. On trouve parfois des femmes assises, bavardant et marchant autour de condiments. Quelques vieillards, à l’ombre des neemes et des manguiers refont le monde. Les gamins, de bric et de broc vêtus, crient, se bousculent, tout heureux et étonnés du groupe de visiteurs du jour que nous sommes. Sékoro aujourd’hui c’est tout cela.
Mais le chef Koké Coulibaly, un descendant de Mamary Biton Coulibaly, assis en patriarche, assume le passé glorieux de son village. L’état des lieux est irréprochable. Pour accéder au lieu, il faut passer par le vestibule. Dans cette enceinte aux toits soutenus par du bois dur, on trouve une lampe à huile qui servait à éclairer la pièce la nuit. Pliée dans un coin, on aperçoit une peau (de bœuf probablement). Le chef s’y asseyait pour traiter et trancher les problèmes. Quelques poutres et piliers sont sculptés laissant la marque de quelques artisans expérimentés. Koke parle posément ; sa voix se fait douce, claire, pédagogique. Impossible de ne pas y prêter attention. Et même les plus bavards, les accros aux smartphones, tous sont à présent accrochés aux lèvres de Kokè.
Les sept vestibules
Mais Sékoro, c’est aussi la visite des 7 vestibules qui constituent le palais de Biton. Ce joyau architectural a été construit selon une vision animiste du chiffre sept. C’est-à-dire 3 chambres, chiffres de l’homme et 4 pour la femme. C’était le lieu du pouvoir. On offrait aux visiteurs la bière de mil pour voir s’ils ont de bonnes ou de mauvaises intentions comme disent les bambara. La vérité sort de la bouche du saoul. Les 7 vestibules symbolisent la puissance du royaume Bamanan de Ségou sous le règne de Mamary Coulibaly dit Biton. Ils sont le passage obligé pour tous ceux qui devaient voir le souverain.
Voir l’ancienne mosquée fait partie de la visite de Sekoro. Construit par un Syrien en face du majestueux fleuve Niger, ce monument vaut le détour, tant il respire la tranquillité et appelle à la méditation, les yeux et la pensée plongés dans l’immensité de la rive gauche. Quelques enjambées plus loin en remontant vers l’ouest, se dresse une autre mosquée : celle construite par Biton pour sa mère. Après que la plus ancienne eut été infectée par des abeilles. Le guide nous explique que l’accès à la mosquée n’est pas permis à ceux qui n’ont pas fait leurs ablutions.
A la lumière de cette visite, Sékoro n’est pas que gloire perdue. Les quelques destructions et les besoins d’entretien disent que l’oubli est encore réparable. Avec beaucoup de volonté de revalorisation et de conservation du patrimoine. Vivement cette conscience.
Sankou Diallo et Maïmouna Suzanne Sodio
(Etudiantes)
(Dossier réalisé par les étudiants de l’Ucao depuis Ségou)