À cause d’une mauvaise saison agricole, les agriculteurs et autres maraîchères de Baguinéda craignent l’installation de la famine dans leur commune. La culture du riz a été plus que catastrophique dans cette localité où les champs de riz n’ont pu donner que 10 sacs à l’hectare. Dans certains villages privés d’eau, les femmes ne pourraient pas faire du maraîchage. Tout Baguinéda lance un appel au secours afin de parer à la survenue d’une famine.
Mardi 03 janvier 2017, nous sillonnons les villages de la commune urbaine de Baguinéda, située à 25 Km de Bamako. Elle est la zone agricole la plus proche de la capitale, avec une maîtrise d’eau pendant toute l’année. La saison agricole passée a été infructueuse pour les cultivateurs de riz. Notre première escale nous conduit au village dénommé Konkoun, où nous avons trouvé un agriculteur d’un certain âge avec deux jeunes qui labouraient un champ d’un hectare. Deux taureaux étaient à la tâche. «Je m’appelle Sambou Konaté, paysan à Konkoun Baguinéda. Cette année, la récolte du riz n’a pas été bonne à cause d’une maladie. Elle a attaqué nos champs de riz. J’ai cultivé un hectare. Au lieu de 100 ou au moins 80 sacs de paddy, je n’ai eu que 6 sacs. Ces 6 sacs décortiqués ne dépassent pas 2 sacs de 100 Kg de riz propre, imaginez ma perte», nous confie Sambou Konaté, la soixantaine rondelette, qui aura dépensé plus de 350 000 FCFA pour ne récolter que 100 Kg de riz décortiqué ou riz propre. Sur la contre-saison, Sambou Konaté ne mise pas guère.
Non loin de Sambou Konaté, Alou Maïga, un jeune qui tente de faire pousser de terre des tomates et des oignons, s’apitoie sur son sort à cause de la mauvaise qualité des engrais qu’ils ont utilisés. À l’en croire, tous les paysans qui ont utilisé les engrais subventionnés n’ont pas fait une bonne récolte.
Les premières victimes de cette mauvaise saison agricole s’appellent les femmes. Certaines d’entre elles parlent d’une double perte. «Moi, je suis Ami Diarra. Nous avons des difficultés cette année à faire du maraîchage, parce qu’il n’y a pas d’eau dans le canal. Ce qui veut dire que nous n’allons pas faire de production cette année. Les tomates, les oignons et les aubergines que nous avons déjà plantés sont morts en raison d’un manque d’eau. La terre aussi n’est pas très généreuse cette année. Le riz non plutôt n’a rien donné cette année, alors que nous cultivons sur le même espace depuis des années. On gagnait beaucoup plus avec la culture du riz par le passé. Mais cette année, on n’aura rien, la famine risque de s’installer chez nous», se lamente Ami Diarra.
Vers le côté est du champ des braves dames, se trouve celui de Daouda Ganaba, un agriculteur modèle dans la zone. Pour lui, la terre leur a joué un sale tour cette année. «Je suis Daouda Ganaba de Konkoun. C’est un fait de Dieu, sinon ce n’est pas parce que nous n’avons pas travaillé. Nous avons fait tout ce que nous pouvons faire. C’est pourquoi nous préparons la contre-saison, avec la culture des tubercules. On espère que cela va réussir», souhaite-t-il.
Et pourtant, plusieurs jeunes de Baguinéda avaient fondé beaucoup d’espoir sur la saison agricole. La déception est d’autant plus grande pour eux. «Je suis Sékouba Diarra de Soundougouba N°1. Cette année, ça a été la déception, les champs de riz n’ont rien donné. Les champs d’un hectare, qui peuvent donner 100 sacs, n’ont donné que 4 sacs, soit 6 ou 10 par endroits. À Baguinéda aujourd’hui, c’est la disette, presque la famine. On se prépare pour la contre-saison, mais on a peur de manquer d’eau parce que le grand canal est en réparation. Si on ne fait pas de contre-saison, on va mourir de faim cette année», craint-il.
Comme un malheur ne vient jamais seul, le canal d’irrigation de la localité est en réfection, ce qui compromet la contre-saison. C’est que nous explique Oumou Samaké de Tiema : «Cette année, la culture du riz, la contre-saison, rien ne marche. On se demande que faire. Nous avons des enfants à nourrir, on ne connaît que l’agriculture et voilà que rien ne nous réussit. Tous les grands cultivateurs n’ont pas eu plus de 40 sacs pour des gens qui cultivent 5 hectares. C’est la catastrophe. Pour des investissements de 300 à 600 mille FCFA, si tu n’a pas 50 mille, c’est la catastrophe. Et dire qu’on n’a pas d’eau dans le canal pour la contre-saison. Nous demandons à toutes les bonnes volontés de nous venir en aide».
Avec le manque d’eau et la réparation du canal principal, certaines femmes ont creusé des puits pour faire du maraîchage avant la saison de la chaleur. «C’est Aminata Dembélé de Moffa. Nous avons fait des tubercules, des oignons et du haricot. On a été obligé de creuser un puits parce qu’il n’y a pas d’eau dans le canal. Ce puits-là va se tarir vers le mois de mars. C’est pourquoi nous demandons de l’aide afin qu’on puisse nourrir nos familles. Les récoltes de nos maris n’ont rien donné cette année. On voit déjà la famine à nos portes».
Lors de notre passage, nous avons coïncidé avec la récolte du champ de riz de Kassim Traoré, petit-frère du chef de village, Modibo Traoré dit Modibo N°2. Sur les deux hectares, ils n’ont récolté que 40 sacs de riz paddy, alors qu’ils récoltaient 300 voire 350 sacs, les autres années, sur l’ensemble des champs de la famille. Selon Kassim Traoré, les encadreurs-paysans ne semblent pas accorder une oreille attentive à leurs doléances. Même pour le payement des redevances eau de la saison à venir, rien n’a été fait.
À Baguinéda, la conjoncture fait craindre le pire et les populations redoutent une aggravation de la situation si rien n’est fait, d’où les appels aux partenaires et aux bonnes volontés.
Kassim TRAORE