Après avoir pris acte du report du référendum dans un communiqué gouvernemental du 10 mars 2023, la Mission d’Observation des Elections au Mali (MODELE-Mali), a, dans son rapport préélectoral N°01/23, demande à l’Autorité Indépendante de Gestion des Elections (AIGE) de proposer un calendrier électoral réaliste et réalisable. Ce rapport était au centre d’une conférence de presse tenue le samedi tenue le samedi 18 mars 2023 à l’hôtel Maeva Palace.
Le chef de mission de la MODELE-Mali, Dr Ibrahima Sangho, a animé une conférence de presse le samedi dernier sur le chronogramme électoral après le report du référendum initialement prévu pour hier dimanche 19 mars. Il était assisté de MM. Abdoulaye Guindo (DONIBLOG), de Mamadou Lassine Diarra (Consortium ELE) et de Oumar Ben (Tuwindi).
Dans sa déclaration liminaire lue par le chef de mission, la Mission d’observation des élections au Mali (MODELE Mali) a pris note du report de la date du Référendum prévu pour le 19 mars 2023, suite à la publication du communiqué n°046 du gouvernement de Transition du vendredi 10 mars 2023. Aucune nouvelle date du scrutin référendaire n’a été annoncée. La MODELE a rappelé que le gouvernement avait communiqué un calendrier électoral à la CEDEAO en juin 2022, en même temps qu’une nouvelle loi électorale, en vue de la levée des sanctions prises à l’encontre du Mali. Au vu du report de la date du référendum, la MODELE a fait un certain nombre de constats et de recommandations.
Dans son rapport, la MODELE-Mali a rappelé le chronogramme communiqué à la CEDEAO comporte 6 grandes élections ; à savoir : le référendum constitutionnel (19 mars 2023) ; les élections des conseillers communaux (25 juin 2023) ; les élections des conseillers de cercles (25 juin 2023) ; les élections des conseillers régionaux et de district (25 juin 2023) ; les élections législatives (29 octobre et 19 novembre 2023) et l’élection présidentielle (4 février et éventuel second tour le 18 février 2024). Au vu de l’article 4 de la loi électorale n°2022-019 du 24 juin 2022, la MODELE relève que c’est l’Autorité Indépendante de Gestion des Élections (AIGE) qui doit communiquer un chronogramme électoral et non le gouvernement. Par conséquent, la MODELE attend de l’AIGE la publication d’un chronogramme électoral actualisé.
Concernant l’AIGE, la MODELE a constaté que le Collège de l’AIGE a été installé par le Président de la Transition le 10 janvier 2023. Selon l’article 24 de la Loi électorale en vigueur, les coordinations de l’AIGE au niveau des régions, cercles, communes, ambassades et consulats doivent être mises en place 6 mois avant les élections. Ce qui n’a pas encore été réalisé. Le délai est réduit à 3 mois au plus, selon l’article 24 nouveau de la Loi N°2023-001 du 13 mars 2023 portant modification de la Loi électorale n°2022-019 du 24 juin 2022 portant Loi électorale.
Aussi, la MODELE espère voir la concrétisation rapide de la mise en place et de l’opérationnalisation des coordinations de l’AIGE, sans lesquelles il ne saurait y avoir d’élections.
Par rapport à la relecture de la loi électorale, après relecture de la Loi électorale par le Conseil National de Transition (CNT), et la loi modificative promulguée le 13 mars 2023 par le Président de la Transition, trois points principaux ont été revus : à savoir le vote par anticipation des Forces armées et de sécurité, l’introduction de la carte d’identité biométrique en lieu et place de la carte d’électeur comme document d’identification de l’électeur, et le délai de 3 mois maximum au lieu de 6 mois pour la mise en place des coordinations de l’AIGE au niveau des régions, cercles, communes, ambassades et consulats.
Concernant le vote par anticipation des membres des Forces Armées et de sécurité une semaine avant les différents scrutins, la MODELE pense que c’est un élément qui peut donner lieu à des irrégularités électorales majeures. Par ailleurs, l’AIGE, qui est responsable de la confection du fichier électoral, doit également apporter des précisions sur la manière dont seraient traitées ces listes électorales spécifiques dans le fichier électoral général.
Par rapport à l’institution de la carte nationale d’identité biométrique sécurisée comme carte d’électeur, la MODELE observe que les moyens mis en œuvre pour la mise à jour des données des citoyens sont insuffisants, notamment le nombre de lieux et d’équipes de travail sur le terrain en charge des demandes à traiter. Cela nécessite en conséquence de multiplier les lieux de délivrance ainsi que les équipes de travail. Par ailleurs, un mécanisme de facilitation doit être accordé aux personnes vivant avec handicap pour l’obtention de leurs cartes.
En ce qui concerne la réduction du délai de mise en place des Coordinations de l’AIGE à 3 mois au plus au lieu de 6 mois, la MODELE estime que c’est une bonne chose permettant la tenue des élections dans un délai plus court. Toutefois, des dispositions doivent être prises par l’AIGE et les autorités pour l’effectivité de la mise en place et de l’opérationnalisation des coordinations de l’AIGE sur l’ensemble du territoire (régions, cercles et communes) et à l’extérieur (ambassades et consulats), objet de la lettre d’information de l’AIGE, du 24 février 2023, adressée aux partis politiques et à la société civile.
Concernant le projet de constitution, la MODELE a analysé ledit projet principalement sur les aspects électoraux après sa validation par le Président de la Transition.
Ainsi, elle a salué les avancées comme la reconnaissance du rôle de la société civile, le renforcement des droits de l’Homme, avec la garantie de protection des droits des personnes vivant avec un handicap, la prise en compte des droits de l’enfant et l’interdiction expresse de l’esclavage. Tout comme l’introduction des Normes et Conventions internationales, comme la Déclaration de Bamako de 2000, le Protocole additionnel de la CEDEAO de 2001 et la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance de 2007, dans le projet de Constitution.
Les articles 48 et 96 du projet de Constitution constituent des avancées. Suivant l’article 48, le second tour de l’élection Présidentielle se tient le troisième dimanche suivant la proclamation définitive des résultats du premier tour par la Cour Constitutionnelle. Avec l’article 96, le mode de scrutin pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale est élargi aux modes de scrutin majoritaire, proportionnel ou mixte.
Sur la réorganisation territoriale, le chef de mission de MODELE-Mali, Dr Ibrahima Sangho, a rappelé dans sa déclaration liminaire que le Mali est actuellement à la phase 5 du découpage territorial, depuis l’accession du pays à la souveraineté nationale en 1960.
Suite à la promulgation des lois des collectivités territoriales et administratives, le 13 mars 2023, le Mali compte désormais : 19 régions, 1 district, 159 cercles, 466 arrondissements, 819 communes et 12 712 villages. Ainsi, les autorités de la Transition ont créé 99 nouveaux cercles.
Avec le souhait exprimé des autorités de la Transition d’opérationnaliser toutes les nouvelles entités avant les prochaines élections, la MODELE s’interroge sur la disponibilité des ressources humaines, matérielles et financières pour mener à bien ce projet.
Des questionnements subsistent également quant à la mise en place et à l’opérationnalisation de l’administration locale ainsi que des coordinations de l’AIGE sur toute l’étendue du territoire. Ce problème se pose plus particulièrement au niveau communal dans les endroits en proie à l’insécurité.
Pour terminer, la MODELE-Mali a fait des recommandations adressées aux autorités de la Transition et à l’AIGE. Aux autorités de la transition, la MODELE-Mali recommande la mise en place d’un dialogue politique inclusif entre les autorités et l’ensemble des partis politiques. Un dialogue qui devra porter sur toutes les questions pertinentes de l’heure, y compris le système électoral et son impact sur la représentation nationale ; la large vulgarisation du contenu du projet de Constitution dans toutes les langues nationales ; la large vulgarisation du contenu des lois sur la réorganisation territoriale dans toutes les langues nationales ; l’opérationnalisation des nouveaux cercles et régions ; et la relecture de la Loi n°02-010/ du 05 mars 2002 portant Loi organique fixant le nombre, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités, les conditions de remplacement des membres de l’Assemblée Nationale en cas de vacance de siège, leurs indemnités et déterminant les conditions de la délégation de vote.
A l’AIGE, la MODELE-Mali recommande l’accélération du processus d’installation et d’opérationnalisation de ses coordinations dans les régions, cercles, communes, ambassades et consulats, conformément aux articles 22, 23 et 24 de la Loi électorale en vigueur ; la publication d’un calendrier électoral réaliste et réalisable pour le retour à l’ordre constitutionnel ; la mise en place dans les meilleurs délais du processus d’accréditation des observateurs tel que prévu à l’article 39 de la Loi électorale. Par ailleurs, il serait utile que le président de l’AIGE précise l’étendue des attributions des observateurs en mentionnant leur présence à toutes les étapes du processus électoral ; y compris aux différents niveaux de centralisation des résultats provisoires et définitifs. Cependant, la MODELE-Mali ne doute aucunement de la volonté des autorités de la Transition de tenir les élections pour le retour à l’ordre constitutionnel dans les 24 mois annoncés à la CEDEAO.
Y. SANGARÉ