L’ex-Dg doit justifier 3 824 804 114 Fcfa et les créances de 123 831 719 Fcfa dues à Amadou Djigué bientôt recouvrées
C’est l’ancienne ministre de l’Elevage et de la Pêche sous IBK, Mme Ly Taher Dravé, qui aura la lourde responsabilité de sortir la Compagnie “Les Assurances Lafia-Sa” d’une crise qui a trop duré. Cette femme Expert-Comptable vient d’être nommée Administratrice Provisoire de la Société pour un mandat de 2 mois (septembre-octobre 2020) renouvelables. Cette nomination fait suite à la révocation de l’opérateur économique Amadou Djigué de ses fonctions de Président du Conseil d’administration (Pca) par les Administrateurs, le 16 juillet 2020 et la désignation de Boubacar Djigué à ce poste, lors de la 86ème session du Conseil d’administration de la Compagnie. Mme Ly Taher Dravé aura du pain sur la planche puisqu’elle doit permettre au directeur général de la Compagnie, Ousmane Bocoum, de justifier le montant de 3 824 804 114 Fcfa arrêté à la clôture de la mission de contrôle de la Direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique (Dntcp) et de recouvrer les créances dues à Amadou Djigué en sa qualité de Pca, arrêtées à 123 831 719 Fcfa par la mission de contrôle de la Dntcp.
Depuis quelques mois, la Compagnie “Les Assurances Lafia-sa” défraye la chronique à cause des agissements solitaires du désormais ex-président du Conseil d’administration, l’opérateur économique Amadou Djigué. Sans oublier les nombreuses procédures judiciaires qu’il a unilatéralement engagées contre le directeur général des Assurances Lafia-sa, Ousmane Bocoum, et les Administrateurs, pour les empêcher de se réunir en session du Conseil d’administration, le 16 juillet 2020.
Aujourd’hui, Amadou Djigué traverse une période très difficile puisque ses affaires ne marchent plus comme auparavant. Ses différents contentieux avec des banques de la place sont passés par là.
S’agissant de la Compagnie “Les Assurances Lafia-sa”, l’opérateur économique Amadou Djigué n’en est plus le président du Conseil d’administration (Pca), après 20 ans. En d’autres termes, il a été purement et simplement démis de ses fonctions par les Administrateurs, qui ont désigné un autre opérateur économique du nom de Boubacar Djigué pour le remplacer.
En fait, Boubacar Djigué a été désigné président du Conseil d’administration (Pca) à l’issue de la 86ème session du Conseil d’administration, tenue le 16 juillet 2020. Et quatre des huit Administrateurs étaient présents, à savoir Boubacar Djigué, Hassane Bathily, Alou Gamby et Sékou Oumar Tangara. Le quorum était donc atteint puisque la loi et l’article 16 des statuts des Assurances Lafia-sa exigent la présence physique d’au moins la moitié des Administrateurs pour la tenue d’un Conseil d’administration.
Ont également pris part à cette réunion, le directeur général de la Société, Ousmane Bocoum, et Maitre Yacine Faye Sidibé, notaire en tant que secrétaire de séance.
La révocation du président du Conseil d’administration, Amadou Djigué, et la désignation du nouveau Pca étaient donc les grandes lignes de ce Conseil d’administration.
S’agissant de la révocation de l’opérateur économique, Amadou Djigué, les Administrateurs se sont basés sur la crise de gouvernance que traverse la Société “Assurances Lafia-sa” et la volonté manifeste de Amadou Djigué de remettre en cause toutes les décisions régulièrement et légitimement prises par les organes dirigeants de la compagnie, notamment le Conseil d’administration et l’Assemblée générale des Actionnaires sur l’Arrêté des comptes clos au 31 décembre 2018 et sur l’augmentation de capital clos le 30 avril 2019.
Autres arguments, c’est la rupture de confiance entre Amadou Djigué et les autres membres du Conseil d’administration, l’assignation des Administrateurs devant la justice… Tout cela pour empêcher la tenue du Conseil d’administration.
Voilà pourquoi les Administrateurs ont décidé de changer la gouvernance afin de mettre en place de nouvelles règles de bonne gouvernance pour assurer la pérennité de la Compagnie “Assurances Lafia-sa”, préserver la continuité des activités et l’image de la Compagnie. Cela, afin de lui permettre de faire face, de façon sereine, aux défis et changements en cours dans le secteur des Assurances.
Malgré tout, Amadou Djigué n’a pas baissé les bras. Son souhait était de mettre en place un Administrateur provisoire pour gérer les affaires de la Société “Les Assurances Lafia-sa”. Cela, après le rapport de contrôle d’un Expert de la Direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique (Dntcp) qui a décelé des malversations financières à hauteur de 3 824 804 114 Fcfa pesant sur la gestion du directeur général, Ousmane Bocoum. Ce dernier est donc accusé par ce rapport, d’escroquerie, d’abus de confiance, d’abus de biens sociaux, de fraudes comptables (comptabilité fictive), soustraction frauduleuse à l’encontre de la Société.
Au titre des commissions et sinistres, le rapport constate des anomalies consistant en “l’existence de plusieurs chèques libellés au nom de deux bénéficiaires différents” pour un montant de 162 295 182 Fcfa. Et les vérifications font ressortir des chèques libellés engagés par le directeur général d’un montant de 37 494 841 Fcfa.
Au titre des émissions des primes et paiement des commissions, de graves fraudes apparaissent dont 1 244 328 959 Fcfa de commissions ont été frauduleusement payées à divers courtiers, sans aucun justificatif.
Sur les dossiers de sinistres des exercices 2018 au 31 mars 2020, le rapport a décelé des paiements en doute, frauduleusement répétés sans que la Direction générale puisse fournir la moindre pièce justificative.
En toute violation de l’article 733 du Code Cima et de l’Arrêté du ministre des Finances N°0741/MF-SG du 26 avril 1999 fixant le taux des commissions, la Direction générale a frauduleusement payé 256 889 122 Fcfa de commissions en dépassement du taux réglementaire.
C’est pour toutes ces raisons que le ministère de l’Economie et des Finances a décidé de mettre la Compagnie “Les Assurances Lafia-sa” sous administration provisoire. Et le choix s’est porté sur l’ancienne ministre de l’Elevage et de la Pêche sous IBK, Mme Ly Taher Dravé pour assurer le poste d’Administratrice provisoire pour un mandat de 2 ans, à compter du 1er septembre 2020.
A ce titre, Mme Ly Taher Dravé bénéficiera d’un traitement mensuel et des avantages attachés à ses fonctions, fixés par le Conseil de surveillance dans les conditions prévues à la circulaire N°00175/CRCA/CIMA/PDF/ 2002 du 24 octobre 2002 portant limitation des frais de gestion des administrateurs provisoires.
La nouvelle patronne aura la lourde tâche de gérer les affaires courantes de la Société. Il s’agira donc de corriger les insuffisances sur l’opération d’augmentation du capital social des Assurances Lafia-sa ainsi que les autres anomalies signalées dans le rapport de contrôle de la Direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique (Dntcp).
Mme Ly Taher Dravé doit permettre au directeur général, Ousmane Bocoum, de justifier le montant de 3 824 804 114 Fcfa, arrêté à la clôture des travaux de la mission de contrôle de la Dntcp.
S’agissant de ses malversations financières, Ousmane Bocoum réfute les accusations du rapport de contrôle. Selon lui, toutes les pièces justificatives ont été remises à la Direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique.
Mme Ly doit aussi mettre tout en œuvre pour recouvrer les créances dues à Amadou Djigué en sa qualité de président du Conseil d’administration (PCA), arrêté à 123 831 719 Fcfa à la clôture des travaux de la mission de contrôle de la Dntcp.
L’Administratrice provisoire doit également restaurer le calme au sein de l’entreprise, veiller au respect des dispositions du règlement N°007/CIMA/PCMA/CE/ 2016 du 8 avril 2016, relatif à l’augmentation du capital des sociétés d’Assurances.
Notons que Mme Ly Taher Dravé est experte comptable et gérante de la Société d’expertise comptable “Mali Consulting Group”. Elle est aussi membre du Conseil de l’Ordre national des experts comptables et comptables agréés du Mali depuis 2006.
Experte judiciaire auprès des cours et tribunaux du Mali, commissaire aux comptes agréée par la commission bancaire de l’Uemoa et la Commission régionale de contrôle des assurances (Crca/Cima), la nouvelle patronne des Assurances Lafia-sa est également formatrice en Syscoa/Syscohada et en comptabilité analytique de gestion.
Pour ce faire, elle a acquis une expérience de plus de 20 années en audit dans plusieurs pays, notamment en Tunisie, France, Guinée, Mali et dans d’autres pays de l’Uemoa.
Après avoir décroché son baccalauréat au Lycée des Jeunes Filles de Bamako en 1989, Mme Ly a poursuivi ses études à l’Institut des Hautes études commerciales de Carthage-Présidence avant de décrocher son diplôme universitaire d’études comptables, puis une maîtrise en option gestion comptable.
Elle est détentrice d’un Diplôme d’Etudes Comptables et Financières, obtenu en France en 2004. Mme Ly Taher Dravé est aussi présidente du Club Soroptimist International “Club Lumière de Bamako” depuis novembre 2016.
Il faut rappeler que la crise au sein de la Compagnie “Assurances Lafia-sa” a débuté par la mise en œuvre du processus d’augmentation du capital social, conformément aux normes de la Conférence internationale des contrôles d’assurances (Cima). Et Ousmane Bocoum avait été nommé directeur général de la Société, le 23 décembre 2017, sur proposition de l’opérateur économique, Amadou Djigué. Auparavant, il avait assuré le poste de directeur administratif et financier (Daf).
El Hadj A.B. HAIDARA
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LE DIRECTEUR NATIONAL DU TRéSOR ET DE LA COMPTABILITé PUBLIQUE MET EN GARDE AMADOU DJIGUé
“Je vous demande de sursoir à toute activité en
qualité de Pca de la Société, sous peine de sanction prévue par la réglementation en vigueur”
Dans une correspondance en date du 3 août 2020, le directeur national du Trésor et de la Compatibilité publique, Sidi Almoctar Oumar, met en garde Amadou Djigué de sursoir à toute activité en qualité de Pca de la Compagnie “Assurances Lafia-sa”, sous peine de sanction prévue par la réglementation en vigueur puisqu’il a été remplacé par Boubacar Djigué, désigné Président du Conseil d’administration par les Administrateurs, le 16 juillet 2020.
Le 3 août 2020, le directeur national du Trésor et de la Comptabilité publique, Sidi Almoctar Oumar, a adressé une correspondance à Amadou Djigué afin de le mettre en garde. “Il m’est revenu de constater que vous avez publié dans le journal “L’Indépendant N°5020 du jeudi 30 juillet 2020 un avis sur les Assurances Lafia-sa relatif à l’Administration Provisoire de la Société prononcée par le Tribunal de Commerce de Bamako, suite à votre plainte sur la gestion de son Directeur général.
Je vous rappelle qu’en matière d’Administration Provisoire, les dispositions des articles 312 et 321 du Code des assurances issu du Traité CIMA prévoient une procédure spécifique pour y parvenir, en y consacrant l’exclusivité du pouvoir de décision à la Commission régionale de contrôles des Assurances ou au ministre en charge des Assurances dans l’Etat membre, après avis conforme du Secrétaire général de la Conférence.
Par conséquent, nulle autre instance en dehors de la Commission n’est habilitée à mettre sous Administration Provisoire une Société d’Assurance d’un Etat membre” précise Sidi Almoctar Oumar. Avant d’ajouter : “Dès lors, vos nombreux actes posés au mépris de la réglementation communautaire vous exposent à d’éventuelles sanctions de la Commission.
Par ailleurs, je vous informe que la correspondance N°1682-20 du 16 juillet 2020 des Assurances Lafia-sa qui m’a été adressée indique qu’au cours de la 86ème session du Conseil d’Administration de la Société, Boubacar Djigué a été désigné comme Président.
En attendant les diligences que je compte mener sur la régularité de cette assise, conformément aux dispositions des statuts de la Société et des articles 453 et suivants de l’Ohada, je vous demande de sursoir à toute activité es qualité PCA de la Société, sous peine de sanction prévue par la règlementation en vigueur”.
Pour conclure, il précise : “je vous saurais gré des dispositions que vous voudrez bien prendre pour inscrire vos activités relatives à la Société dans le cadre strict de la légalité”.
Notons que le directeur général des Assurances Lafia-sa, Ousmane Bocoum, avait été accusé de “malversations financières” pesant sur sa gestion par le rapport d’un Expert commis par la Direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique portant sur 3,8 milliards Fcfa. Ce rapport a été commandité par le désormais ex-Président du Conseil d’Administration, Amadou Djigué, tout en oubliant qu’une Société d’Assurance est principalement régie par le Code de la conférence internationale des contrôles des assurances (Cima) et secondairement par les textes de l’Ohada. Et cela dans les domaines où le Code Cima n’a pas légiféré.
El Hadj A.B. HAIDARA