En janvier dernier, je suivais sur une chaîne française une scène devenue presque banale dans un aéroport parisien : l’accueil en grande fanfare d’une jeune française, anonyme, qui venait de passer sept longues années dans les geôles mexicaines. Tout le peuple français était de cœur avec l’évènement, politiques de gauche, de droite, du centre, écologistes et media le cœur était à l’unisson, pour la jeune femme pour laquelle les gouvernements de Chirac, de Sarkozy et de Hollande sont allés jusqu’à sacrifier des intérêts importants. Qu’elle soit ou non coupable des faits la concernant, pour sauver Florence Cassez des griffes d’une justice présumée manipulée, toute la France était là soudée et généreuse sans rien demander en retour. Avant Florence, Christian Chesnot, Georges Malbrunot ou encore Florence Aubenas et d’autres ont bénéficié de la même solidarité patriotique de leurs compatriotes : condamnation, négociations diplomatiques, pression médiatiques, manifestations, pétitions, motions et constitution de lobbies, etc.
Diabolique pénurie d’unité
Mon intérêt pour cet évènement était nombriliste. Pourquoi dans mon propre pays au Mali, les gens ne sont pas capables de s’entendre sur la moindre chose. Le strict minimum. C’est cette diabolique pénurie d’unité et cette propension à la division sociale elle-même juxtaposée sur diverses bases qui a raison de tous nos échecs. Il suffit de remonter l’histoire contemporaine pour se faire une idée de ce phénomène. Lors de la pénétration coloniale, les populations autochtones étaient divisées entre les contre et les collaborateurs. Sans le concours des collabos la conquête coloniale n’était pas garantie. A la veille des indépendances, de nombreux Maliens propulsés au devant de la scène au moyen de références propres à la métropole étaient contre l’accès à la souveraineté de leur territoire. Pendant de longues années des plaies béantes se sont formées entre les fils d’une même nation, les frères d’une même famille. En cherchant la voie d’une civilisation chimérique, le bon a été piétiné avec le mauvais et les repères de toute une race se sont envolés à jamais ou presque.
Chacun cherche à cracher sa veine…
Ce sont des plaies extrêmes qui gouvernent encore le quotidien malien. Ceux là qui acceptent Modibo Kéïta et ceux là qui ne l’acceptent pas ; ceux qui acceptent Moussa Traoré et ceux là qui ne l’acceptent pas ; ceux là qui sont solidaires de Alpha Oumar Konaré ou Amadou Toumani Touré et ceux à qui ne sont pas d’accords avec eux. Chacun cherche à en découdre et ne rate aucune occasion pour cracher sa veine et sa haine les autres bords.
En 53 ans d’indépendance, le Mali peut se vanter…
Aujourd’hui encore au moment même où l’existence du pays est en jeu que n’a-t-on pas vécu ? Que n’a t-on pas vu et entendu ? Que n’a t-on pas donné en spectacle à la face du monde ?
En 53 ans d’indépendance le Mali peut se vanter par rapport à certains Etats africains d’avoir enregistré trois putschs réussis : en 1968, en 1991 et en 2012. Tous les trois étaient prévisibles et ont eu les rumeurs et les murmures sournois qu’ils méritaient avant et après coup. Les régimes Modibo, Moussa et ATT avaient chacun ses reproches fondées comme infondées. Mais une chose est sûre. Notre pays n’a pas beaucoup bougé depuis plus de 50 ans. Pendant ce long parcours, que de complots, de programmes et de projets sans lendemains, que de d’illusions de justice, d’égalité des citoyens, de prospérité pour tous. Surtout que de ruptures sociales et de débranchement entre le haut peuple perché dans une poignée de familles et le bas peuple misérable qui ne peut compter que sur ses propres forces qu’à Dieu ne plaise !
Les évènements de mars 2012 ne sont que le reflet du tripatouillage de l’Etat
Les évènements de mars 2012 et ceux du nord Mali ne sont que le reflet du tripatouillage de l’Etat, du pourrissement d’un système malsain et infect, de la déliquescence de dirigeants qui ne voient pas plus loin que leur propre estomac, de l’échec du savoir gouverner avec un Etat capable de protéger le faible, condamner le puissant et faire profiter par chacun de l’effort conjugué de tous. Parce qu’en matière de modèle, nous avions choisi le mauvais : corruption, népotisme, favoritisme…avec pour bilan plus d’opprimés, de pauvres, de chômeurs, de conflits, d’injustice, d’insécurité, de victimes de tous les abus, etc… De millions de maliens délaissés là au bord du progrès et pantois à se demander ce que l’Etat absent et lointain leur apporte de bon !
Ces évènements seront jugés
Ces évènements seront jugés dans l’histoire comme une nouvelle étape pour qu’enfin s’estompent le bricolage qui a fait de presque chaque malien un mendiant dans le comportement, les faits et gestes, un concurrent économique, un rival politique et social. Il faut un léger pas pour que la couleur culturelle et religieuse s’en mêle et toutes nos sagesses glorieuses n’auront servi à rien. Même pas au minimum : savoir vivre ensemble, se tolérer et se pardonner pour le seul bien de notre présent et des générations vert, jaune et rouge qui hériteront de nous. Si les Maliens savent rebondir ils en ont cette fois-ci l’occasion ! A eux de la saisir ! S’ils ne las saisissent pas immédiatement Mali Demain sera là pour le leur rappeler parce qu’en matière de sentinelle de l’intérêt général une certaine presse malienne est à saluer : celle qui depuis de nombreuses années sous la plume de journalistes citoyens convaincus dénonçait le mal pour récolter la tempête ! Cette presse ne doit pas être oubliée car elle a lutté bien avant aujourd’hui contre l’arbitraire les mains nues et les poches percées ! Pour l’intérêt général et l’intérêt de toutes les corporations de la société !
Benjamin Sangala
Monsieur Benjamin Sangala vous décrivez parfaitement la situation du Mali en toute sérénité sans vindicte aucune sans accusation personnelle. C’est un remarquable état des lieux des causes et de leurs effets. Vous restez optimiste pour le futur et vous avez raison.
J’espére que vous serez lu et surtout bien compris. Félicitations à vous.
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