Annulation de la dette, évasion fiscale, fuite des capitaux :Les alter-mondialistes sonnent le tocsin

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Après la gigantesque marche d’ouverture du  6 fevrier qui fut marquée par la présence de très hautes personnalités et des sommités internationales, place maintenant aux activités des organisations, à l’animation au niveau des stands au campus universitaire Cheick Anta Diop, considéré comme le centre névralgique du forum social mondial de Dakar, où règne une véritable marée humaine submergée par le flot d’universitaires qui, pour se frayer un passage en vue d’accéder à la salle de classe qui, pour se glisser entre les alter mondialistes afin de prendre part à l’une des nombreuses conférences programmées. Annulation de la dette des États du tiers-monde, évasion fiscale des capitaux, etc, furent au centre  des discussions.

La lancinante question de la dette  est revenue,  à maintes reprises, sur les lèvres. Chose qui  a retenu l’attention des militants du Comité d’annulation de la dette du tiers- monde.

Les divers intervenants ont insisté sur les  effets collatéraux de la dette, surtout pour les Etats africains. La dette, relève t-on, constitue un véritable goulot d’étranglement pour l’envol des pays africains en compromettant les investissements dans les secteurs sociaux de base et en privant les populations de leurs droits fondamentaux et en maintenant les États africains dans une spirale de remboursement.

Les modèles économiques alternatifs  expérimentés avec succès dans les pays latino-américains comme la Bolivie, le Venezuela où le Brésil, sont venus requinquer les militants, dans le combat qu’ils mènent depuis la création du collectif pour l’annulation de la dette des États du Ters-monde. Au cours des exposés, il a été établi que certains de ces pays ont coupé leur collaboration avec le Système financier mondial, en refusant de payer leurs dettes. En dépit des menaces des institutions financières, ils se portent bien. Les conditions de vie de ces populations s’étant améliorées et les salaires ont été augmentés.

Le président bolivien, Evo Moralès, seul chef d’État en exercice à avoir pris part à la marche d’ouverture, s’est, au cours de son intervention, évertué à donner des éléments d’appréciation qui poussent à l’optimisme. "En 2005, lorsque j’ai accédé au pouvoir, il n’y avait que 1700 millions de dollars US comme resserves publiques, actuellement, celles ci se chiffrent à 10 000 millions de  dollars, grâce à la nationalisation de la gestion des ressources naturelles de la Bolivie " a précisé l’ancien syndicaliste maximo devenu président. Le Collectif pour l’annulation de la dette des États du Tiers monde a, dans la foulée, publié des chiffres qui donnent froid au dos.

La dette extérieure publique et privée des pays du tiers monde, qui s’élevait en 2007 à 3360 milliards de  dollars US, maintient 85% de l’humanité dans la misère, les pays pauvres paient plus pour leur dette que pour leur budget de santé et d’éducation.  A titre d’exemple, un pays de la sous – région consacre 35% de ses revenus au remboursement de la dette contre 11,4% pour les services sociaux de base.

La plupart de ces dettes des Etats du Tiers monde, nous dira Eric Toussaint, sont odieuses. Il en veut pour preuve le cas de l’Équateur où 90% de la dette de ce pays latino-américain était illégitime. Lorsqu’il s’en est rendu compte, l’Equateur a mis dehors le FMI et a annulé toutes les missions que la structure financière mondiale devait entreprendre sur place. Du coup, il a refusé de payer sa dette. Toujours dans ce sous-continent américain, l’Argentine a refusé de s’acquitter du payement de sa dette au Fmi. Ce n’est pas tout, l’Argentine a également annulé son payement au club de Paris dont la dette était estimée à plus de 6 000 millions de dollars US. Eric Toussaint d’ajouter que personne n’en a entendu parler parce que les créanciers ont maintenu un silence de mort sur le sujet pour éviter une contagion dans le monde.

Le moment des atermoiement est révolu

Les militants alter mondialistes admettent qu’il est bel et bien possible pour un pays de refuser de payer sa dette et que cela, contrairement à ce qui se dit, ne conduirait jamais au chaos. L’Argentine et L’Équateur l’ont expérimenté et réussi et se portent bien : amélioration des conditions de vie.

Et si les États africains venaient à refuser le  payement de leur dette, quelles peuvent être les conséquences pour ceux-ci ? Les altero, comme on les appelle à Dakar, minimisent la portée d’une telle conséquence. Et pour cause, les sommes qui devaient sortir pour rembourser la dette resteront sur place et vont servir à mettre les gens au travail.

Dans le remboursement de la dette des pays du tiers monde, les conférenciers ont relevé ce qu’ils ont qualifié d’une politique de deux poids deux mesures. Après  l’assaut des USA contre Saddam Hussein ayant amené son départ du pouvoir, les nouvelles autorités de Bagdad ont clairement refusé de payer la dette contractée par le régime dictatorial du raïs. Ils ont été suivis par les grandes puissances, personne n’a trouvé à redire. D’où cette question de savoir si les pays doivent  continuer de payer pour les régimes dictatoriaux déchus? Pourquoi la République Démocratique du Congo doit-elle payer pour Mobutu ? Pourquoi, le régime sud-africain doit-il payer pour l’Apartheid ? Autant de questions qui ont fait l’objet de debats. En clair pour les militants alter mondialistes venus de part le monde, les africains doivent saisir la balle au bond: ça été possible pour l’Irak de Saddam pourquoi pas nous aussi. Le moment des atermoiements est révolu, il faut agir. Une démarche qui se trouve confortée par la présence, à ce onzième Forum social mondial, du délégué tunisien, en la personne de Fathy Chamki, un militant de première heure et qui se trouve être l’un des meneurs de la révolution du jasmin, c’est -à-dire l’un de ceux qui ont fait chauffé à bloc le pays le président déchu Ben Ali. Chamki est catégorique lorsqu’il dit que " la tête du monstre est décapitée, mais le monstre n’est pas encore vaincu car le système continue, mais il n’est pas question pour le peuple tunisien de rembourser les nombreuses dettes contractées du temps du dictateur ".

L’Afrique perd 15 000 milliards FCFA par an

Le thème " évasion fiscale, fuite des capitaux " fut abordé dans le cadre du Forum social mondial de Dakar. Une occasion pour la présidente de la Commission développement au parlement européen, Eva Joly,  de dévoiler à l’assistance que l’Afrique, en raison des paradis fiscaux, perd bon an mal an la  somme de 15 000 milliards FCFA. Pour la parlementaire européenne, l’évasion fiscale occasionne des dérégulations de marchés, l’exemptation de taxes, l’exonération d’impôts et l’établissement de zones franches pour attirer des investissements étrangers et la corruption.

La présidente de la Commission développement au parlement a indiqué que les paradis fiscaux sont de véritables armes de destruction pour les États pauvres. Pour mettre un terme à cette spirale, elle propose deux solutions : le combat doit être mené  en Afrique et à l’étranger. Pour terminer, Eva Joly suggère aux États africains de mettre en place un système fiscal transparent pour lutter contre les fuites des capitaux , dégager des recettes et remplacer progressivement la dépendance  vis à vis de l’extérieur.

Abdoulaye DIARRA

Envoyé spécial à Dakar

 

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