Dans la nuit du 9 au 10 novembre, les Maliens ont appris avec stupeur le décès de l’ancien président Amadou Toumani Touré, communément appelé par ses initiales ATT. Sa mort brusque, à 72 ans – alors qu’il semblait être en bonne santé le 18 septembre dernier, lors des funérailles d’un autre ex-président, en l’occurrence Moussa Traoré, celui-là même qu’il avait renversé pour entrer dans l’histoire politique du Mali et ne plus jamais en sortir –, a surpris ses concitoyens.
Renversé à son tour par un coup d’État militaire le 22 mars 2012, il s’était exilé au Sénégal avant de rentrer définitivement au Mali en 2019.
Depuis lors, il recevait régulièrement à son domicile de Hamdallaye ACI, à Bamako, de nombreuses visites, notamment des acteurs politiques, des militaires ou encore des opérateurs économiques. Déchu avant d’être réhabilité, ATT semblait n’avoir jamais été aussi populaire que depuis son éviction du pouvoir, intervenue à seulement deux mois d’une élection présidentielle à laquelle il n’était pas candidat.
Mais qui était-il vraiment ? Qu’est-ce qui explique un telle émotion autour de sa disparition ? Que retenir de son héritage politique ?
De l’armée à Koulouba (colline du pouvoir) : le général pacifiste
ATT est né le 4 novembre 1948 à Mopti, au centre du pays, région aujourd’hui affligée par les conflits intercommunautaires et la violence des milices et mouvements djihadistes.
Il est d’abord enseignant de formation à l’école normale secondaire de Badalabougou, avant de s’engager dans l’armée. Au sein de cette armée, il va gravir rapidement les échelons pour se retrouver officier. Son corps d’affectation dans l’armée malienne est le 33e Régiment des commandos parachutistes (33e RCP), appelé les « Bérets rouges », une unité considérée depuis l’indépendance comme « l’unité d’élite » de l’armée malienne. Les Bérets rouges ont notamment assuré la garde prétorienne du président Moussa Traoré, au pouvoir de 1968 à 1991.
Le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré est devenu leur chef en 1984. Ce poste lui servira de tremplin pour arriver au pouvoir une première fois en 1991 à la faveur d’un mouvement de contestation populaire contre le régime. ATT mettra en place le Comité de Transition pour le Salut du peuple (CTSP) qu’il dirigea pendant la transition. Une nouvelle Constitution est adoptée, issue de la Conférence nationale (29 juillet au 12 août 1991). Il promet de rendre le pouvoir aux civils à une époque où ce n’est pas la tradition.
Promesse tenue. Sous sa houlette, le Mali va connaître une transition apaisée, inclusive, avec l’organisation des premières élections pluralistes (présidentielles et législatives) depuis l’accession du pays à l’indépendance en 1960. De là naquit son sobriquet de « soldat de la démocratie ». Il passe le flambeau au tout nouveau président de la jeune démocratie malienne naissante Alpha Oumar Konaré, à l’issue de l’élection présidentielle de 1992. D’aucuns estiment qu’il s’agissait d’un compromis entre les deux hommes.
Toujours est-il que l’intervalle 1992-2012 sera une période charnière dans sa stratégie de construction charismatique. Il va mettre à profit cette période pour se forger une stature présidentielle, à travers diverses actions humanitaires. Il crée une Fondation pour l’enfance qui intervient beaucoup dans le développement et l’aide aux enfants déshérités.
Il devient le premier responsable en Afrique de la lutte contre la dracunculose (maladie parasitaire causée par un ver parasite appelé « ver de Guinée ») à travers la Fondation Jimmy Carter, dont il recevra un prix pour le résultat spectaculaire atteint avant l’échéance fixée. Il intervient dans la résolution de plusieurs conflits en Afrique. Il est ainsi représentant du secrétaire général des Nations unies Kofi Annan en République centrafricaine, suite à la tentative de coup d’État contre le président Ange-Félix Patassé.
Ces différentes actions vont jouer en sa faveur, quand il décide de se présenter à la présidentielle de 2002. Il demande sa mise en retraite anticipée de l’armée en 2001. En 2002, il remporte la présidentielle au deuxième tour avec 68 % des suffrages, contre Soumaila Cissé, candidat malheureux de l’Alliance pour démocratie au Mali (ADEMA), le parti au pouvoir.
Le militaire devenu professionnel de la politique : le « gouvernement de consensus »
Ce retour par les urnes le consacre définitivement comme le « militaire devenu démocrate ». Toute sa stratégie déployée pendant les deux mandats de Alpha O. Konaré n’était pas anodine pour accéder à Koulouba. Pour gagner face au candidat de l’ADEMA, il bénéficie du soutien d’Espoir 2002, coalition hétéroclite avec à sa tête Ibrahim Boubacar Keita arrivée en 3e position au premier tour.
Pour ce premier mandat (2002-2007), ATT va mettre en place un système de gestion collégiale du pouvoir : toutes les forces politiques participent à la gestion du pays. Le clivage majorité versus opposition s’estompe. Il nomme notamment un premier ministre touareg, Ahmed Mohamed Ag Hamani, dans l’intention de juguler l’irrédentisme touareg.
Ibrahim Boubacar Keita est nommé président de l’Assemblée nationale, Mountaga Tall devient premier vice-président de l’Assemblée. Choguel Kokalla Maiga devient ministre de l’industrie et du Commerce. Cheick Oumar Sissoko, président du SADI (Solidarité Africaine pour la Démocratie et l’Indépendance), parti d’extrême gauche sur l’échiquier politique malien, est nommé ministre de la Culture etc. Les 3 derniers allaient par la suite devenir des têtes de proue du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP). La présence, aujourd’hui encore, de tous ces acteurs illustre le faible renouvellement des élites politiques maliennes depuis la transition démocratique. Ce « gouvernement de consensus » qui s’inspire de la charte de Kurukanfuga, du privilège qu’accordait Soundiata Keita à la délibération collégiale, sera interprété comme « une stratégie d’assimilation réciproque des élites » et une redistribution des prébendes de l’État entre toutes les forces politiques du Mali.
Du point de vue des chercheurs G. Chauzal et V. Baudais, cette gestion consensuelle du pouvoir a été facilitée par la personnalité du « Général », qui reste aux yeux de la population le père de la « démocratie malienne » ou « l’homme du 26 mars 1991 ». Sur la scène politique, il a su jouer sur plusieurs registres. Sur le plan international, il joue de son aura d’homme de paix et de démocrate – donc de son carnet d’adresse bien fourni – pour s’implanter localement. Sur le plan national, il exploite l’image d’avoir été l’un des premiers militaires africains à rendre le pouvoir aux civils, comme il l’avait promis, pour « s’internationaliser ».
En réalité, ce système pluraliste basé sur la cooptation est gangréné par la corruption, qui finira par écorcher cette vision idyllique que la communauté internationale avait de la démocratie malienne. S’il a péché sur le plan politique, notamment dans la lutte contre la corruption et le djihadisme qui commence à s’implanter au nord du Mali à partir de 2003, ATT s’est en revanche révélé être un grand bâtisseur.
Un président patriote et panafricaniste en dépit de ses insuffisances politiques
La popularité d’ATT n’est pas le fruit du hasard. Il faut dire qu’il est à l’origine d’une large part du développement malien sur le plan socioéconomique. Il est l’initiateur de l’assurance maladie obligataire (AMO), des logements sociaux qui portent son nom (ATT bougou), en langue bambara « les maisons d’ATT », qui ont permis à beaucoup de familles modestes d’avoir accès à la propriété. Le troisième pont qui relie les deux rives de la capitale Bamako, ainsi que beaucoup d’axes routiers, sont également à mettre à son crédit. Sans oublier la construction d’un hôpital de référence dans la région de Mopti ou de l’Hôpital Luxembourg, là même où il avait été opéré avant son évacuation en Turquie pour un contrôle.
ATT fut aussi un homme affable, très chaleureux au contact et profondément imprégné de la culture malienne, qu’il exploite comme ressource politique. Il a été un innovateur en politique, comme sa trajectoire en témoigne. Il a été l’un des premiers à gagner une élection sans coloration partisane, même s’il était soutenu par une alliance conjoncturelle de partis et d’associations regroupés au sein du Mouvement citoyen… et le premier président à nommer une femme, Mariam Kaidama Cissé, à la primature.
Il s’illustre aussi par son opposition à son homologue français Nicolas Sarkozy, sur l’accord de rapatriement des Maliens en situation irrégulière en 2008. Les accords de réadmission entre les deux États visaient à contraindre l’un d’entre eux à accepter de recevoir des personnes ressortissantes ou non, et qui viennent d’être expulsées par l’autre État. Il s’oppose aussi au président français au moment de l’intervention de l’OTAN en Libye.
Son talon d’Achille restera sans doute la crise du Nord, qui a fini par l’emporter. Mais, là aussi, le temps a fini par lui donner raison. Car il prédisait que l’enjeu de cette crise dépassait largement le cadre du nord du Mali et qu’il était nécessaire de mettre sur pied une force conjointe de la sous-région pour faire face à la menace djihadiste. Aujourd’hui, la situation des régions du centre du Mali (Mopti et Ségou), minées par les groupes terroristes, la création du G5-Sahel, ainsi que la présence de toutes les forces militaires telles que la Minusma ou Barkhane illustrent son flair politique.
Avec sa mort, une grande page de l’histoire politique malienne se referme. Il aura été l’homme des deux coups d’État dans un intervalle de 20 ans. Si le premier l’a porté au sommet, le second aura été fatal à son pouvoir. Son héritage reste contrasté entre un bilan économique plutôt flatteur, et un bilan politique mitigé, du fait de son incapacité à endiguer la corruption et de son laxisme face aux organisations terroristes qui se développées dans le nord du Mali.
Nonobstant ces éléments, la foule ayant fait le déplacement pour l’arrivée de son cercueil à l’aéroport international de Sénou à 4h du matin le 14 novembre – avec en tête les autorités de la transition – ainsi que les milliers de maliens qui ont accompagné son cortège funèbre le 16 novembre, et les funérailles nationales qui lui ont été réservées le matin du 17 novembre, illustrent l’affection et le respect qu’avaient ses concitoyens pour ce général pacifiste.
Tellement qu’il n’aimait pas la guerre qu’il a accepté de donner le Nord de son pays aux narco-trafiquants, aux rebelles sécessionnistes, aux jihadistes et aux bandits armés, quel comportement bizarre? Il faut que des hommes comme ce général cinq étoiles comprennent qu’aucun pays au monde ne peut se hisser et avoir le respect des autres que si et seulement si, il possède une armée forte avec des soldats bien formés et bien équipés, ceux qui sont entrain de nous aider aujourd’hui sont ceux qui ont des démocraties fortes avec des armées très fortes, c’est le cas de la France, des USA, de l’Allemagne, et les grands pays d’Europe. Comment peut-on accepter de détruire son armée en disant que vous n’aimez la guerre, quel comportement éhonté? Dans la géopolitique internationale, les autres pays vous respectent lorsque vous avez une armée forte, cela est indéniable. Il faut cesser de raisonner comme ce général, car vous risquerez de perdre votre pays comme c’est le cas aujourd’hui dans notre très cher Mali, est-ce que le Mali n’a pas déjà perdu la partie Nord de son territoire avec un esprit comme celui de ce général qui refuse toutes formes d’affrontements physiques, quelle ignominie? L’armée permet aux pays de se faire respecter dans ce monde dit “civilisé”, les pays sans armées fortes sont à la trainent dans ce monde actuel, personne ne respectera notre pays avec une armée moribonde et sans formation et sans équipement, cela est indéniable.
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