Amadou Toumani Touré : Est-il fatigué

0

Des confidences de certains collaborateurs du président de la République ne laissent aucun doute planer : ATT prend de plus en plus de distance par rapport aux enjeux quotidiens de la politique malienne et se détache des intrigues nouées dans son entourage.

 

Dans la matinée du 23 septembre 2010, ATT entame sa journée comme d’habitude, avec cette fois un tour d’horizon de la suite des festivités du Cinquantenaire, notamment le défilé civil du soir. Il accorde une série d’audiences à des personnalités étrangères en s’efforçant de garder le sourire et la convivialité habituelles.  Mais au fond, le cœur n’y est pas. Entre deux audiences, son téléphone sonne, c’est le leader d’un parti politique du Mali qui l’appelle. Il fixe un regard détaché sur le combiné et murmure des mots que les quelques personnes autour de lui ne comprennent puis, ajoute : « Il va encore me reparler de sa disponibilité à aider le Mali, etc. Je n’ai pas envie de l’entendre ! » On dit que ce politicien « chevronné » dans le sens de « roublard » tend éperdument la main au patron de Koulouba pour une entrée au Gouvernement. En réalité, l’homme est fatigué de louanger ATT sans retour sous forme d’espèces sonnantes et trébuchantes.

 

Cet épisode est arrivé à la suite d’autres, en réalité anecdotique mais toujours révélatrices d’une réalité : ATT n’est plus l’homme énergique, emballé et fonceur qu’il fut jusqu’à récemment. Un Malien, fonctionnaire international, qui a ses entrées au palais observe : « Au début, quand je venais le voir, il avait la démarche énergique du militaire, la poignée de main solide et surtout, il aimait beaucoup blaguer, rapporter des anecdotes. Cependant, depuis environ un an, au fil de quatre rencontres si ma mémoire est bonne, je constate que je suis en face d’un autre ATT. Il a le pas lourd, comme si le simple fait de marcher l’indisposait et très souvent, en pleine conversation, je sens qu’il est absent. Comme s’il avait l’esprit ailleurs, ne se concentrait pas sur les objectifs de l’audience. Il m’accompagnait régulièrement au dehors mais, maintenant, il reste dans le salon.  Je ne sens plus, chez lui, de l’enthousiasme ou de la détermination… »

 

Dans la littérature politique consacrée au pouvoir, notamment les biographies de François Mitterrand, Jacques Chirac, Mandela ou Boris Elstine, il apparaît un phénomène étrange et récurrent : la lassitude de fin de pouvoir. En effet, la lecture de ces documents laisse transparaître chez les auteurs (ou les porteurs de plume) un détachement progressif, le souci de l’héritage, la nostalgie du temps passé et une impuissance totale face à ce temps qui avance et fait tourner l’horloge. Nul ne sait s’il s’agit, dans le cas du général ATT, de ce même sentiment ou, comme le dit un de ses proches, de cette impression tenace qui l’agace : « Pourquoi y a-t-il tant de Maliens qui le considèrent toujours comme un imposteur et le soupçonnent de pires intentions ? » Aussi, ne faut-il pas l’oublier, comme tout homme, il ressent une douleur sincère en apprenant certains propos de ses concitoyens ou les ragots quotidiens colportés sur son dos. Car, même après huit ans d’exercice total du pouvoir suprême, ATT a du mal à accepter une différenciation entre sa personne physique et l’Institution qu’il incarne. Une remarque sur le président du Mali est forcément une remarque sur sa propre personne. Et il a plein d’apprentis sorciers dans son entourage pour le renforcer dans cette impression.

 

Au finish, comme le disait un de ses conseillers, tout cela n’est que spéculation et au fond, le « boss » a juste besoin de repos pour se requinquer. Pas sûr qu’il en aura le temps puisque selon ses propres prévisions, il doit entamer le marathon de la réforme constitutionnelle dans les plus proches collaborateurs.

 

OPTION

Commentaires via Facebook :