Amadou Dicko Sidibé : L’innovateur

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Etre un exemple est la meilleure façon de servir son pays. Aujourd’hui, Amadou Dicko Sidibé est une source d’inspiration pour tout un continent. Lorsque la sécheresse pointe son nez, il n’a aucune peine à faire pousser des fruits et légumes en qualité aussi bien qu’en quantité. L’architecte malien est le pionnier de la serriculture en Afrique de l’Ouest, inspiré des techniques israéliennes, il a considérablement innové l’agriculture malienne.

 

Amadou Dicko Sidibé, la soixantaine, est un grand monsieur avec une démarche assurée et le sourire timide. Une allure très loin de l’agriculteur, il est le deuxième malien diplômé de l’Institut d’architecture de Moscou après Cheick Sadibou Cissé, architecte indépendant installé à Bamako.

De retour au pays, il crée son cabinet d’architecture en 1987.

Sélectionné à l’issue d’un concours national, il réalise le monument de l’Indépendance en 1995 avec la collaboration d’un partenaire russe. Très fier de cette réalisation, qui est devenue de nos jours un grand symbole de la démocratie malienne. “De mon vivant, voir cette œuvre et tout ce qu’il représente pour le peuple, je n’ai plus rien à prouver en tant qu’architecte”, se réjouit-il.

Pour M. Cheick Sadibou Cissé, il n’y a pas de doute qu’Amadou a compris que l’architecture commence par l’estomac. “C’est un grand architecte et un homme d’action, et sa formation lui a permis de bien aménager son espace et l’exploiter à bon escient, il ne perd pas 1 cm2”.

Ce n’est qu’en 2011 que l’originaire du Wassoulou troque son crayon contre les bottes en caoutchouc. “Je suis né dans les fermes, mon père avait sa ferme, mon grand-père était le jardinier de l’administration coloniale à Ouahigouya en Haute-Volta, je suis peut-être né avec une daba à la main”.

Aux portes, de Katibougou, sur la route de Kangaba se situe sa ferme bâtie sur 3 ha qui abrite 5 serres, dont 3 modernes hauts de gamme de 320 m2, de 5000 m2, et celle de 10 000 m2 est dotée d’un système irrigation informatisé. Les deux autres de 1250 m2 sont de bas de gamme toutes importées d’Israël.

Convaincu, que l’avenir de l’agriculture en Afrique se trouve dans l’innovation, il n’a pas hésité à tenter le coup. Au début dissuadé par l’entourage, M. Sidibé démarre son projet sur fonds propres et bénéficie plus tard d’une aide du Programme compétitivité et diversification agricole (PCDA) en 2013.

Actuellement en rénovation, la ferme emploie 40 personnes en plein temps, avec un chiffre d’affaires annuel de 300 millions de FCFA. Les productions sont écoulées sur le marché local notamment dans les supermarchés et restaurants.

Avec une production annuelle de plus 200 t, la tomate est la vedette de la ferme. Le kg varie de 500 à 1000 F CFA. En fonction du besoin sur le marché, les tomates rondes, cerise et allongées sont les différentes variétés produites. À côté, il y a une centaine de pieds de papaye, des concombres, fraises, melons et fleurs dans la ferme.

Pour M. Sidibé, en Afrique, pour augmenter la production en adéquation, avec la croissance démographique, la production sous serre peut aider le continent à assurer l’autosuffisance alimentaire et permettre à la jeunesse de trouver de l’emploi ; éviter d’aller vers l’immigration, avec l’appui politique et celle des institutions bancaires.

Pour la jeunesse, il est prêt à partager son expérience et il conseille l’entrepreneuriat. “Je suis ‘achiculteur’. De l’architecture à l’agriculture, il faut que la jeunesse comprenne que le chômage n’est pas une fatalité. Ce n’est pas parce qu’on a reçu une formation d’ingénieur qu’on ne peut pas faire de l’agriculture”.

Seul Malien membre de Global Farmer Network, le réseau mondial des fermiers qui regroupe tous les grands du domaine pour une agriculture durable, la croissance économique et la sécurité alimentaire. Il a déjà installé 5 serres pour d’autres fermiers dont 3 au Mali, un au Burkina et au Tchad. Bientôt, il en installera un en Guinée-Conakry.

Consultant en agrobusiness pour le projet Diazon, une filiale d’IBI Group spécialisée en agro business, M. Sidibé a montré ses preuves. Après la réussite, en mars 2022 de son expérimentation sur un champ de 4 ha, de concombre, pastèque, et melon à Salla à une vingtaine de kilomètres de Bamako avec le système d’irrigation goutte à goutte, Ibrahim Diawara, PDG de IBI Groupe, envisage d’étendre le projet sur 10 000 ha d’exploitation agricole moderne, par tranche dans diverses localités du Mali. En deux ans de collaboration, M. Dazin Kéita, responsable du projet, affirme avoir côtoyé un homme intègre, humble et compétent dans son domaine.

Père de six filles et d’un garçon, M. Sidibé est un grand amateur de poisson et de crudités. Il affirme devoir sa réussite à son défunt père Boubacar Sidibé ancien ministre de la Justice, qui a été un exemple de probité, de don de soi et de modestie pour lui et ses 9 frères et sœurs. Cette éducation, qui était, pour lui à l’époque une privation, est celle qui lui a permis de façonner sa personnalité. Sa mère, Korotoumou, pour qui il vendait des œufs à bas âge, n’en a pas fait moins pour eux. Le nom “Dicko”, qui est celui de sa grand-mère, lui a été donné pour respecter la promesse faite par son père à cette dernière.

En 2020, l’Oscar africain de l’innovation agricole lui est décerné en Côte d’Ivoire. Depuis le Covid-19, il prend moins de projets d’architecte. “Je ne prends que ce qui me fait plaisir et peu de choses me font plaisir maintenant”.

 

Fatoumata Sira Sangaré

(stagiaire)

 

 

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