Situation humanitaire au Mali : 2 millions de personnes en insécurité alimentaire, 709.000 enfants de 6 à 59 mois malnutris et 143.051 réfugiés maliens dans les pays voisins

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Dans son  dernier bulletin humanitaire rendu public en début de semaine, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) du Mali, alerte sur la situation humanitaire, notamment dans les régions du nord du pays. Les faits saillants mentionnés dans ce bulletin sont la riposte qui s’organise contre des cas de rougeole déclarés dans certaines aires de santé des régions de Mopti, Gao et Kidal, l’insécurité qui entraine des fermetures d’écoles au centre du pays, la pénurie d’eau dans la région de Kidal où faute de réponse d’ici le mois de mai, le manque d’eau pourrait poser de graves risques à la santé humaine. Ce rapport tire la sonnette d’alarme sur le cas de 2 millions de personnes en insécurité alimentaire au Mali, 709.000 enfants de 6 à 59 mois malnutris  et les 143.051 réfugiés maliens dans les pays voisins.

 

Ainsi, selon ce bulletin, la riposte est en cours contre la recrudescence des cas de rougeole déclarés dans certaines aires de santé des régions de Mopti, Gao et Kidal. Dans le district sanitaire de Ménaka, 6 cas avaient été enregistrés entre décembre 2015 et janvier 2016 tandis que 15 cas suspects ont été notifiés au début de ce mois de février. Ce rapport indique que, l’ONG Médecin du Monde, qui est le seul acteur humanitaire intervenant actuellement dans le secteur de la santé à Ménaka a déjà vacciné environ 1000 enfants de 9 mois à 14 ans. En outre, des doses additionnelles vont être acheminées vers Ménaka afin de vacciner 50 000 enfants supplémentaires. Dans la région de Mopti, 5 cas ont été enregistrés dans le district sanitaire de Ténenkou au mois de décembre. Une campagne de vaccination a été menée dans l’aire de santé touchée à Dioura ainsi que dans 3 autres à Diguicire, Malimana et Kita couvrant plus de 34 000 enfants de 6 mois à 14 ans.  Dans la région de Kidal, les ONG sur le terrain ont enregistré 9 cas dans le district sanitaire d’Abeybara et 20 cas dans le district sanitaire de Tinessako.  En matière de réponse à cette épidémie, on table sur la sensibilisation de la population sur les mesures préventives.

 

L’insécurité affecte plus d’écoles au centre du pays

Il faut souligner que le taux de fermeture d’école est préoccupant dans les centres d’animation pédagogique de Ténenkou et Djenné. Et que le nombre d’écoles fermées en lien avec l’insécurité dans le centre du pays comme dans les régions de Mopti et Ségou a augmenté ces derniers mois. Le taux de fermeture d’école est particulièrement préoccupant dans les centres d’animation pédagogique de Ténenkou avec 71 écoles fermées sur un total de 93 et Djenné 22 écoles fermées sur un total de 100. Les deux cercles ont été régulièrement touchés par des menaces ou des attaques d’individus armés.

Selon le cluster éducation d’OCHA, en plus de l’insécurité, le manque de programme de cantines scolaires ainsi que les besoins de réhabilitation des infrastructures scolaires nuisent aussi à la fréquentation des écoles dans le centre du pays.

Cependant, dans le nord, une tendance inverse est enregistrée. Les progrès en matière de réouverture des écoles se poursuivent, particulièrement dans les régions de Tombouctou et Kidal, la région de Gao a toutefois enregistré des fermetures. Pour l’ensemble des zones touchées par l’insécurité dans le nord et le centre, 284 écoles sont actuellement fermées.

Le Ministère de l’Education Nationale, la CMA et la Plateforme, ont récemment conduit des missions conjointes dans les régions de Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal pour évaluer la situation et encourager la réouverture des écoles. Suite à cette évaluation, un plan de réouverture des écoles a été élaboré par le Ministère et partagé avec les acteurs humanitaires au Mali.

Par ailleurs compte tenu du contexte d’insécurité dans le centre et le nord du pays et des menaces contre l’éducation, le cluster éducation a élaboré pour 2016 une stratégie pour donner des orientations sur les actions possibles afin de garantir une meilleure protection des élèves et des enseignants. La stratégie prévoit des actions aux niveaux politique, scolaire et communautaire, comme par exemple la signature d’un accord stricte tripartite entre le gouvernement, les partenaires internationaux comme la MINUSMA et Barkhane et les groupes armés pour interdire l’utilisation des écoles par les militaires ou leurs équipements.

 

Pénurie d’eau dans la région de Kidal

La faible pluviométrie enregistrée pendant la dernière campagne et la sècheresse qui s’annonce dans la région de Kidal, inquiètent la communauté humanitaire. Le niveau de la nappe phréatique a considérablement baissé par rapport à l’année dernière. Les dernières mesures et essais de pompage des forages qui alimentent l’adduction d’eau de Kidal menés par le CICR sur le terrain, indiquent que certains forages qui étaient très productifs par le passé avec des débits d’exploitation avoisinant 20m3/h ne peuvent aujourd’hui être exploités au-delà de 3m3/h.

Le tarissement des puits pastoraux a, en outre, déjà engendré le déplacement des populations et de leur bétail vers les zones urbaines et les secteurs où se trouvent des points d’eau non taris. Selon les acteurs humanitaires intervenant dans la région, faute de réponse adéquate d’ici le mois de mai, ce manque d’eau pourrait poser de graves risques à la santé humaine comme décès liés à la soif, maladies liées au manque d’hygiène et provoquer des conflits autour des points d’eau ainsi que des déplacements importants de populations.

L’état des troupeaux pourrait aussi se dégrader ce qui accentuerait la vulnérabilité des communautés, l’élevage étant l’activité principale des populations de la région de Kidal. La crise d’eau pourrait s’étendre jusqu’au mois de juillet, date probable du début des pluies dans la région. Pour y faire face, certaines actions demeurent urgentes notamment des distributions gratuites d’eau aux couches vulnérables, le creusement des marres et puits, la réalisation de micro-barrages pour la retenue d’eau de pluie, et l’entretien des forages. Cependant, les ressources actuelles sont insuffisantes pour assurer une réponse adéquate. L’ensemble des acteurs humanitaires du secteur de l’eau à Kidal travailleraient en concertation afin de trouver des solutions durables au manque d’eau.

 

Faire l’inventaire des points d’eau modernes au pays

La Direction Nationale de l’Hydraulique et ses partenaires conduisent actuellement un inventaire des points d’eau modernes couvrant l’ensemble des régions du Mali. L’exercice devrait permettre au Mali et à ses partenaires de disposer de données sur l’accès à l’eau dans les villages, hameaux, sites, centres ruraux, centres semi-urbains et urbains des huit régions et du District de Bamako. Il s’agit d’un inventaire exhaustif des différents ouvrages hydrauliques et de leurs données techniques. Par ailleurs, dans certaines zones, des tests de qualité de l’eau seront aussi effectués.  La première phase de l’inventaire concerne les régions du sud. Une seconde phase est prévue pour les régions du nord, cependant son démarrage est compromis en raison d’un manque de financement.

 

Trois fois plus de contraintes d’accès en 2015

En 2015, plus de la moitié des contraintes d’accès concernaient des violences contre le personnel, les biens ou les installations humanitaires.  Il y en a eu 78 contraintes d’accès humanitaires au Mali en 2015, soit 3,5 fois plus qu’en 2014, selon le bilan final des données enregistrées.

Et, plus de la moitié de ces contraintes d’accès concernaient des violences contre le personnel, les biens ou les installations humanitaires et près d’un cinquième étaient liées au conflit ou à la poursuite des hostilités.

Les régions principalement affectées sont celles de Gao et Tombouctou, bien que l’année 2015 ait été marquée par la détérioration constante de la situation sécuritaire dans les régions de Mopti et Ségou, au centre du pays. En 2016, malgré tout, les organisations humanitaires s’efforceraient d’adapter continuellement leurs opérations à ce contexte sécuritaire afin de pouvoir atteindre les personnes vulnérables. La stratégie d’adaptation repose en partie sur le développement d’approches communautaires afin de renforcer les partenariats avec les acteurs locaux.  Dans ce contexte, l’accès humanitaire au nord du Mali par voie aérienne demeure crucial.  À ce titre, la réouverture de la piste d’atterrissage de Kidal à la fin janvier 2016, après un an de fermeture en raison de travaux de réhabilitation et sécurisation, présente une avancée majeure pour la communauté humanitaire en vue d’un meilleur accès à la région.

 

Assistance aux personnes déplacées et rapatriées

La zone frontalière de Ménaka avec le Niger, a connu des conflits intercommunautaires au cours du dernier trimestre 2015 qui ont poussé environ 2750 personnes, soit plus de 635 ménages, à se déplacer. À la suite d’une évaluation rapide des besoins menée par les ONG présentes dans la zone, une aide d’urgence a pu être distribuée aux plus vulnérables avec une  assistance alimentaire, des articles non-alimentaires, assistance médicale et cliniques mobiles. Ce rapport indique que dans le cercle de Niafunké, environ 760 réfugiés Maliens sont récemment rentrés de Mauritanie. Une évaluation des besoins menée en janvier a permis d’apporter une aide d’urgence en articles alimentaires, soins de santé, dépistage et traitement de la malnutrition, articles non alimentaires aux personnes en situation de nécessité. Des besoins en matière de réhabilitation d’infrastructures pour l’accès des personnes qui sont rentrées à l’eau, l’hygiène et l’assainissement et à l’éducation ont par ailleurs été identifiés.

 

Lancement du Plan de réponse humanitaire 2016 pour le Mali

Notons enfin que le nombre de réfugiés maliens dans les pays voisins serait estimé aujourd’hui à plus de 143 051, la population en insécurité alimentaire à 2 millions et le nombre d’enfants de 6 à 59 mois malnutris  à 709 000. D’où le lancement au niveau national du Plan de réponse humanitaire 2016 pour le Mali. Ce Plan regroupe une quarantaine d’organisations humanitaires, Agences onusiennes et ONG, qui coordonnent leurs efforts dans la réponse humanitaire au pays. Il comporte un total de 127 projets pour aider un million de personnes vulnérables, principalement dans les zones du nord et du centre du pays qui ont été touchées par le conflit. Un appel de fonds de 354 millions de dollars, soit environ 200 milliards de FCFA, a été lancé pour financer sa mise en œuvre.

Dieudonné Tembely

tembely@journalinfosept.com

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