Deux semaines après les mesures prises par le gouvernement pour endiguer la hausse des prix, quelle est la réalité sur le terrain ? Nous avons fait le tour de certains marchés à la rencontre des vendeurs et des consommateurs. Et on peut voir que d’un marché à un autre, les prix ne sont pas les mêmes. Les propos également.
Binta Diarra restauratrice quartier du fleuve : Rien n’a changé
Je suis navrée de dire que rien n’a changé par rapport au prix du riz. Nous l’achetons au même tarif depuis l’année dernière, c’est à dire au prix de 625 F cfa le riz Gambiaca. Tous mes vœux sont pour la baisse du prix du kilo, qui va nous permettre d’avoir une marge bénéficiaire. Nos clients se plaignent par rapport à la quantité que nous mettons dans leur assiette.
Binta Cissé, vendeuse d’épices Kalaban -coura : Nous prions le ciel
J’ai acheté le demi-kilo de viande hier 600 F cfa et le riz à 235 F cfa le kilo. A chaque fois que nous protestons, ils nous disent qu’ils achètent très cher et que c’est pour cela que le prix se trouve à la hausse. En fait nous les croyons naïvement. Nous prions le ciel pour qu’il atténue nos difficultés.
Moussa Diarra chauffeur quartier du fleuve domicilié à Dar Es-salam : Je vis avec peine
Cela me fait de la peine de parler de mon quotidien. Mais je le dis pour pouvoir éclairer nos autorités sur le mal vivre du bas peuple. Je ne peux pas te dire combien je perçois dans le mois bien que le salaire d’un chauffeur au Mali ne soit pas un secret. Par contre je niche au quartier Dar Es Salam dans un entré-couché avec ma femme et mes quatre enfants. La location nous coûte 15 000 F cfa. Je débourse chaque jour 500 F cfa comme prix des épices y compris le riz. Les frais de scolarité de mes quatre enfants s’élèvent à la somme de 32 000 F cfa par mois, parce qu’ils fréquentent un établissement privé : assurer un enseignement de qualité à mes enfants est un investissement et c’est le moins que je puisse leur offrir. Je regagne mon lieu de travail à pied. Ma famille est condamnée à ne pas tomber malade. Voilà les grandes lignes de mon calvaire. Je suis mieux nanti par rapport à la grande majorité qui vivent au jour le jour.
Je demande à nos autorités de trouver une solution à notre souffrance et nous assurer un bien être. Bien sûr que nous avions opté pour une économie de marché. Dans le cas de figure actuellement, l’Etat peut fixer les prix dans la mesure où il a levé la taxe sur le riz. 150 à 175 F cfa le kilo est un prix raisonnable pour le Malien moyen.
Jumeau au marché Dibida : Les mesures ne sont pas appliquées
Les mesures prises par le gouvernement sont salutaires dans la forme. Mais dans la pratique je trouve que c’est nul parce qu’il n’y a pas de mesure d’accompagnement, c’est à dire l’applicabilité des mesures. Je salue l’intérêt que porte votre journal sur l’applicabilité des mesures prisent par l’Etat. Cela permettra à nos autorités de savoir que rien n’est effectif sur le terrain.
Simpara vendeur de bric et broc au marché Dibida : Les prix sont les mêmes
Notre revenu nous permet d’acheter en détail c’est-à-dire je donne à ma femme 750 F cfa comme prix de condiments y compris le riz. Elle m’a fait savoir que les prix sont toujours les mêmes. Nous ne pouvons que prier le ciel afin qu’il nous accorde sa miséricorde.
Samba Diallo vendeur de viande marché Dibida : Mesures salutaires
Pour solutionner la crise, nous avions fait savoir aux autorités que nous sommes ravitaillés en viande par nos fournisseurs au prix de 1300, 1400 F cfa. Même là, nous accusons des pertes avoisinant les dix mille francs. Raison pour laquelle les prix ont grimpé. Quand les autorités nous ont approchés pour nous inciter à diminuer les prix, nous leur avions fait savoir que c’était impossible dans la mesure où la plupart des bouchers sont fournis à crédit. Donc sous le diktat des fournisseurs. Ce qui est différent d’un boucher qui achète en espèce son bœuf pour revendre. Après deux jours de conciliabules nos responsables ont préconisé à l’Etat de subventionner la viande. Ce qui permettra de réguler les prix. Il a été décidé que les deux abattoirs des deux rives achètent la viande et nous cèdent au prix de mille francs cfa. Nos responsables font la distribution entre les bouchers au prix de 1200 Fcfa le kilo. Cette nouvelle mesure a permis de réguler le prix à la baisse.
Mais son inconvénient est que tous les bouchers qui possèdent des étables n’arrivent pas à être approvisionnés en viande. La quantité de viande est insuffisante. Nous demandons à nos autorités de trouver une solution à la quantité de viande fournis par les deux abattoirs. Pour qu’ensemble nous surmontions ce cap qui est passager. (Signalons qu’à chaque période de l’année cette crise survient). En vérité la mesure qui a commencée depuis le dimanche 1er juillet est salutaire. Cela prouve que nos autorités pensent aux bien être de la population. Je suis très heureux de votre démarche pour éclairer les lanternes. Car c’est vous qui êtes le relais entre le gouvernement, les bouchers et la population. La population saura maintenant que ce n’est pas une crise organisée par les bouchers.
Daouda Traoré vendeur en gros et en détail au marché Dibida : Rien n’est effectif
La mesure qui préconise la baisse n’est pas effective au niveau des prix de huile. Ce qui est de l’huile de Huicoma, elle est cédée au prix de 130 000F à 132 000f cfa selon les dépôts. Il y a d’autres qui organisent même la pénurie. Je me suis donc tourné vers la marque d’huile Dinor qui nous est cédé au prix de 127 500 à 128 000 F cfa. Ce qui revient au consommateur au prix de 650 à 675 F cfa le litre. Nous préconisons à nos autorités de revoir la chaîne de distribution en denrée de première nécessité. Quand le circuit de la distribution s’allège, nous trouvons une marge conséquente et le consommateur aussi en profite. Je déplore aussi un fait ; nos autorités laissent planer le flou sur le prix au consommateur. C’est bien de dire que les prix ont chuté, mais de combien : le prix en gros et en détail. Faire des enquêtes si effectivement les prix sont appliqués à la lettre. Sinon cela ne sert à rien d’annoncer à la télé que les prix sont à la baisse alors qu’en réalité rien n’est effectif. Je connais même un grossiste dont je tairais volontiers le nom qui organise la pénurie pour spéculer sur le prix à son bon vouloir. J’ai oublié de signaler un fait qui est déplorable aussi.
Nous avions quelques temps un nouveau fournisseur sur le marché qui est de nationalité Hindoue qui possède une unité d’huilerie. Il nous cédait à 100 000 F cfa. Et il était même arrivé à stopper l’inondation du marché malien par l’huile bon marché qui vient du Burkina Faso. Il manque actuellement de matière première qui est le coton graine par la faute des dinosaures qui crée la pénurie. Notre coton est vendu aux sociétés d’huilerie de la sous région au détriment de nos unités industrielles. C’est la raison principale de la hausse des prix. Une grande société de la place aurait acheté tout le coton au détriment des petites unités alors qu’elle n’arrive pas à alimenter le marché conséquemment.
Moussa Traoré dit Balla vendeur d’huile : L’huile malienne est chère
Le prix d’huile est à la hausse et il ne cesse de grimper. L’huile produite au Mali est chère par rapport à l’huile importée. Ce qui fait que nous nous sommes tous tournés vers l’huile importée. A une période récente, il y avait un Hindou qui était parvenu à nous céder l’huile à 100 000 F cfa malgré la turbulence. Au dernières nouvelles, sa production a arrêté faute de matière première qui est le coton graine.
Tidiane Thiéro, vulgarisateur de matériel agricole et de semence dans une Ong : Nous ne percevons pas encore la baisse
Je sens la difficulté au même titre que tout le monde. Nous ne percevons pas encore cette baisse des prix des denrées de premières nécessités. Nous ne constatons que les même difficultés pendant les cinq premières années de mandature du président Amadou Toumani Touré. Je crains fort avec la dynamique où les choses se déploient, les difficultés par rapport au début tardif de l’hivernage et les prix des denrées. Seul le bon Dieu peut nous édifier. La hausse du prix de l’huile et du lait en poudre est venue assaisonner tout le reste. Sûrement nous atteignons le fond pour pouvoir remonter comme dit l’adage. Dire que le Mali est le premier producteur de coton, cela est incompréhensible. Sans donner une leçon d’économie, il faudrait que le Mali privilégie la production de nos unités locales, adopte cette politique commerciale qui vend le coton à un prix acceptable avant la production et avant le cour à la bourse des valeurs.
Mohamed S Diallo
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