Mali : Bon marché, pas bon pour la santé

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Sur les marchés de Bamako, on trouve des produits à vil prix… dont les dates de péremption sont dépassés, ou rendus impropres à la consommation par de mauvaises conditions de stockage. Le reportage du quotidien malien L”Essor.

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Ils sont impropres à la consommation, mais leur prix est irrésistible… A Bamako, le consommateur se voir souvent proposer des produits périmés mettant en danger grands et petits. Actuellement, un nombre indéterminé de produits impropres à la consommation circulent dans les mains de colporteurs sans scrupules. Ils arpentent inlassablement les rues de la capitale avec leur pousse-pousse ou leur bassine sur la tête, charriant des produits dont la date de péremption est passée de plusieurs mois. Ils écument également le marché Rose et les petits marchés de quartier, prêts à accrocher d”éventuels clients. Mais le Railda [le grand marché du centre de Bamako] constitue leur zone de prédilection. Car c”est ici que les clients, hypnotisés par les prix pratiqués, se bousculent pour acheter des denrées de qualité douteuse. Parmi ces marchandises "pourries", les pâtes dentifrices, les bocaux de mayonnaise ou de moutarde et les boîtes de lait sont les plus prisées.
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rnM. T. est colporteur depuis plusieurs années. Il vend de la mayonnaise et de la moutarde. Ce père de famille ne rentre chez lui qu”au petit soir après avoir écoulé la plus grande partie de son stock. "Je vends uniquement des boîtes de mayonnaise et moutarde importées par un grossiste de la place", dit-il, précisant que cet opérateur économique connu passe ses commandes en Espagne. Une fois les marchandises à Bamako, il en conserve une grande partie à son domicile. Le reste est entreposé dans un magasin au Grand Marché. M. T. a,un jour eu une altercation avec un de ses clients. Ce dernier l”accusait de lui avoir vendu une mayonnaise de mauvaise qualité qui l”avait rendu malade. L”acheteur se plaignait d”avoir attrapé une dysenterie chronique.
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rnM. T. s”est défendu en affirmant que les produits qu”il vendait ne pouvaient être périmés. Il a montré une boite de mayonnaise dont la date de péremption indiquait effectivement "janvier 2008". Mais le client a menacé de poursuivre M. T. en justice si son mal persistait. Une dame a également été victime de la consommation des produits de qualité douteuse. Elle raconte son malheur. "Nous sommes tous en danger, car nous ne consommons que des produits périmés. Les prix sont attractifs, mais la qualité laisse à désirer. J”ai acheté il y a peu une pâte dentifrice fabriquée en Asie à 400 FCFA [61 centimes d”euro]. Quand je l”ai utilisée, elle a fondu dans ma bouche comme une boule de neige. Elle n”avait aucune menthe, aucun fluor. J”ai senti tout de suite qu”elle était périmée et je l”ai jetée à la poubelle. Depuis, j”évite d”acheter des produits aux vendeurs ambulants."
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rnUne autre ménagère accuse les autorités de fermer les yeux. "Nos marchés sont saturés de produits périmés, vendus aux pauvres au vu et su des autorités. Elles ne se sont pas saisies de cette affaire parce que ça concerne les moins nantis. Si rien ne fait, nous allons tous y passer."
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rnLes vendeurs soutiennent que les produits qu”ils vendent sont de bonne qualité. La plupart d”entre eux se fondent sur la date de péremption imprimée sur les emballages. Un marchand que nous avons rencontré au Grand Marché jure n”avoir jamais écoulé de produits périmés. Un autre colporteur croisé au Railda ne dit pas autre chose. Ce dernier ajoute que le public devrait plutôt se réjouir de pouvoir acquérir des produits à bas prix. Courroucé par la mauvaise presse qui entoure les produits vendus à bon marché, il ajoute : "Ceux qui ne veulent pas acheter nos produits peuvent aller dans les boutiques ou les supermarchés."
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rnSelon les indications inscrites sur leurs emballages, nombre de ces produits vendus à la criée ne se sont pas périmés. Et pourtant, ils sont bel et bien avariés, à cause de mauvaises conditions d”entreposage ou de manutention. Déposées en vrac au milieu des assiettes, cartons, couvercles, dans les pousse-pousse, ces denrées sont exposées au soleil et à la poussière à longueur de journée. Le directeur de l”Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (ANSSA), le Dr Ousmane Touré, constate que les produits s”abîment facilement lorsqu”ils ne sont pas conservés dans les bonnes conditions climatiques. Cela concerne aussi bien les denrées proposées par les colporteurs que celles qui sont exposées dans les boutiques ou supermarchés. "Parfois, les denrées alimentaires sont mélangées à d”autres produits dangereux pour le consommateur. C”est pourquoi on sent souvent l”odeur du pétrole sur le lait ou le sucre", indique-t-il.

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La consommation de produits périmés peut provoquer des maladies comme la dysenterie ou la diarrhée, souvent accompagnées de complications qui peuvent être fatales, assure le Dr Touré, qui reconnaît cependant que la vente des produits périmés est un sujet délicat et très sensible. Les vrais coupables, estime-t-il, sont les commerçants qui importent ces produits sur notre territoire. "Il y en a qui falsifient les dates de péremption de leurs marchandises pour les écouler. D”autres aussi vont négocier en Europe des produits à vil prix à trois mois de leur péremption et viennent les remettre en circulation. Ce sont des cartons des laits en poudre, des boîtes de mayonnaise et d”autres boîtes de conserve", révèle-t-il. Pour enrayer ce phénomène, le directeur de l”ANSSA annonce qu”un arrêté interministériel interdisant l”importation des produits dont la date de péremption est proche de trois mois entrera bientôt en vigueur.

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Madiba Keita
rnL”Essor (via Courrier International)

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