Les travailleurs de l’Office des Produits Agricoles du Mali (OPAM) sont dans tous leurs états pour dénoncer l’ingérence du Commissaire à la Sécurité Alimentaire (CSA), M. Oumar Ibrahim Touré, dans la gestion de leur structure. Une situation qui selon les deux syndicats (UNTM et CSTM) de l’Office pourrait aboutir à un dépôt de préavis de grève si… jamais le Commissaire à la sécurité alimentaire persiste à violer les lois et les textes déterminant les missions de l’OPAM.
Ces derniers temps, entre l’OPAM et le CSA, rien ne va plus pour la simple déraison que le premier accuse le second de vouloir lui ravir ses missions et du coup, le convertir en simple magasin de céréales. Toute chose que refusent, catégoriquement, les responsables et travailleurs de l’OPAM qui menacent d’utiliser tous les moyens légaux pour obliger le CSA à renoncer à sa démarche.
Les faits
Tout débute avec la création en mars 2017, d’un Secrétariat technique et financier du dispositif national de sécurité alimentaire par le décret N°2017-0260/PRM. Ce Secrétariat technique et financier (STF) a pour mission, entre autres, d’assurer le secrétariat de la commission mixte de concertation et son comité technique et le comité de coordination et de suivi des politiques et programmes de sécurité alimentaire (CCSPPSA) ; d’assurer la gestion comptable, administrative et financière des outils communs du dispositif (fonds de sécurité alimentaire, fonds communs des partenaires, le stock national de sécurité, et autres) ; et de notifier les décisions de la commission mixte de concertation.
Également, le STF est chargé d’informer sur la mise en œuvre des décisions, la gestion des outils communs et transmettre toute autre information entre l’État et les PTF pour ce qui concerne le dispositif national de sécurité alimentaire, d’élaborer les manuels de procédure nécessaire, suivre leur application, mobiliser et mettre à disposition les budgets de fonctionnement des structures du dispositif prévu dans le contrat plan-État/OPAM. Tout ces dispositions sont bien claires, comprises et acceptées par l’OPAM.
Mieux, en septembre 2017, afin d’éviter les confusions, le ministre de l’environnement, de l’assainissement et du développement durable a précisé à l’attention du Conseil des ministres, les missions spécifiques de l’OPAM, conformément aux dispositions du contrat plan-État/OPAM portant sur les procédures de passation, d’exécution et de règlement de marchés publics et de délégation de service public. Une situation qui avait fait l’objet d’une convention de gestion qui stipule que le choix des transporteurs (dans le cadre des opérations de distributions Alimentaires gratuites) relève de la seule responsabilité de l’OPAM, en lien avec la Direction générale des marchés publics et des délégations de service public.
Cependant, tous les contrats de transport doivent être signés par le Président directeur général (PDG) de l’OPAM, en toute indépendance et dans le respect strict des dispositions de la convention de gestion des opérations de distributions alimentaires gratuites.
Dans ce domaine donc, le Commissariat à la Sécurité Alimentaire s’assure tout simplement, (selon nos sources), de l’exécution correcte des opérations de transport à échéance par l’OPAM. Mais le goût du lucre aidant, le Commissaire à la sécurité alimentaire, Oumar Ibrahim Touré, en a fait à sa tête.
Le Commissaire à la Sécurité Alimentaire crée la confusion
Quand bien même, il ne devrait pas avoir de confusion, depuis un certain temps, selon les responsables de l’OPAM, le Commissariat à la Sécurité Alimentaire s’ingère dans la gestion de l’OPAM de façon informelle. Principalement dans le cadre des transports des aides alimentaires gratuites. Et, suite à cette attitude considérée comme une ingérence par l’OPAM dans ses missions, le gouvernement a voulu voir clair dans cette situation. C’est alors que le ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement assurant l’intérim du ministre de l’Agriculture avait fait une communication verbale devant le Conseil des ministres. C’était, le 6 septembre 2017. Il avait clairement indiqué que, seul l’OPAM est habilité à effectuer les opérations de transports dans le cadre des distributions alimentaires gratuites.
Qu’à cela ne tienne, le Commissariat à la Sécurité Alimentaire a décidé de soustraire à l’OPAM les opérations de transports dans le cadre des distributions alimentaires gratuites. À cet effet, il a écrit une lettre adressée au STF (lettre n°0102 PR CSA du 19 févier 2018) afin que celui-ci « prenne des dispositions pour les activités de passation des marchés de céréales dans le cadre des opérations de distributions Alimentaires gratuites et conclure avec les ONG pour le ciblage des populations bénéficiaires ».
Ce qui a créé une vive réaction du PDG de l’OPAM, Youssouf Maïga, à travers une lettre adressée au Ministre Commissaire de la Sécurité Alimentaire, Oumar Ibrahim Touré.
Dans sa correspondance adressée à son patron, le PDG de l’OPAM lui rappelle les missions de sa structure et dénonce le ‘’caractère illégal’’ des ordres donnés à son Secrétariat Technique et Financier. C’était le 22 février dernier.
Informés de la situation, les deux syndicats de l’OPAM, (CSTM et UNTM) ont ténu une Assemblée générale le 6 mars dernier pour dénoncer la violation pour le moins flagrante du Commissaire à la Sécurité Alimentaire des lois et textes déterminant les missions de l’OPAM et appelé le PDG de leur structure à « ne jamais accepter des contrats conclus en dehors de l’OPAM, et à ne jamais envoyer des documents de leur structure à une autre ».
Déterminés, les travailleurs de l’OPAM comptent désormais user de tous les droits légaux pour faire plier le CSA à leur concéder les missions qui sont les siennes.
Le bras de fer continue
Pour les travailleurs de l’OPAM, l’ingérence du Commissariat à la Sécurité Alimentaire dans la gestion de l’OPAM pourrait aboutir à un dépôt de préavis de grève si le CSA persiste à violer les lois et les textes déterminant les missions de l’OPAM. Seule la lettre n°0102 PR CSA du 19 février 2018, instruisant au STF de prendre toutes les dispositions utiles pour les activités de passation de marché de transport, dans le cadre des opérations des distributions Alimentaires gratuites, compte pour les travailleurs de l’OPAM. Mieux, les syndicats considèrent la décision du CSA comme une violation flagrante des lois et textes (notamment la loi n°88-67 du 26 décembre 1988, le contrat Plan État OPAM, le code de gestion du stock national de sécurité et la communication verbale prise au conseil des ministres du 6 septembre 2017) déterminant les missions de l’OPAM. Parce que, selon les travailleurs, le Secrétariat technique et financier du dispositif national de sécurité alimentaire créé en mars 2017 par le décret N°2017-0260/PRM a pour mission principal de mobiliser et mettre à disposition les budgets de fonctionnement des structures du dispositif prévu dans le contrat plan-État/OPAM. « Telle est la mission du STF et non de passer des marchés de transport dans le cadre des opérations des distributions alimentaires gratuites », rappellent les travailleurs de l’OPAM.
Par ailleurs, ils expliquent que le Commissariat à la sécurité alimentaire n’est pas à sa première ingérence dans la gestion de l’OPAM. Parce que, dénoncent-ils, depuis l’année dernière, le CSA a tenté de priver l’OPAM des achats et des distributions alimentaires gratuites au profit du STF. Malheureusement, seul un de leur besoin a été satisfait. Puisque, l’OPAM avait déjà signé la convention avec les partenaires pour la distribution alimentaire gratuite. Les travailleurs dénoncent : « Cette année, c’est pour prendre le devant que le CSA a adressé cette lettre au STF pour lui demander de prendre des dispositions pour les contrats de transport des distributions alimentaires gratuites en toute violation des textes ».
En revanche, les travailleurs de l’OPAM demandent à leur direction générale, à ne jamais accepter les contrats conclus en dehors de l’OPAM et à ne plus envoyer les documents de l’OPAM à une autre structure pour paiement. Et de rappeler que, l’OPAM dispose d’une autonomie de gestion et toutes les activités qui lui sont assignées doivent être payées en son sein. Conformément à l’article 2 de l’ordonnance n°91-014/p-CTSP, fixant les principes fondamentaux de l’organisation et du fonctionnement des EPIC). « Nous exigeons au CSA de respecter les textes en laissant l’OPAM accomplir ses missions conformément aux textes en vigueur », demandent les travailleurs de l’OPAM ; tout en invitant les hautes autorités du pays à prendre des mesures pour faire respecter les textes et lois de leur structure par le CSA.
En attendant, les responsables des syndicats de l’OPAM annoncent qu’ « aucune activité de l’OPAM ne sera ni exécutée ailleurs, ni payée ailleurs ». Avant de prévenir : « Si le Commissaire à la Sécurité Alimentaire persiste à envoyer à l’OPAM un contrat (dans le cadre des distributions alimentaires gratuites) signé ailleurs, nous déposerons un préavis de grève pour éviter tout simplement son exécution ».
Désormais, c’est à la guerre comme à la guerre, entre l’OPAM et le CSA. Et le Commissaire ne jure que par faire triompher son pourboire et son « pour manger ». Mauvais présage !
Jean Pierre James