Les animaux seraient abattus nuitamment, à l’insu des services vétérinaires ; l’eau servant à laver les carcasses provient directement du fleuve sans traitement préalable. L’ Abattoir Frigorifique de Bamako inquiète, de plus en plus, les consommateurs, désormais, partagés entre le doute et la peur. Notre enquête.
Des cornes de bêtes gorgée de pus et grouillantes de vers, une montagne de bouses de vaches autour de laquelle festoient des bataillons de mouche, des restes de viande exhalant une odeur pestilentielle… La nuit, les populations de Sotuba sont obligées de s’enfermer à double tour dans leur maison. Motif : échapper aux odeurs nauséabondes de l’Abattoir frigorifique de Bamako.
Situé à Sotuba, le site d’abattage de l’Abattoir Frigorifique de Bamako surprend.
D’abord par sa simplicité : des bâtisses vétustes et truffée de toiles d’araignées, lézardées par endroits et insalubres. Ensuite par le caractère rudimentaire, voire, artisanal, de ses infrastructures : des chaînes munies de crochets et fixées à des barres de fer rouillées, auxquelles sont suspendues des carcasses d’animaux dépiécées.
Aux dessous d’elles, une montagne de bouse de vache, autour de laquelle s’affairent des bataillons de mouches.
Juste derrière, une salle mal équipée fait office de laboratoire. Ici, la viande est dit-on, soumisse au verdict des vétos (vétérinaires). Avant d’être chargée dans des camions (dont la plupart sont sans frigo) par des ouvriers portant des bottes rapiécées.
Dans la cour de l’abattoir, l’atmosphère est pestilentielle en ce début de journée. Pourtant, il n’est que 10 heure du matin. Des cornes de bêtes, gorgées de pus et de vers, des restes de viande exhalant- une odeur suffocante… Adultes et enfants du quartier avoisinant n’échappent guère à cette puanteur qu’ils respirent, au péril de leur santé. Et de leur vie.
Les consommateurs en danger ?
A en croire des responsables du syndicat national des bouchers, l’Abattoir Frigorifique de Bamako opère dans des conditions, qui jurent avec les normes en vigueur.
« A l’Abattoir Frigorifique de Bamako, le matériel de travail fait défaut. Les conditions hygiéniques ne sont pas respectées à 100% », explique un boucher et membre du syndicat. Avant de poursuivre « sur le lieu de l’abattage des animaux, les bassines sont installées au milieu des mouches, cafards, cancrelats et autres insectes ».
Pour les besoins d’enquête, nous avons été reçus par un responsable. Suite à nos questions, il se met à baragouiner. Avant de nous demander de nous rendre sur le site d’abattage pour constater les faits.
D’un revers de la main, il balaie les accusations portées contre sa structure. Avant de poursuivre : « il ne faut pas nous accuser gratuitement. Nous avons fait des investissement s dans le matériel».
Mais quels matériels ? Allez savoir !
Par la suite le regard de notre interlocuteur s’assombrit. Soudain, il jette un regard complice à ces collègues. Avant de nous inviter débarrasser le plancher.
Le reste de nos questions se sont butées à un mur de glace. Partout, c’est la loi du silence. Motus et bouche cousue.
Mais les animaux y sont abattus et dépouillés dans des conditions qui inquiètent. S’y ajoutent des bataillons de chiens aux aguets, des ouvriers travaillant presque à main nue et des blouses qui laissent à désirer.
« La viande, pour être saine doit respecter des normes. Mais à l’Abattoir Frigorifique de Bamako, c’est autre chose. Avant d’entamer l’abattage, les lieux, les machines et les accessoires, le plus souvent ne sont pas nettoyés », nous explique un boucher. Avant d’indiquer : « nous avons maintes fois saisi les responsables de l’Abattoir par rapport à cet état de fait. En vain. Et toujours, et c’est toujours le même scénario».
C’est pourtant, ici que partent chaque jours des tonnes de viande à destination des marchés, supermarchés, hôtels, restaurants, et gargotes de la capitale. Mais le hic qui fait tilt, c’est le risque que cette viande représente pour la santé du consommateur.
Un risque, jugé de plus en plus grand, par les techniciens du Laboratoire Central Vétérinaire (LCV). Mais aussi, par les experts de la chose alimentaire.
Parce que cette viande dite « saine » est acheminée sur les marchés, par des moyens de transport inadéquats. Contrairement à la réglementation en vigueur.
Mais pour la direction de l’Abattoir Frigorifique de Bamako, décidé à percer le marché malien, peu importe. L’essentiel, c’est de vendre. Au risque, peut-être, d’envoyer le consommateur au delà de l’au-delà.
Le silence coupable des autorités
L’Abattoir Frigorifique de Bamako aurait, de sources concordantes, fait l’objet de plusieurs mises en demeure ; sans succès.
Une certitude : face aux manquements enregistrés à l’Abattoir de Bamako, les autorités sanitaires gardent les yeux fermés. La bouche, aussi.
Au niveau de l’ASCOMA et du REDECOMA, l’on se veut prudent. Même si l’on reconnaît que la viande commercialisée par l’Abattoir Frigorifique de Bamako prête à caution.
Nous y reviendrons !
Jean pierre James