Alcoolisme: Enquête sur ces femmes alcooliques à Bamako

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L’alcoolisme féminin est un fléau galopant. Il prend même des proportions inquiétantes. Les femmes ont peu de contrôle sous l’effet de l’alcool. Elles se saoulent la gueule, se bagarrent, se livrent à des bestialités, reviennent à la maison paumées, parfois sous le regard impuissant des enfants. Le conjoint parfois, ne se doute de rien, jusqu’au jour où,  «  le voleur est attrapé la main dans le sac ».

Cas atypiques
« Taxi, Hôtel Oumou Sangaré! ». La voix de la cliente, la trentaine alerte, est nasillante. Elle est assise à même le sol, sur le trottoir sur une table d’une des nombreuses vendeuses du jour à cet endroit, et éprouve de sérieuses difficultés pour monter à bord de la voiture jaune. L’occupant assit devant le véhicule compatit à sa peine avant de se rendre compte de l’évidence. La dame pue l’alcool. Et du coup la compassion se mue en répulsion. Dans le taxi, elle s’affale sans aucun souci sur le conducteur et les autres passagers. Elle veut parler, mais n’y parvient pas vraiment. La hargne des autres passagers la laisse de marbre. Avec une voix dormante, elle réussit tout de même à préciser sa destination: « hôtel Oumou Sangaré ». Les yeux sont rouges, le corps sans énergie. Du coup, elle devient une curiosité dans le taxi. Tout le monde tente de la dévisager. Elle a pour tout vêtement, moins que ce qu’il faut pour couvrir la nudité: une petite camisole collante et transparente, qui laisse entrevoir des mamelles flasques et sans soutien-gorge. Son « pantalon taille basse » est à la mode, un pantalon, tout aussi collant. Un accoutrement jeune, qui laisse supposer que la dame est à la conquête d’une jeunesse qu’elle n’estime pas perdue. Il est à peu près 22h ce vendredi. Le reste du parcours est silencieux dans le taxi. Personne n’ose dire le moindre mot. L’air y est pollué. La mauvaise atmosphère rende la destination plus longue et éprouvante. La lenteur de la circulation endort la dame ivrogne.

Au niveau de l’hôtel, le chauffeur est obligé de recourir à l’aide des autres passagers pour la réveiller dans un premier temps, avant de la tirer hors du taxi. Devant l’hôtel où sont postés des gendarmes pour la sécurité de la banque, sous une pluie d’éclats de rire, quelques personnes reconnaissent « Ninin ». Des jeunes filles et hommes assis au grin, dépités, lancent: « C’est la même scène tous les jours, une femme qui ne peut même pas honorer ses enfants ». La veuve Saran, elle, ne trouve aucun inconvénient qu’une femme aille « vivre » au bar. C’est juste un loisir comme aller danser en boîte de nuit par exemple, explique t-elle. « Pour des veuves de notre âge, il est plus facile à quelqu’un de nous inviter au bar qu’en boîte de nuit ». ‘’Je pense en toute honnêteté qu’au Mali, le caractère dominant des hommes est un frein pour le développement de notre société.

Car les hommes aiment porter des critiques à l’égard de la femme alors qu’ils ont des comportements qui laissent à désirer’’, dira Saran. ‘’Je suis contre le comportement des femmes qui se saoulent la gueule. Mais et pour les hommes qui le font aussi’’. Que dire en ce moment !

Femmes joyeuses

A la vérité, les débits de boisson ne sont pas des refuges pour des veuves seulement. On y rencontre des femmes de tous les âges. Kady une malienne expatriée du Gabon à peine de l’âge pubère. Elle a 18 ans. Cela va bientôt faire un an qu’elle fréquente régulièrement les débits de boisson. Elle a découvert le milieu en décembre dernier et y a pris goût. Désormais, toutes les soirées de samedi, elle s’installe dans un bar populaire de son choix. Elle y va toute seule, avec l’espoir d’y trouver un « copain ».  » Je viens « me chercher » au bar. Je me rends belle d’abord en y allant. Lorsque quelqu’un me plaît, je lui fais des signes. S’il consent, généralement, la personne s’approche de moi. S’il dit qu’il m’aime, on passe quand-même la soirée ensemble sans rien faire. Après, si je vois s’il est sincère, j’accepte alors de faire l’amour avec lui « Depuis près d’un an, Kady est toujours à la recherche de l’âme sœur dans les bars. Plusieurs fois, elle s’est laissé tromper par des Don juan avec qui elle a eu des aventures sans lendemain.    Les femmes mariées, elles aussi, envahissent les bars après leurs tontines du week-end ou du mois. C’est là que des intrigues se trament contre les autres membres de la réunion. C’est aussi là qu’elles se racontent des histoires des plus sordides, où des confidences des plus délicates se font. C’est au bar que des secrets des plus délicats se dévoilent. Un jour, après leur réunion de tontine, un groupe de femmes a fait escale, c’est là où, dans un accès de colère, une amie de ma servante l’a traitée d’infidèle et a raconté publiquement une confidence selon laquelle cette dernière lui aurait confessé que la grossesse qu’elle portait au, était le fruit d’une relation extra-conjugale. D’autres menus détails ont été racontés pour accabler la future maman. Son mari n’a pas tardé à en être informé et, d’enquêtes en interrogatoires, la vérité a éclaté et le ménage s’est finalement brisé. Les femmes libres restent les plus nombreuses à fréquenter les débits de boisson. Elles y arrivent en galante compagnie ou non. Dans le second cas, elles finissent par trouver un compagnon sur place. Un compagnon qui, dans la plupart des cas, supporte la note. En contre partie, il a droit à certains les avantages liés à sa générosité. Il existe également des cas, où la femme finance la sortie. Affou Traoré avoue détester d’être dépendante de l’homme.  » C’est moi qui invite mes amis au bar, se vante-elle. C’est un plaisir pour moi de me distraire ainsi, de voir les gens se saouler et se désaouler. On s’amuse à assister aux bagarres et c’est plaisant de raconter la scène le lendemain, à ceux qui n’avaient pas fait le déplacement. L’ambiance ne serait jamais la même à la maison. C’est ce cocktail d’ambiance entre des voyous et des gens plus civilisés qui créé le plaisir du bar ».

La dose à prendre       
Les goûts des femmes sont des plus divers. Les bières les plus chères sont aussi les plus prisées par certaines dames: la Flag, la Guiness, la 8.6 et quelquefois les liqueurs. Elles prétendent qu’elles sont les meilleures, qu’elles font « classe » à cause de leurs coûts plus élevés que les autres.  » Il faut élever le niveau, explique Yolande. « Plus l’ambiance est folle, plus on en redemande.  » Big Jo « un barman, affirme qu’il y a « des dames qui boivent comme des tuyaux, celles-là peuvent prendre six  bouteilles de tuborg en une soirée ». Pour Sita , une étudiante de 27 ans,  il lui faut d’abord deux bouteilles de grande Guiness  » pour sentir » qu’elle est au bar.  » Et quand quelqu’un m’y amène pour qu’on s’amuse vraiment, je me rassure au préalable qu’il peut me supporter parce qu’en ce moment là, je bois sans compter. Je ne crains pas de  me saouler lorsque je suis en bonne compagnie, car en ce moment, mon copain s’occupe de moi « Patrick, le copain de  Sita ne trouve aucun inconvénient que sa petite amie boive autant.  » Tant qu’elle est avec moi, j’assume, puisque c’est quand je consens que je l’amène au bar. Chaque fois que nous y faisons un tour, c’est comme si nous nous attachons davantage l’un à l’autre. Notre affection se revigore. L’effet que l’alcool apporte à l’amour est indescriptible. Cela pousse à la folie, c’est-à-dire que parfois, la boisson laisse éclater notre instinct animal en matière d’amour. Ce n’est pas une mauvaise chose… Le lendemain, on prend toute la journée pour se reposer. On est là, l’un à côté de l’autre. C’est tendre, pas de sortie, pas de cuisine, si oui quelques casse-croûtes»…                   
à suivre
Paul N’guessan

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