Elles sont de plus en plus nombreuses à fréquenter les débits de boisson et à lever le coude.
La chanson "tchimi-tchama" de Molobali Traoré a eu beaucoup de succès. Les mélomanes l”ont adopté en faisant un tube qui caracolait en tête des hits parade. Le tube a fait un tabac pendant longtemps. Ce succès n”est pas gratuit. Car la plupart de nos compatriotes se reconnaissent dans la chanson du balafoniste. Il chante tout haut ce qui se passe dans le secret des bars et autres coins chauds de la capitale. En effet, nombreux sont nos compatriotes qui lèvent le coude en cachette en prenant le soin de faire en sorte que cela ne se sache pas par leurs prochains. L”alcoolisme est développé dans notre pays. Mais il est caché. De nombreux garçons et filles sont des buveurs invétérés mais ils le cachent comme ils peuvent.
Le poids de notre société fortement islamisée est pour beaucoup dans la propension des alcooliques à dissimuler leur penchant. Il est en effet mal vu de la part des musulmans de lever le coude en public car l”alcool est fortement prohibé par la religion musulmane. S”il faut boire, alors il vaut mieux le faire hors de la vue du public.
La nouvelle tendance de l”alcoolisme est l”irruption des jeunes filles dans la "boisson". Traditionnellement, boire le "tiapalo", le "dolo" en public était le privilège des hommes. Aujourd”hui, la tendance change. Les femmes ont fait une rentrée fracassante dans l”alcoolisme. L”urbanisation galopante qui a perturbé les moeurs, y est pour beaucoup. L”influence du mode de vie occidental, décuplée par le cinéma et la télévision, pousse les jeunes à singer ceux de Paris, Londres, New-York. Alors bonjour les dégâts ! Les Maliennes sont de plus en plus nombreuses à téter de la bouteille.
Sous l”influence des copains. Généralement les filles se mettent à l”alcool en acceptant le verre offert par des copains. Elles se laissent très souvent influencer facilement par leurs amis. Celles qui sont déjà habituées à lever le coude, affirment consommer de l’alcool pour améliorer leur humeur et leur confiance dans certains milieux. Certaines élégantes affirment que l’alcool les pousse à se battre. Elles peuvent aller jusqu”à poser des gestes qu’elles regretteront par la suite. Elles sont nombreuses les belles qui se sont retrouvées, sans savoir comment, dans le lit d”un amant, après avoir bu.
Il faut noter que les femmes et les filles métabolisent l’alcool de façon différente que les hommes. Il est vrai que l’alcool transite plus rapidement dans le sang des femmes. Comparativement aux hommes, elles s’enivrent plus rapidement et développent plus facilement une dépendance. Les effets néfastes de l’alcool ont plus d’emprise sur elles.
Ainsi Kadia, une étudiante à l”université, révèle qu”elle a pris son premier verre quand elle était au lycée. Cela l”a entraîné dans une véritable descente aux enfers. "Mon copain buvait. Nous sortions en groupe. Tout le monde buvait pour ne pas être exclu du "grin". Afin de garder mon copain, j”ai pris l”habitude de siroter. J”étais donc sur une pente glissante. Aujourd”hui, je suis maintenant un accroc. Et je bois sec", raconte-t-elle.
Contrairement à Kadia, Bintou S. vit dans les bars. Issue d”une famille démunie, elle a quitté l”école au niveau du primaire. B.S n”avait d”autre choix pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille que de fréquenter les bars. Elle devait boire pour avoir le cran d”aborder les hommes, être en forme et diluer les soucis. Il n”est pas facile, selon Kadia, de vivre ainsi sans protection.
Plusieurs interlocutrices trouvent qu”il faut boire pour être dans l”air du temps. Tel est le cas de l”enfant gâtée Fatim. Elle est née d”une famille aisée. Elle a tout ce qu”elle veut. Cette citadine boit pour son plaisir. Et elle nous a expliqué ce choix. "Je ne buvais pas avant, mais je me sentais bien dans l”ambiance des bars. A force de fréquenter ces lieux, j”ai fini par boire. Je ne regrette rien car l”alcool me met en forme. Dès que je bois un verre, je m”épanouis. J”ai l”impression que je peux soulever la terre entière."
Bandes d”alcooliques. Selon le gérant d”un bar de la place, les filles viennent souvent en groupe et elles consomment beaucoup plus que les garçons. Auparavant, continue le gérant, la plupart d”entre elles se cachaient. Mais actuellement elles ne se gênent pas. Elles boivent au vu et au su de tout le monde. Ainsi Maïmouna estime que boire n”a rien de dégradant. "Je bois depuis l”âge de 15 ans, avoue-t-elle. Dans notre famille, nous buvons tous ensemble mon père, ma mère, mes frères et soeurs." Il est évident que plusieurs facteurs dont la situation familiale, le vice poussent les filles à boire.
La serveuse du bar Yama a commencé un jour à boire pour satisfaire un client capricieux. "J”étais dans la nécessité. Mais malheureusement, je suis tombée enceinte. L”homme en question ne voulait pas entendre parler de cette grossesse. J”ai donc continué à boire pour soulager ma peine. Ensuite pour mieux exercer mon métier de fille de joie. Je n”ai pas d”autre alternative pour m”occuper de mon garçon de 3 ans", confesse-t-elle les larmes aux yeux.
Le jugement de l”étudiante Sadio sur les filles alcooliques est sans appel. "Mes soeurs qui boivent sont des complexées, affirme-t-elle. Elles imitent les blancs. Ce mimétisme a coûté la santé et sa jeunesse à Badialo. Aujourd”hui cette alcoolique regrette amèrement son sort. Elles connaît de nombreux problèmes de santé actuellement. Mais malheureusement elle ne peut plus se passer de boire. Et elle se plaint. "Je suis malade, mais je ne peux pas résister à l”envie de boire. C”est regrettable mais c”est ainsi." Le calvaire de cette pauvre fille est une leçon : boire au lieu d”être un plaisir devient une nécessité.
Les filles qui boivent sont toujours mal vues dans leur entourage. Elles enfreignent les moeurs, les coutumes, l”honneur, la dignité. C”est l”acculturation totale. "Je plains sincèrement les mères de ces filles, elles doivent vivre un véritable enfer", commente la vieille Worokia. Elle pense que toutes les mamans désirent voir leurs enfants réussir. L”alcool ne nourrit personne. Au contraire, il détruit à petit feu. "Les filles alcooliques doivent se ressaisir", ajoute Ba Worokia. Elles doivent impérativement prendre conscience qu”elles ont la lourde responsabilité de s”occuper d”un foyer.
Mariam A. TRAORÉ
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