Adoption du Code des personnes et de la famille : Le renvoi aux calendes grecques se confirme

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Ni le législateur ni l’Exécutif ne veut plus courir aucun risque en affrontant le courroux des associations islamistes par rapport au Code des personnes et de la famille. Annoncé comme devant être soumis à un nouvel examen en séance plénière des députés, le projet de loi portant Code des personnes et de la famille a quasiment été ignoré durant la session budgétaire (d’octobre) qui vient de s’achever. Le document devrait revenir sur la table des représentants du peuple, lors de la session d’avril 2011, mais de sources concordantes, face aux mises en garde des leaders musulmans comme Mahmoud Dicko du Haut Conseil Islamique(HCI), nul ne veut perdre ses chances avec l’électorat en cet avant-veille de la présidentielle de 2012.

Dans son discours à l’ouverture de la récente session budgétaire de l’Assemblée nationale, le 4 octobre 2010, le président de l’institution, le Pr Dioncounda Traoré annonçait que le Code des personnes et de la famille serait soumis à l’examen des députés et que le mariage religieux, point de discorde majeur contenu dans le document, allait être reconnu. Mais, la session s’est progressivement déroulée sans que personne ne lève le petit doigt pour inscrire au menu des différentes plénières, ce projet de loi.

    Selon nos informations, après que le texte ait été " revisité pour le rendre plus digeste aux associations musulmanes", certains dignitaires religieux proches du Haut Conseil islamique (HCI) ont affirmé ne pas être satisfait du degré d’implication à eux assumé pour faire des propositions de toilettage au texte litigieux. Lors d’une récente interview dans les colonnes de L’Indépendant, le président du HCI, Mahmoud Dicko, sortait pratiquement le biceps en assurant que «si le texte était adopté avec des atteintes aux valeurs de la religion musulmane, ils (ses fidèles et autres militants de l’association) mettraient le pays à feu et à sang».

    A cela s’ajoutent les récriminations des associations de la société civile qui affirment avoir été oublié dans les discussions visant à retoucher le texte litigieux. Depuis, plus d’un acteur politique semble baisser la garde par rapport à l’examen du document et commencent discrètement par le conjuguer au passé. La question étant très sensible qu’aucun acteur politique ne voudra, pour rien au monde, compromettre sa popularité en participant à l’adoption d’un texte susceptible de provoquer, à nouveau, des soulèvements. Comme ceux provoqués en août 2008 au Stade du 26 mars, suivis des injures et autres menaces proférées contre des dirigeants d’institutions de la République : le président de la République, le président de l’Assemblée nationale notamment. 

Il faut rappeler qu’a l’ouverture de la session d’octobre 2009, le président de l’Assemblée nationale, le Pr. Dioncounda Traoré, coupant court aux rumeurs et supputations sur d’hypothétiques quiproquos entre le pouvoir législatif et l’Exécutif, à la suite du renvoi en seconde délibération parlementaire, du nouveau Code des personnes et de la famille par le président de la République, a été on ne plus clair. " Je déclare ici, de la façon la plus solennelle, que l’Assemblée nationale du Mali est pleinement en phase avec la décision prise par le président de la République, concernant ce renvoi ", a-t-il déclaré.

 Loin de constituer une divergence de vue pouvant déboucher sur une quelconque crise institutionnelle, cet épisode du Code renvoyé aux législateurs, est plutôt, à en croire l’honorable Dioncounda Traoré, une expérience salutaire. " Je crois pouvoir affirmer que c’est là une première dans l’histoire parlementaire du Mali. Cette décision vient, par conséquent, enrichir le panel d’inédits qui caractérisent le label démocratique de notre pays. Elle est à mettre, quant au fond, sur le compte de l’enrichissement du processus démocratique africain lui-même", a-t-il affirmé. Pour lui, si les renvois en seconde lecture de lois votées par le Parlement résultent de divergences apparues entre l’Exécutif et le Législatif, notamment en période de cohabitation, dans le cas d’espèces, il n’y a, a-t-il insisté, aucune crise institutionnelle au Mali. Et le Pr. Dioncounda Traoré de rappeler que le président ATT et le Gouvernement disposent à l’Assemblée nationale d’une majorité qu’il qualifie de " stable et confortable ". Une majorité qui, après avoir suivi les procédures parlementaires usuelles, a adopté un projet du Code déposé sur sa table par le Gouvernement. Adoption à laquelle l’opposition de surcroît, a joint sa voix ; faisant adopter le texte par une majorité écrasante des députés.

Le président de l’Assemblée nationale n’a pas manqué de souligner que ce Code, touchant la société dans ce qu’elle a de plus intime, il urge d’approfondir le dialogue sur la question. " Et ainsi, de lever toutes les incompréhensions, toutes les ambiguïtés, mais aussi, d’endiguer les effets de l’intox et des dénigrements injustifiés et calomnieux distillés à propos dudit Code par certaines personnes qui n’en n’ont probablement pas lu une seule ligne ", a-t-il martelé. Et l’honorable Dioncounda Traoré de préciser que, le président de la République, disposant de prérogatives constitutionnelles lui permettant de renvoyer le texte (qui a donné lieu à moult protestations) en seconde lecture, a pris cette décision, avec courage, lucidité et en toute souveraineté. " Il a choisi de donner du temps au temps de dialogue. Et le peuple malien tout entier l’en a félicité et s’en félicite ", a-t-il conclu.

Dès lors, on se demande si " donner du temps au temps du dialogue " n’encourage pas finalement à renvoyer le texte du Code aux calendes grecques. Plusieurs acteurs politiques donnent une réponse positive à cette question. Dans la mesure où des préoccupations majeures viennent irrémédiablement étouffer l’urgence de l’adoption de ce projet de loi. Les élections communales partielles  de février -mars 2011, les réformes constitutionnelles, la précampagne pour la présidentielle 2012 sont autant d’événements qui finissent par pousser les uns et les autres à classer le texte du Code des personnes et de la famille dans les tiroirs.

Ainsi, depuis le président  Alpha Oumar Konaré, le président Amadou Toumani Touré devra probablement laisser "la patate chaude" du nouveau Code des personnes et de la famille du Mali dans les mains de son successeur. C’est là l’impact qu’aura donné le lobbying des associations musulmanes.

Bruno D SEGBEDJI

 

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