Les fouilles « archéologico-financières » réalisées pendant la période 2017 à l’Agence Nationale de Télésanté et d’Informatique Médicale (ANTIM) sont sans appel : surfacturations à la pelle, vols et détournements de fonds. Auxquels s’ajoutent des dépenses injustifiées et le changement des règles de la comptabilisation, d’une année à l’autre. Autant de pratiques qui selon le Contrôle Général des Services Publics (CGSP) ont précipité l’ANTIM dans l’abîme. Avec à la clé, 342 millions de francs CFA qui ont pris une destination, jusque-là, encore inconnue.
Le gouffre financier creusé en 2017 à l’ANTIM dépasse l’entendement. D’où la paralysie de la structure à tous les niveaux. Ou presque. L’ANTIM dans son histoire n’a jamais connu une telle hémorragie financière. Pire, elle n’a jamais été confiée à une personnalité, aussi controversée que le Directeur Général, le médecin Colonel, Dr Ousmane Ly: pendant des lustres, les caisses ont coulé. Comme le fleuve Niger dans son lit.
L’Agence Nationale de Télésanté et d’Informatique Médicale n’a pas seulement perdu de sa superbe. Elle a été vidée de son âme, vendue au diable. Et jusqu’aujourd’hui, son dirlo, le Dr Ousmane Ly, n’affiche qu’une image de ruine et de désolation. Et pour cause : jamais, les gaffes au sein de cette agence n’ont atteint un tel degré.
Jugée, pourtant, stratégique dans la politique gouvernementale du Mali de rendre accessibles les services de santé au maximum de populations, l’ANTIM n’a pas échappé à l’appétit vorace de ses responsables. Par petite touche, ils ont « sucé » les caisses, érigés le népotisme en mode de gestion. L’espoir tant suscité auprès des populations, a viré au cauchemar. Un flop magistral.
La preuve des épreuves
L’audit réalisé à l’ANTIM pendant la période de 2017, a mis à nu plusieurs anomalies dans l’exécution des états financiers.
Selon le dernier rapport annuel d’activités du Contrôle général des services publics, la gestion des moyens mis à la disposition de l’ANTIM, jure avec l’orthodoxie financière. Concernant la vérification de l’existence et de l’application des textes législatifs et réglementaires, la mission a relevé, entre autres, l’ouverture de comptes bancaires sans l’autorisation du Ministre de l’Économie et des Finances en violation des dispositions de l’article N°61 du décret n°2014-0349/P-RM du 22 Mai 2014 portant Règlement Général sur la comptabilité Publique. Vient ensuite, l’absence d’un règlement intérieur validé par le Conseil d’Administration ; la non-prise d’un acte administratif fixant le cadre organique de l’ANTIM; et la non-prise d’Acte administratif fixant la nature et le taux des prestations de services conformément aux dispositions de l’article n°2 de l’ordonnance n°08-007/P-RM du 26 septembre 2008 portant création de l’Agence nationale de télésanté et d’informatique médicale.
Des dépenses non justifiées
S’agissant de la vérification de l’exhaustivité des ressources, l’enquête a relevé un écart de 17 696 411F CFA entre le montant des factures émises (151 342 176 F CFA) et celui des certificats d’encaissement (169 038 587 F CFA) qui s’explique d’une part, par l’encaissement de recettes sans émission de factures et d’autre part, par l’existence de restes à recouvrer. En outre, les auditeurs ont constaté le recouvrement par l’ANTIM de ses ressources sans quittances du Trésor.
Les faits sont têtus quant à la vérification de la régularité des dépenses. La mission a constaté pour la période sous revue que sur 139 marchés et contrats, d’un montant total de 1,830 milliard de nos francs (1 830 919 845 FCFA), conclus pendant la période sous revue, le paiement de 58 contrats d’un montant total de plus de 340 millions (342 346 635 F CFA), sans procès-verbal de réception ou attestations de service fait a été exécuté. Et comble de la « mangecratie » à l’Agence Nationale de Télésanté et d’Informatique Médicale, les enquêteurs sont tombés en leurs corps défendant sur un os : le paiement indu de la somme de plus de 11 millions (11 010 360F CFA) au titre des indemnités allouées au personnel de la structure pour sa participation au Conseil d’Administration de l’ANTIM.
Quant à la gestion des ressources humaines de l’Agence, c’est le fiasco. À ce titre, le contrôle a relevé le non-respect des procédures de recrutement, c’est-à-dire l’appel à candidatures avec des termes de références. Il ressort que pendant la période sous revue, tous les agents contractuels ont été recrutés après un stage de 6 mois sous le régime de Contrat à durée déterminée (CDD), puis en contrat à durée indéterminée. Plus grave encore, les enquêtes ont révélé la non-matérialisation des reclassements des agents par un acte administratif. Et comble du favoritisme à l’ANTIM, les enquêteurs précisent que «le système de reclassement du personnel utilisé est le reclassement systématique des agents, tous les deux ans, sans que ce dernier ne soit formalisé par des décisions ».
Au tant d’irrégularités qui ont conduit les limiers du Contrôle général des services publics de recommander dans un premier temps, au Directeur général de l’ANTIM, le Dr Ousmane Ly, de justifier le paiement de la somme de 11.010.360 FCFA au titre de jetons de présence au personnel pour sa participation au Conseil d’Administration. Mais aussi de matérialiser les reclassements du personnel par un acte administratif et de mettre en détachement le personnel fonctionnaire affecté à l’ANTIM.
Quant à l’Agent comptable de l’ANTIM, les consignes des enquêteurs sont fermes. Ils recommandent à ce financier d’utiliser les quittances délivrés par la Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DNTCP) en vue de s’assurer du recouvrement de l’ensemble des ressources de l’ANTIM; d’établir les procès-verbaux de réception ou d’attestations de service fait avant le paiement des contrats et marchés exécutés. Enfin, de justifier les paiements des acquisitions de biens et services pendant la période sous revue d’un montant de 342 346 635F CFA sans attestation de service fait ou de procès-verbal de réception. Bref, l’Agence Nationale de Télésanté et d’Informatique Médicale, en abrégé ANTIM, a été sacrifiée sur l’autel d’intérêts égoïstes. Autrement dit, la caisse de la structure a subi une saignée financière de plusieurs centaines de millions de francs CFA.
L’ANTIM ou « les Établissements Ousmane Ly »
L’Agence Nationale de Télésanté et d’Informatique Médicale n’a pas fait l’objet d’un appel d’offres, en vue de sa privatisation. Du moins, pas à notre connaissance. Mais tout porte à croire qu’elle est victime, depuis sa création (Ordonnance N°08 007 /PM-RM) il y a 10 ans, d’une OPA (Offre Publique d’Achat ) qui ne dit pas son nom : elle est au service exclusif de son Directeur Général, le Dr Ousmane Ly, nommé le 18 février 2009 comme patron de l’Agence et de ses parrains: gestion clanique des ressources humaine et financière ; achat de conscience et de silence ; magouille et affairisme à ciel ouvert… Tout y passe sans que cela n’offusque personne. Décidemment, l’ANTIM porte les germes de sa propre destruction.
Face à la gabegie ambiante à l’ANTIM et à l’affairisme du clan qui la dirige, doit-on s’emmurer dans un silence pour éviter les foudres de sa colère ? Heureux, ceux qui se posent, encore, ces questions. Car, il y a longtemps que l’oligarchie de l’ANTIM a anesthésiée les convictions. Avec espèces qui sonnent en trébuchant. Et partout, le même constat, l’amer constat : motus et bouche cousus. Personne pour dénoncer ces magouilles et affairisme à la pelle. On reste de marbre, face à la gestion clanique de l’ANTIM, face à cette gabegie ambiante qui hypothèque l’avenir des maliens.
Partout, le même silence assourdissant. Parce que le tout-puissant patron de l’ANTIM, le médecin colonel Ousmane Ly verse des liasses dans leur escarcelle. Donc, il faut applaudir ses faiblesses, tolérer ses fantasmes.
En réalité, cette mauvaise gestion est le fruit d’un système bien huilé, mis en place par le « prince » de l’ANTIM.
Selon ce système, les responsables de l’Agence veillent aux « bons soins » de leurs potes et de leur propre personne: enveloppes de fin du mois, marchés de gré à gré, bons de carburant à gogo, voyages sur la Côte-d’Azur et autres cadeaux en nature. Du moins, s’ils veulent éviter les « ennuis ». Face à de telles pratiques qui ont occasionné un trou de 342 millions de francs CFA dans la caisse de l’ANTIM, les enquêteurs, à l’unanimité, exigent à ce que le Directeur de l’ANTIM, le Dr Ousmane Ly et ses complices rendent à César ce qui n’est pas à eux. Et cela dans un bref délai. Passé ce temps, des poursuites seront engagées. Depuis, les responsables de l’ANTIM ne dorment plus que d’un demi-œil.
Affaire à suivre et à poursuivre donc.
Cyrille Coulibaly