Le retard dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale, la situation préoccupante du centre et les problèmes intercommunautaires, les perspectives de la révision constitutionnelle et le déficit de dialogue politique, notamment entre le pouvoir et l’opposition sont, entre autres, les sujets sur lesquels a porté l’analyse d’Oumar Ibrahima Touré, président de l’Alliance pour la République (APR). C’était à l’occasion de sa présentation de vœux aux militants de son parti, le 25 janvier 2019, au Mémorial Modibo Keïta.
Venus de tous les horizons du Mali et d’ailleurs, ils étaient nombreux, les militants de l’Alliance pour la République (APR), à répondre présent à la cérémonie de présentation de vœux de leur président, en l’occurrence Oumar Ibrahima Touré. Laquelle constitue également une occasion pour passer en revue l’état de santé de leur parti, les progrès enregistrés et les défis auxquels fait face le Mali.
Dans cet exercice, Oumar Ibrahima Touré a souligné la bonne santé de son parti qui, de son avis, a atteint sa vitesse de croisière en termes d’implantation et d’adhésion. Avant de contraster quelques problèmes de communication entre la base et le sommet du parti. Face à ces disfonctionnements, il a invité ses militants au sens de la mesure et de la responsabilité pour juguler ensemble les difficultés qui sont loin d’être insurmontables.
S’agissant de la vie de la nation, en sa qualité de parti membre de l’E.P.M., l’APR, salue les efforts du gouvernement en faveur de la sécurité, de la stabilité, de la lutte contre le terrorisme, de la reconstruction de notre vaillante armée, mais également dans les domaines économique et social.
Toutefois, indique-t-il, en dépit des nombreux efforts susmentionnés, le Mali demeure confronté à des défis imminents à relever au risque de compromettre dangereusement le fondement même de la nation malienne.
Ces défis qui pénalisent la marche de la nation ne manqueront pas de marquer significativement la nouvelle année. Il s’agit, énumère-t-il, de : la question du nord et les retards dans l’application de l’Accord pour la paix ; le terrorisme ; l’urgente et préoccupante situation du centre et les problèmes intercommunautaires ; les perspectives de la révision constitutionnelle ; le déficit de dialogue politique, notamment entre le pouvoir et l’opposition ; l’organisation des scrutins électoraux à venir.
Les recommandations de l’APR l’application de l’accord de paix
Ces défis énormes exigeant la mobilisation de tous les Maliens, l’APR, tout en félicitant toutes les parties ainsi que nos partenaires pour tous les efforts déjà déployés depuis la signature de l’Accord, recommande la poursuite des efforts. notamment dans les domaines tels: l’opérationnalisation des bataillons du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) à Gao, Kidal et Tombouctou et le déploiement des patrouilles mixtes dans toutes les régions du nord, afin de lutter contre l’insécurité ambiante qui freine le retour à la normale ; l’installation et le fonctionnement effectif des autorités intérimaires et des collèges transitoires, le retour de l’Administration dans toutes les régions du nord et le rétablissement des services sociaux de base au profit des populations meurtries par le conflit ; la mobilisation des financements annoncés lors de la “Conférence internationale pour la relance économique et le développement du Mali” (Paris, le 22 octobre 2015), pour réaliser les engagements souscrits par le Gouvernement malien dans l’Accord; la concrétisation du principe de l’inclusivité et son respect au sein des mouvements signataires de l’Accord (Coordination des Mouvements de l’Azawad et Plateforme), afin de minimiser dans l’avenir les contestations des décisions et mesures liées à la mise en œuvre de l’Accord dans ses différents volets. S’y ajoute le renforcement des actions de communication permettant l’appropriation de l’Accord pour la paix, de la réconciliation, de l’unité pour accélérer son application; la poursuite des efforts de la communauté internationale en faveur du Mali afin de lui permettre de sauvegarder son unité, son intégrité territoriale, ainsi que la forme républicaine et le caractère laïc de l’Etat; la mise en place d’un système d’information fiable et exhaustive et la création d’une base de données en vue d’assurer l’archivage et la constitution de la mémoire du processus de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger.
La situation au centre du pays
Pour l’APR, la situation du centre reste en grande partie liée à celle du nord. Elle en constitue d’ailleurs une sorte d’excroissance avec la dynamique de mobilité des groupes terroristes qui ont progressivement créé des cellules au centre. En plus du terrorisme classique, ajoute le président Touré, la situation dans le centre du Mali s’est complexifiée avec les massacres intercommunautaires qu’il faut juguler en toute urgence. Car, explique-t-il, les problèmes intercommunautaires suscitent très souvent des velléités de vengeance. Après avoir salué les nombreux efforts du Gouvernement tout en l’invitant à les amplifier, l’APR propose, en plus de la poursuite de la lutte contre le terrorisme dans la zone, trois solutions « clés ». Il s’agit du désarmement des milices et autres groupes privés et la consolidation de la présence de l’Etat.
Mieux, du point de vue du président Oumar Ibrahima Touré, le renforcement de la présence de l’Etat doit s’accompagner des initiatives médiatrices en phase avec nos us et coutumes et surtout les réalités locales.
Les Leaders religieux et les Chefferies traditionnelles peuvent être davantage mis à contribution, a-t-il préconisé.
Le front social
Aux graves problèmes structurels de sécurité, de défense et de stabilité dont le nord et le centre constituent les deux zones les plus affectées, vient s’ajouter l’ébullition du font social (les grèves). Cet autre phénomène qui assaille la gouvernance actuelle doit être géré avec diligence, laisse entendre M. Touré.
Sur ce plan, tout en reconnaissant les nombreux efforts du gouvernement, l’APR reste sensible à l’amélioration des conditions de vie et de travail de nos compatriotes, en l’occurrence les fonctionnaires et invite l’UNTM et le Gouvernement à prioriser la pédagogie et le dialogue pour trouver des solutions adéquates aux revendications en fonction des besoins et des moyens de l’Etat.
La révision constitutionnelle
Bien qu’aucune Constitution ne doit prétendre à l’éternité, surtout celle malienne, après 27 ans de pratique ayant montré ses limites et fragilisée davantage du fait de la crise qui traverse le pays, elle doit être réajustée.
Selon Oumar Ibrahima Touré, reflétant la réalité des peuples, leurs besoins et leurs aspirations pendant un moment donné, les révisions constitutionnelles doivent être des moments de fortes concertations, surtout inclusives afin de prendre en compte les attentes des différentes composantes de la Nation.
La future révision constitutionnelle doit tirer les leçons de l’initiative passée n’ayant prospéré, faute de consensus. Le succès du futur projet dépendra de la méthode, de la pédagogie d’inclusion et de concertations. Partant, il a exhorté tous les acteurs politiques à contribuer à la réussite de ce chantier national dans le seul intérêt de la nation malienne, menacée aujourd’hui dans son fondement malgré les efforts fournis. Ainsi, il propose : Une large concertation de la classe politique; une large concertation des organisations de la société civile; la prise en compte de l’avis de la diaspora à travers les organisations officielles qui la représentent; une large campagne d’information et de communication à chaque étape de la révision constitutionnelle pour un projet consensuel, largement partagé, à soumettre à l’appréciation du peuple souverain.
Le dialogue politique
Dans son intervention, Oumar Ibrahima Touré a estimé que le dialogue politique est d’autant plus nécessaire que le Mali traverse une crise grave aux ramifications diverses.
Faisant face déjà à une grave crise depuis des années, notre pays doit faire l’économie d’une crise politique en élaborant une feuille de route de dialogue politique qui permettra, selon lui: d’anticiper et d’éviter des problèmes qui n’ont pas lieu d’être ; de régler des problèmes existants entre le pouvoir et l’opposition ; de permettre à l’Etat de s’atteler aux problèmes plus préoccupants tels les chantiers de sécurisation, de stabilisation et de consolidation de la présence de l’Etat en certaines zones de notre pays.
Oumar KONATE