Accès à l’eau potable : Le calvaire d’étancher sa soif à Bamako

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55 ans après l’indépendance de notre pays, l’accès à l’eau potable demeure encore un défi. Une épreuve aussi bien en campagne que dans les centres urbains. Le comble de manque de vision pour un pays arrosé par deux importants cours d’eau (les fleuves Niger et Sénégal) et leurs nombreux affluents ainsi qu’une nappe souterraine importante. Comme si, depuis le 19 novembre 1968, les dirigeants n’ont pas compris que l’anticipation sur les besoins essentiels est aussi une stratégie de développement humain durable !

A 3 heures du matin, ce dimanche 3 avril 2016, Lafiabougou-Bougoudanin est presque réveillée. Pas forcément à cause de la chaleur parce qu’une légère fraîcheur règne depuis une heure.

Attirés dehors par la curiosité, une déformation professionnelle, nous apercevons une femme et une jeune fille qui peinent à pousser un pousse-pousse chargé de seaux et de bidons de 20 litres. Elles ne sont pas seules car nous en apercevons d’autres dans la pénombre lourdement chargées avec des bidons dans les brouettes ou des seaux sur la tête.

«Nous venons d’un forage de la famille Diakité qui laisse les populations se ravitailler gratuitement depuis que la crise à commencer. En ce moment, il n’y a presque personne. Nous profitions donc pour nous approvisionner», nous dit la Maman soulagée par notre coup de main pour franchir une pente rebelle.

En fait, nous avons le même calvaire parce que depuis le 30 mars 2016, nous sommes contraints de veiller en espérant voir le robinet en fin couler. Au départ, nous avions un peu d’eau entre 3h30 et 5 heures du matin. Mais, depuis le 1er avril, cet espoir est un mirage, une illusion. On ne dort pas, et on n’a pas d’eau !

Oui, 72 heures sans une goutte d’eau au robinet.

Cela se passe en ce 21e siècle dans un quartier de la Commune 4, dans le District de Bamako, capitale du Mali indépendant. Un pays dont les autorités se disent pourtant préoccupées par la santé et le bien-être des populations et qui n’ont pas hésité à financer à 400 millions une opération de propagande contre la République du Mali.

Ici, on ne dort presque plus. Chacun se débrouille comme il peut avec des charretiers qui font la bonne affaire. En trois jours, le prix du bidon de 20 litres est passé de 75 F FCA à 100 voire 150 F CFA.

Par désespoir, certains raclent le fond de leurs puits presque à sec. Une eau boueuse qu’ils essayent d’assainir avec de l’eau de javel qui, mal dosée, n’épargne pas de la colique ou de la diarrhée crainte !

Grâce aux réseaux sociaux, nous partageons notre galère et nous apprenons que nous ne sommes pas les seuls condamnés à cette éprouvante corvée d’eau. Une honte dans la capitale d’un Etat indépendant depuis bientôt 56 ans.

«Dans notre quartier cela fait plus d’un an que nous pouvons faire des jours sans eau dans les robinets. Ceux qui ont un peu d’argent paient les bidons d’eau avec les charretiers ambulants, pour au moins avoir de quoi boire et préparer», témoigne Bernadette, jeune femme leader.

Mais, déplore-t-elle, «pour les plus démunis, ils se rabattent sur l’eau de puits et l’utilisent pour tous les besoins. C’est triste qu’en pleine ville nous manquons de ce minimum vital qu’est l’eau. Pourtant nous continuons à recevoir les factures d’eau comme si de rien n’était».

«Dans la commune de Moribabougou, à 12km de la place de l’indépendance, c’est la désolation ! Ici, pas d’adduction d’eau et les puits ont tari. Les quelques forages équipés sont envahis très tôt par des livreurs d’eau qui font de bonnes affaires sur le dos des pauvres populations», décrit Aly.

«Vous me donnez envie de crier sur tous les toits que je suis à 20 mètres du château d’eau de ZRNY et que j’ai l’eau tous les jours de 3heures à 3 heures 35. J’ai mis sur place un système d’exploitation ingénieux…Chaque borne a un raccordement communiqué à de grands barils en plastique afin de recueillir le maximum d’eau en une demi-heure», témoigne Tonton David.

Aujourd’hui, malgré les investissements annoncés dans des discours démagogiques, rares sont les quartiers de Bamako qui sont correctement approvisionnés en eau potable 24h/24.

Et cela fait des décennies que les Bamakois doivent affronter le manque d’eau et les délestages pendant la même période de canicule. Et jamais, un régime n’a eu la vision de prévenir cela de façon efficace. Que font-ils des milliards de F CFA empruntés aux PTF en notre nom et pour étancher notre soif ?

«Le problème est surtout le silence des autorités, personne ne parle de ce problème d’eau. C’est comme si Cela n’existe pas», s’offusque Bernadette. «La mairie et l’administration de tutelle font la politique de l’autruche. A la première étincelle les dégâts seront incommensurables», déclare Aly en tirant la sonnette d’alarme.

«La colère gronde mais n’explose pas… Passivité ou lassitude du peuple qui n’en peut plus de souffrir ?», s’interroge une jeune intellectuelle contrainte à la même corvée. Question pertinente !

Mais, depuis quelques jours, les esprits commencent à s’échauffer…, même si la révolte ne s’exprime pas encore dans la rue. Pour combien de temps ?

«La colère populaire, c’est comme une invasion de sauterelles, imprévisible. Quand on voit l’essaim, il est souvent trop tard», nous assure le vieux Seydou Diallo, dans un langage à peine codé.

Moussa Bolly

 

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