L’honorable Niang a fait cette déclaration lors de l’atelier de formation des membres de la Haute Cour de Justice, tenue à la faveur d’une retraite de deux jours avec des éminents experts du droit public malien, à Siby du 25 au 26 novembre 2016.
Sixième institution de la République, consacrée par la Constitution du 26 février 1992 (art. 95-96), l’avènement de la Haute Cour de Justice dans notre pays est récent. Elle émane de la volonté de l’actuel président de la République, SE Ibrahim Boubacar Kéita, de rendre fonctionnel toutes les institutions de la République, pour un exercice démocratique efficient. Cependant cette importante institution est confrontée à de nombreuses difficultés, relatives à ses missions et à son bon fonctionnement. Pour pallier ces difficultés et s’inspirer de l’évolution de ce type de juridiction dans les autres pays, la Haute Cour de Justice a conduit une mission dans certains pays francophones. Ces missions ont permis de faire une étude comparée des hautes cours de justice, ou juridictions similaires de chaque pays visité avec celle du Mali. Le résultat de ces études comparatives a été recueilli au sein d’un unique document, volumineux de 140 pages, soumis à l’appréciation des experts et autres participants à cet atelier de deux jours de Siby.
La nécessité de régir la HCJ par une loi organique :
Présidé par l’honorable Abderhamane Niang, Pdt de la HCJ, cet atelier a vu la participation entre autres de Lassine Bouaré (ancien ministre et commissaire au Développement institutionnel), Mamadou Tidiane Dembélé (Procureur Général près de la Cour Suprême), Boya Dembélé (Avocat Général près de la Cour Suprême), Dr Bréhima Fomba et Dr Kissima Gakou (professeurs d’université), des membres de la HCJ et des députés, membres de la Commission Lois de l’Assemblée Nationale.
Comme sous un véritable arbre à palabre, les experts présents à cet atelier ont passé au peigne fin le document sur l’étude comparative des Hautes Cours de Justice, mais aussi formulé des propositions afin de permettre à la Haute Cour de Justice du Mali d’atteindre ses objectifs.
En effet, au premier jour de cette retraite, les participants ont assisté à des communications faites par les membres de la Haute Cour de Justice du Mali. Ces communications ont porté essentiellement sur : ‘’ la HCJ du Mali’’ par Hamadoun Konta, ‘’la Cour de Justice de la République et la Haute Cour de France’’ et ‘’la HCJ du Benin’’ par Mahamadou Yoro Diallo ; ‘’la HCJ du Sénégal et du Congo Brazza’’ par Abdoul Madjidy Bah et ‘’ la HCJ du Burkina Faso’’ par Mme Camara Niagalé Thiam.
A la suite de ces présentations, les experts ont fait des propositions et formulé des recommandations. Ce, pour rendre le document plus actuel au regard du contexte malien. Ainsi, lors des échanges, le haut magistrat Boya Dembélé a proposé la spécification des différences entre le fonctionnement de la Haute Cour de Justice des pays énumérés avec celle du Mali.
Quant à Dr Bréhima Fomba, il a proposé une meilleure définition de la ‘’haute trahison’’ afin de permettre à la Haute Cour de Justice d’être orientée sur son champ d’intervention. « Il faut que cela soit mieux préciser, sinon le terme haute trahison est vague et mal défini par nos textes. En France on parle de manquement grave du président de la République à certaines missions de sa fonction » estime Dr Fomba. Pour le ministre Lassine Bouaré, le fait de mettre le président de la République et les ministres sous un même ordre juridictionnel, prête à confusion. Cela au regard du fait qu’ils ne sont pas désignés de la même manière et ne prennent pas fonction dans les mêmes conditions. «Le président de la République est élu, il prête un serment avant sa prise de fonction, alors que les ministres sont nommés et ne prêtent pas de serment, dans ces conditions la tâche de la Haute Cour de Justice sera difficile lorsque ces deux corps sont mis dans la même case » a affirmé Lassine Bouaré au même titre d’autres intervenants, dont l’honorable Idrissa Sangaré de la Commission Loi de l’AN.
Pour le bon fonctionnement de cette institution spécifique, les experts proposent qu’elle soit régie par une loi organique, à l’instar des autres institutions de la République, au lieu d’une simple loi ordinaire, la Loi N°97-001 du 13 janvier 1997.
D’autres propositions allant sur l’élargissement du domaine d’intervention de la HCJ aux présidents des Institutions de la Républiques, hauts magistrats et hauts cadres de l’administration publique ont été aussi formulées. Pour ce faire, à l’instar de nombreux autres pays, les participants ont demandé l’intégration des magistrats dans la structure de la HCJ et l’équité entre les députés de la majorité et de l’opposition dans sa composition.
Faire davantage connaître le rôle de la Haute Cour de Justice !
A l’issue des échanges, le président de la HCJ, honorable Abderhamane Niang a félicité les participants, notamment les experts et la presse pour l’intérêt qu’ils accordent à l’émergence de cette Institution. Dans cette perspective, il a promis que les observations et recommandations formulées seront insérées dans le document soumis à cet atelier.
« Il s’agit d’un exercice normal, habituel. Les membres de la Haute Cour de Justice sont considérés comme des juges parlementaires. Il est important qu’ils puissent renforcer leurs capacités afin de faire face à la mission aussi délicate que la nation leur a confiée » a-t-il affirmé. Que les questions abordées lors de cette retraite sont d’une importance capitale, car elles portent sur le statut de la Haute Cour de Justice du Mali. « Aujourd’hui au Mali, comme l’a dit le président de la République d’ailleurs, la Haute Cour de Justice est une épée de Damoclès des Hautes autorités de notre pays. Donc, comme il l’a dit également que nul n’est au dessus de la loi, la HCJ est donc là pour prévenir toute impunité, même des plus hautes autorités de ce pays » a déclaré le Pdt de la HCJ avant de préciser, contrairement à une opinion répandue que la Haute Cour de Justice n’enclenche pas de poursuite, elle juge. Par rapport au mode de sa saisine, il dira que c’est le PG près la Cour Suprême qui transfère toute plainte jugée recevable contre le président de la République ou les ministres à l’Assemblée Nationale afin que l’affaire soit jugée par la Haute Cour de Justice.
Moustapha Diawara, envoyé spécial à Siby