A trois mois des élections prévues par la Charte de la transition, le peuple malien retient son souffle car entre les sanctions prévues par la CEDEAO et les pressions de la communauté internationale, on se demande que vont bien pouvoir décider les autorités maliennes. En effet, coincées entre le marteau et l’enclume, car la majorité des maliens demeurant favorable à cette prorogation tant réfutée par l’ensemble des partenaires du pays, le gouvernement ânonne.
Faut-il se plier aux exigences de la CEDEAO et au demeurant respecter les engagements pris dans la charte de la Transition? Ou au contraire, faut-il faire fi des mécontentements et avancer sur la ligne nouvelle tracée afin de tenter une stabilisation du pays avant toute concertation populaire ? Et au-delà de l’argument de l’instabilité que prévaut actuellement, le bilan et les perspectives de cette transition justifient-ils un soutien inconditionnel des maliens ? Autant de questions qui suscitent une réflexion !
Dans la rubrique bilan, et les actualités quotidiennes du pays le prouvent à suffisance, les maliens sont satisfaits des actions posées depuis le « coup de réglage » intervenu pendant la présidence de N’Bah Dao. D’abord la question de l’impunité pour les délinquants financiers a été prise à bras le corps, quoique certains y voient une chasse aux sorcières destinée à mettre hors jeu les opposants. Une nouvelle loi a vu le jour, venant faciliter le recouvrement forcé des sous du contribuable.
Quant à la justice, pièce maîtresse de ce jeu et garante des libertés, elle a été exhortée à plus de transparence, d’indépendance et surtout d’intégrité. Elle ne peut se soustraire à ses devoirs les plus sacrés, la refondation du pays impliquant un engagement ferme de l’institution. Ensuite, ayant pris conscience des conséquences de la spirale inflationniste et donc de la cherté de la vie, des mesures concrètes (subventions de certaines denrées alimentaires et fixation de prix plafonds…) ont été prises par le Gouvernement.
Concernant le secteur de l’éducation nationale, les différentes rencontres avec les enseignants ont permis une sortie de crise qui aurait dégénérer et perturber l’année scolaire. Donc en dépit de la fermeture de plusieurs centaines d’établissements scolaires en zone de conflit, on peut espérer une année scolaire complète et réussie. A cela, il convient d’ajouter les différentes actions sociales, au grand bonheur de certaines populations en grande difficulté (alimentation en eau potable, les travaux de bitumage et autres infrastructures nécessaires pour faciliter le quotidien…).
En somme, la Transition a, semble-t-il, été sensible aux douleurs d’un peuple victime de mauvaise gouvernance pendant plus de 30 ans de démocratie. Cependant, la mission principale confiée aux autorités de la Transition, la sécurisation du pays, ne semble pas être couronnée de succès. Peut-être est-il trop tôt pour faire un pronostic mais on peut, à la lumière des événements récents, tenter de faire de la prospective. Si on se fie aux différentes attaques survenues dans les localités très proches de la capitale, on ne peut qu’admettre l’existence d’un risque imminent de dégringolade de la situation sécuritaire. Et aussi parce que, malgré l’acquisition de matériels sophistiqués et du renforcement des effectifs de l’armée nationale, le pays ne peut toujours pas envisager de se passer du soutien des armées étrangères, on peut se demander si le pouvoir actuel sera en mesure d’endiguer le problème sécuritaire avant une décennie. Mais puisque entre deux maux, il faut choisir le moindre, la restitution du pouvoir aux civils comporte des risques plus importants.
Finalement, surtout par méfiance à l’égard des politiciens qui n’ont fait que dépecer le pays depuis 1992, nous sommes tentés d’accorder un délai supplémentaire à cette Transition qui prouve, au quotidien, qu’elle a de la sympathie pour le peuple.
Dr DOUGOUNÉ Moussa