De l’indépendance à l’instauration de la démocratie en 1991, des efforts incontestables ont été faits pour la promotion de la femme et pour l’équité du genre au Mali. Dans cet article nous nous sommes intéressés à l’évolution de la situation de la femme dans le nouveau contexte de la mondialisation, de la démocratie et de la décentralisation
Les femmes maliennes, après 50 ans de lutte, font toujours face à de nouveaux défis aux plans régional et national, surtout à cause de la crise sécuritaire et ses impacts sur la famille.
Après 50 ans de lutte contre la colonisation et pour la défense des droits des femmes, les Maliennes ont organisé et participé à plusieurs rencontres aux niveaux régional et international sur les questions relatives à la promotion et au bien-être de la femme, à savoir les séminaires et rencontres sur la teinture et l’artisanat en 1964 à Conakry en Guinée; la protection de la mère et de l’enfant en 1965 à Bamako ; le problème de la participation de l’Africaine au développement en 1966 à Freetown, en Sierra Leone ; le rôle et la situation de la femme dans la société africaine au Congo ; la lutte contre l’analphabétisme en milieu féminin en 1970 à Khartoum, au Soudan ; les perspectives d’avenir d’un droit africain de la famille en 1970 à Tunis ; l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes et le problème de l’Apartheid en 1971 à Brazzaville, au Congo ; le rôle de la femme dans la lutte de libération et sa participation au développement politique, économique, social et culturel.
Cette dernière rencontre a débouché sur la création d’un fonds spécial d’aide aux mouvements de libération en 1972. A cela s’ajoutent, en 1967, le symposium de Moscou sur le rôle de la femme dans la société ; la Conférence des Nations Unies sur la femme à Mexico en 1975 qui a consacré la Décennie internationale de la femme de 1975 à 1985 ; la Conférence des Nations Unies sur la femme en 1980 à Copenhague, au Danemark ; la troisième Conférence internationale sur la femme à Nairobi au Kenya en 1985 ; la conférence mondiale des femmes et son programme d’actions en 1995 à Beijing, en Chine ; la conférence panafricaine sur la culture de la paix et de la non violence organisée par l’UNESCO à Zanzibar en 1999.
Il y a aussi l’appui principal fourni par l’OPF qui a vu l’élaboration de l’Agenda sur une culture de la paix et une déclaration de l’année 2000 décrétée année internationale pour une culture de la paix et de non violence. Sans oublier la participation de l’OPF aux sessions des Nations Unies sur la condition de la femme qui se tiennent annuellement à New-York. Toutes ces actions d’envergure pour la promotion des femmes et l’égalité des chances entre les sexes ont abouti à l’engagement de notre pays à travers des instruments juridiques régionaux et internationaux tels que la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) ; les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) ; le protocole de Maputo ; la Déclaration solennelle des Chefs d’Etat et de gouvernements de l’Union africaine sur l’égalité entre les hommes et les femmes en Afrique à Addis-Abeba et la Décennie 2010-2020 de la femme africaine.
En dépit de cette longue lutte, les femmes maliennes considèrent aujourd’hui que les résultats sont en deçà des attentes. Et malgré les multiples engagements pris par les autorités en faveur de l’égalité du genre, les conditions de vie des femmes maliennes restent encore précaires. Elles subissent la féminisation de la pauvreté, l’analphabétisme, la mortalité maternelle et infantile, le VIH-SIDA, le paludisme et les conflits de toutes natures, entre autres.
Si des progrès importants ont été faits en ce qui concerne la promotion de la femme, l’équité et l’égalité du genre sont loin d’être atteintes au Mali. Les pesanteurs socioculturelles entravent la promotion des femmes ; l’absence d’une véritable politique visant à garantir l’égalité effective des hommes et des femmes dans tous les domaines et surtout, l’application d’une politique de parité en matière de recrutement du personnel font défaut.
Mme DEMBELE Oulématou SOW:
” Le développement passe nécessairement par les femmes”
La promotion de la femme ne figure pas dans l’agenda des politiques. Elle se créé à l’occasion, elle ne fait pas l’objet d’une vision établie. Par conséquent, nous ne sommes pas dans une dynamique progressiste mais plutôt amateurisme et dispersée ” a t- elle déclaré. Toutefois, force est de remarquer qu’une prise de conscience généralisée est perceptible au niveau des femmes elles- mêmes, prêtes à défendre leurs intérêts pratiques et stratégiques. Aussi, l’augmentation du nombre de femmes intellectuelles est fortement appréciable. Reste maintenant un travail d’organisation et des actions solidaires et concertées pour un plaidoyer fort. Comme préoccupations des femmes, Mme Dembélé estime que leurs besoins doivent être pris en compte dans les domaines de l’éducation, la santé, l’accès à l’eau potable, la sécurité alimentaire, l’environnement, l’amélioration des conditions de vie (équipements domestiques), les besoins économiques (accès aux équipements productifs). Les besoins stratégiques sont la participation des femmes dans les sphères de décision ; l’amélioration des conditions des femmes dans la politique pour une meilleure participation à la vie publique et le renforcement des capacités des femmes.
Qui est Oulématou Sow ? Née en juin 1959 à Kayes, elle a vite compris que la femme mérite plus que ce qu’on lui donne. C’est ainsi qu’elle s’est engagée dans le développement qui passe par la promotion du genre. Oulématou a créé la FENACOF. Elle est ingénieur d’élevage spécialisée en développement local. Sortante de l’IPR de Katibougou avec un diplôme d’ingénieur des sciences appliquées spécialité élevage, elle est détentrice d’un Master en Décentralisation et Ingénierie du Développement Local de la Faculté des Sciences Juridiques et Économiques de l’Université de Bamako. L’épouse de l’actuel DG de la Douane est mère de quatre enfants. Elle s’est engagée pour promouvoir le genre. A partir de 1991, avec l’expansion des ONG, elle a intégré la Coordination des Associations et ONG Féminines (CAFO). Etant bien impliquée dans le débat, elle a eu à défendre la couleur féminine dans plusieurs associations notamment dans les ONG et structures gouvernementales.
Mme Gologo Aminata Diarra, Présidente des femmes de la CODEM : Etudiante a été arrêtée et est restée détenue 40 jours
Etant donné que les femmes constituent 51% de la population malienne, il est normal qu’une attention toute particulière leur soit accordée pour toutes les actions qui seront entreprises en faveur de cette population “. Mme Gologo a commencé la lutte avec l’avènement de la démocratie et du multipartisme intégral dans notre pays. C’est surtout suite à la révolte de l’AEEM en 1994 qu’elle a été arrêtée sur du faux, détenue pendant près de 40 jours par les autorités politiques de l’époque. C’est là qu’elle a compris finalement qu’il fallait se battre pour se faire entendre. Cette lutte a débuté avec la grève de la faim observée pendant des jours par l’ensemble des élèves et étudiants arrêtés, ce qui a enfin abouti à leur libération. Parlant des défis, Mimi estime qu’ils sont multiples notamment la scolarisation des filles, l’accès aux services sociaux de base, l’autonomisation des femmes, le renforcement des capacités des femmes, l’éradication de la pauvreté et de la faim, la participation de la femme au processus de développement économique et social, la lutte contre l’excision, le mariage forcé, les violences basées sur le genre et l’instauration de l’équité genre..
Née à Bamako il y a de cela 38 ans, celle qu’on surnomme affectueusement ” Mimi “ ou la Gazelle du Sahel, est sortie de l’Ecole Nationale d’Ingénieurs (ENI) comme ingénieur en génie civil qui sera plus tard étendu aux bâtiments et travaux publics. Mariée à l’ancien directeur de la fonction publique, la Gazelle du Sahel est mère de deux petits enfants. Toujours engagée dans la lutte, Mme Gologo continue d’étudier en préparant un Master en Audit et Contrôle de gestion. Comme beaucoup d’autres femmes, elle a eu à participer à plusieurs rencontres sur le genre.
Mme Coulibaly Fatoumata Diarra, présidente des femmes de la Poste : ” Les défis majeurs après la guerre reste la reconstruction rapide et durable du pays ”
Si je dois juger la promotion de la femme au Mali, je dirais que le statut de la femme a fait un grand pas aujourd’hui, d’autant plus qu’un ministère est même créé pour la promotion des femmes, de l’enfant et de la famille. Ensuite, il faut remarquer que nos sœurs sont présentes à tous les niveaux de la vie socio-économique, culturelle et politique. Certaines occupent des postes de responsabilité. Donc je pense que la femme malienne a beaucoup évolué. ” Mme Coulibaly est diplômée de l’Ecole Nationale des Postes. Elle est contrôleur des postes et assistante des affaires sociales à la Direction des ressources humaines de la poste. Depuis 2012, elle est la présidente de l’amicale des femmes de la Poste. La lutte de la postière a commencé depuis l’avènement de la démocratie au Mali.
Dossier réalisé par Fatoumata Mah Thiam KONE
Bonnes ou Domestiques de maison Les ” 52 ” ces damnées de la société qui pourtant maintiennent l’équilibre familiale
Communément appelées “52 “, ces employées de maison font le bonheur de plusieurs maitresses de maison. Malgré leur maigre salaire, elles contribuent à sauver des foyers au point qu’elles sont devenues indispensables. En quête d’un avenir meilleur, leurs conditions de vie restent à désirer dans la plus part des cas.
our ces jeunes filles, le chemin à parcourir reste encore long pour une amélioration de leur condition de vie et de travail. Pour l’instant, elles galèrent et ont du mal à avoir droit de cité dans la société. Ce jeudi 7 mars, il est environ 6 h, Kandia Traoré, employée de maison dans la famille Diallo située à Médina-coura, est la première à se lever. Teint noir, cette fille âgée de 16 ans est la bonne à tout faire. Pagne coupé au genou, tee shirt troué par endroits, mal coiffé, elle est déjà à l’œuvre. Son premier geste, chaque matin, nous confie la domestique, est de balayer la grande cour et la devanture de la maison.
A peine cette corvée terminée, elle s’affaire à allumer le feu pour préparer le petit déjeuner. Une demi-heure, elle ne se ménage pas, le visage trempé, elle s’active à préparer le bain des deux plus jeunes qui doivent aller au jardin. Soudain sa patronne sort de sa chambre et témoigne ” J‘ai embauché Kandia il y a 8 mois, elle fait son boulot convenablement. Je n’ai aucun problème avec elle. Et elle ne marque pas de répit. Elle entretient bien la maison et s’occupe des enfants avant que je ne revienne du travail”. Kandia ne connait ce que signifie le 8 mars. Même si pendant cette journée la majorité des femmes s’octroit une journée de repos. Kandia, qui travaille 7 jours sur 7, rêve un jour d’avoir son 8 mars comme toutes les autres femmes du monde. ” Je me repose lorsque je suis au lit ” sourit-elle, laissant apercevoir ses dents jaunes. Kandia comme la plus part des domestiques, reçoivent par mois entre 5 000 et 10 000 F CFA. Et cela peut varier selon des quartiers. La seule chose que Kandia regrette, c’est d’avoir quitter les bancs dès la troisième année. ” Si j’avais continué les études, peut être que je serais à une autre place ” confie t- elle avec un profond regret. Même si elle n’est pas maltraitée par sa patronne et qu’à la fin de chaque mois elle perçoit son salaire, Kandia demande seulement à voir droit à un meilleur traitement comme tous. Poussées par l’appât de gain pour se faire un trousseau de mariage, elles quittent leur village natal pour migrer dans les grandes villes.
Cette vie citadine au service des gros bonnets de la place n’est pas des plus agréables pour ces femmes. C’est pourquoi, ce n’était au départ qu’une aventure se mue le plus souvent en mésaventure. Le cas de ces filles mérite de meilleures attentions de la part des organisations féminines.
Ramata TEMBELY