7ème anniversaire de la signature de l’Accord d’Alger : Des avancées en dents de scie

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Des responsables de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) ont organisé, le lundi 20 juin, une conférence de presse à Bamako. Il s’agissait pour eux de tirer un bilan des sept ans qui ont suivi l’accord d’Alger signé en 2015 dont les objectifs en faveur du retour de la paix n’ont toujours pas été atteints.

Selon eux, le seul point positif à mettre à l’actif de cet Accord pour la paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, c’est le fait qu’il n’y a plus de belligérance entre les parties signataires. En effet, la cessation des hostilités est respectée par toutes les tendances (CMA, Plateforme et gouvernement). Hormis cela ils ont déploré qu’aucune autre avancée n’a été constatée. Pire, la situation s’est même détériorée avec l’insécurité qui n’a cessé de gagner du terrain.

Pourtant, en sept ans de mise en œuvre la quasi-totalité des organes et mécanismes prévus par l’Accord ont été installés. Il s’agit entre autres du Comité de Suivi de l’Accord, du Conseil National pour la Réforme du Secteur de la Sécurité, de la Commission National DDR, de la Commission National d’Intégration, du Mécanisme Opérationnel de Coordination, des autorités intérimaires, etc. Toutefois, les dividendes de la paix censés être apportés par la mise en œuvre de l’Accord se font toujours attendre. Pire, la situation surtout sécuritaire n’a cessé de se détériorer.

A cela s’ajoute le fait que nombreux sont les Maliens hostiles à cet Accord estimant qu’il s’agit d’ « une camisole de force » censée conduire à une partition du pays. C’est dans cette situation qu’intervient un autre débat qui n’a toujours pas été tranché à propos de l’avenir de cet Accord. Si dans certains milieux même proches du haut sommet de l’Etat, on évoque de plus en plus l’idée d’une relecture ou d’une révision « intelligente » de ce document, d’autres plaident pour son abandon pur et simple. Ce qui n’est pas de l’avis des mouvements armés et même de la Communauté internationale où l’on ne parle que d’une « mise en œuvre intégrale ». Finalement, l’expression que l’on entend le plus c’est « une application intelligente ».

Manque de confiance entre les parties signataires

Par ailleurs, il faut aussi dire que la mise en œuvre de l’Accord a également connu des entraves à cause de l’environnement politique du pays marqué par des tensions et des instabilités ayant conduit à deux coups d’Etat le 18 août 2020 et le 24 mai 2021. De plus, en dépit des mesures prises, le manque de confiance entre les parties signataires a persisté surtout avec la Transition actuelle. Un état de fait qui s’explique par le fait que chaque camp ne cesse de se renforcer.

Autant du côté de l’Etat (ce qui pourrait paraître compréhensible) l’attention est mise sur l’équipement et le renforcement des effectifs de l’armée, autant les autres parties signataires à savoir les mouvements armés on assiste aussi à des nouveaux recrutements et des démonstrations de force pour exposer tout type d’armement. Aussi, la réorganisation des mouvements signataires autour d’un nouveau regroupement dénommé « Cadre Stratégique Permanent » (CSP) qui a vu le jour depuis mai 2021, a sans doute davantage remué le couteau dans la plaie.

La création de ce regroupement a été la principale raison du blocage des travaux du Comité de Suivi de l’Accord (CSA) qui ne s’est plus réuni en session ordinaire depuis le mois d’octobre 2021. On se souvient que lors de cette session (45e du genre) le ministre de la Réconciliation nationale avait demandé aux diplomates de ne plus recevoir les membres du CSP. A leur tour, les mouvements armés membres du CSP avait suspendu leur participation aux travaux de mise en œuvre de l’Accord conditionnant leur retour au limogeage du ministre de la réconciliation. Les différentes initiatives visant à les rapprocher resteront vaines.

Il aura fallu attendre au mois de février 2022 avec l’intervention de l’ONG italienne « Ara pacis initiative » pour voir les différentes parties en conflit être invitées à Rome pour la signature d’un protocole d’accord prévoyant une entrée de l’Etat au sein du CSP. Toutefois, la réunion tenue en mars dernier à Gao pour entériner cette décision a encore accentué les divisions. En effet, outre son entrée au sein de ce nouveau regroupement, le ministre de la Réconciliation voulait aussi en prendre les rênes. C’est ainsi qu’il a même écourté sa participation aux travaux de cette réunion après que Bilal Ag Acherif ait remis la présidence du CSP à Fahad Ag Almahamoud.

Le processus DDR au point mort

Depuis lors, c’est le blocage total de la mise en œuvre de l’Accord bien que les parties signataires ne cessent de réaffirmer leur attachement à ce document. Parmi l’une des dispositions phares de cet Accord qui n’a plus connu d’évolution c’est le processus Désarmement, Démobilisation et Réinsertion censé conduire à l’opérationnalisation de l’Armée reconstituée où toutes les sensibilités seront représentées.

Dans ce volet, il avait été prévu d’achever ce qui a été convenu d’appeler « DDR-intégration accéléré ». Une démarche consistant à intégrer au sein des forces armées nationales les ex-combattants qui sont déjà membres du Mécanisme Opérationnel Conjoint (regroupant toutes les parties signataires). A cet effet, il avait été proposé 3000 ex-combattants. Actuellement, seuls 1765 ont pu être intégrés dans les rangs des FAMa. Aussi, au cours de la session du CSA tenu en octobre, l’Etat s’était engagé à mettre en œuvre ce qui a été convenu d’appeler le « le DDR global » consistant au recrutement de 26 000 ex-combattants en deux tranches au sein des FAMa. Ce processus n’a même pas encore démarré.

La réunion de haut niveau qui ne s’est toujours pas tenue

Notons que toutes ces décisions devaient être entérinées au cours d’une réunion décisionnelle de haut niveau qui devait se tenir depuis janvier dernier. La dernière tentative en date remonte au 13 juin dernier, sans succès. Pourtant, outre ces décisions, il était également attendu de cette rencontre le règlement du point litigieux à savoir l’attribution de postes et de grades spécifiques de haut niveau aux principaux chefs militaires des mouvements signataires ; le redémarrage de la réintégration socioéconomique de catégories particulières d’ex-combattants et de femmes associées aux groupes armés désignés dans les cinq régions du nord ; un consensus sur les réformes politiques et institutionnelles en suspens ; le lancement des 16 projets approuvés au titre du fonds pour le développement durable.

Des points essentiels qui marqueront une avancée significative sinon le parachèvement même de la mise en œuvre de l’Accord. Toutefois, il va falloir encore attendre que les parties signataires recommencent à se parler pour penser à ces étapes décisives. Il est important de rappeler que lors de la première phase de la transition entamée depuis août 2020, les autorités s’étaient engagées à parachever la mise en œuvre des grands axes de cet accord avant la fin de cette période. A l’allure où les choses évoluent, cette volonté risque de se transformer en une véritable illusion.

Cheick B CISSE

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