Déclaration de Monsieur Mamoudou KASSOGUE, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux à l’occasion du dialogue interactif sur la situation des droits de l’Homme au Mali, lors de la 52ème session du Conseil des droits de l’Homme à Genève.
Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs,
Je voudrais, à l’entame de mon propos, adresser mes chaleureuses félicitations aux membres et observateurs du Conseil ainsi qu’à toutes les autres parties prenantes, pour leur engagement, en faveur de la promotion et de la protection des droits de l’Homme.
Ma délégation prend note du rapport de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’Homme au Mali. Je souhaite à présent apporter quelques observations.
En observation générale, je déplore l’approche d’ensemble du rapport, qui est essentiellement à charge, notamment lorsqu’il évoque, à plusieurs reprises « la dégradation rapide et continue de la situation sécuritaire particulièrement au Nord et au Centre du pays, qui semblent échapper au contrôle des autorités maliennes ».
Cette affirmation, répétitive, ne tient pas compte des nombreux efforts déployés et des avancées notables réalisées en matière de sécurité ainsi que dans le domaine de la protection et la promotion des droits de l’Homme.
A ce sujet, l’Expert indépendant reconnait la baisse des cas de violations des droits de l’homme, ce qui, en toute cohérence, est à mettre à l’actif de l’amélioration de la situation sécuritaire, grâce à la montée en puissance des Forces de défense et de sécurité maliennes.
Par ailleurs, il est regrettable de constater que les éléments factuels et objectifs communiqués par le Gouvernement du Mali n’ont pas été pris en compte, toute chose qui interroge sur le respect des procédures élémentaires, qui caractérisent une démarche participative.
- Monsieur le Président,
De manière spécifique, l’Expert indépendant mentionne un « défi persistant de l’impunité ». A cet égard, je tiens à souligner que plusieurs mesures ont été prises par les autorités maliennes pour lutter contre l’impunité, dans le cadre de la politique de tolérance zéro contre les exactions.
Dans cette dynamique, le Gouvernement regrette profondément que le rapport insinue un manque de volonté politique ou une incapacité de l’Etat à mener des poursuites.
Poursuivant dans ce chapitre, les autorités de la Transition sont résolues de mettre un terme à l’impunité comme l’atteste la tenue, courant les années 2021, 2022 et 2023 de plusieurs sessions spéciales d’assisses pour juger les cas de violations graves des droits de l’Homme.
Il faut noter, en outre, la lutte déterminée contre l’esclavage par ascendance contre lequel des mesures énergiques ont été prises, dont la disponibilité d’un avant-projet de loi spécifique de répression de l’esclavage et la tenue d’une session spéciale de la Cour d’assises à Kayes en mars 2023 qui a jugé près de 100 personnes.
L’engagement résolu du Gouvernement ne fait l’objet d’aucune faille lorsqu’il s’agit de poursuivre et punir les auteurs de cas avérés de violations des droits de l’homme. Nos actions en faveur du respect des droits de l’homme ne sont entravées que par des contraintes objectives dont la nature complexe du terrorisme auquel mon pays fait face depuis 2012, suite à l’intervention hasardeuse en Libye et liées par exemple à l’absence d’information portée à la connaissance des autorités judiciaires compétentes.
Malgré ces contraintes réelles, les poursuites sont systématiquement engagées chaque fois que des allégations crédibles de violations graves des droits de l’homme sont portées à la connaissance de la justice militaire ou des juridictions de l’ordre judiciaire.
Poursuivant les observations spécifiques, je réfute l’accusation de « stigmatisation de certaines communautés lors des opérations militaires des Forces armées maliennes » contenue dans le rapport et je rappelle, si besoin en était, que l’armée malienne est républicaine, professionnelle, multiethnique et parfaitement consciente de sa responsabilité première de protection de toutes les populations maliennes.
- Monsieur le Président,
Abordant la thématique du présent dialogue, à savoir le rétrécissement de l’espace civique, je voudrais préciser que l’espace démocratique au Mali ne souffre d’aucune forme de restriction. La liberté d’expression et d’opinion demeurent des droits constitutionnels garantis au Mali.
A l’instar des autres pays, l’exercice des libertés civiques, tout comme les autres libertés fondamentales, est encadré au Mali par la loi en vue de protéger les droits de la personne humaine et de préserver l’ordre public.
Comme vous le savez, le respect des droits des citoyens maliens est attentivement suivi par la Commission Nationale des Droits de l’Homme, structure indépendante qui agit sans aucune complaisance et dont, je salue au passage, l’admission au Statut « A », gage de son professionnalisme.
Au titre des réformes politiques et institutionnelles, je rappelle que sous l’impulsion de S.E. Le Colonel Assimi GOITA, Président de la Transition, Chef de l’Etat, un chronogramme des réformes politiques et électorales a été adopté de manière inclusive et transparente avec l’implication de toutes les forces vives de la Nation et des partenaires comme la CEDEAO, l’Union Africaine et les Nations Unies.
La promulgation de la loi électorale, élaborée dans une démarche participative réunissant les partis politiques et les organisations de la société civile, ainsi que l’élaboration du projet de nouvelle Constitution s’inscrivent dans le même cadre.
- Monsieur le Président,
S’agissant de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, je puis vous assurer que le Gouvernement reste engagé dans sa mise en œuvre diligente et intelligente, malgré les difficultés actuelles.
Relativement à la situation dans les régions du Centre, le climat sécuritaire s’améliore progressivement grâce à la montée en puissance des Forces Armées Maliennes. Nous enregistrons le retour des réfugiés, des déplacés internes, de l’administration et des services sociaux de base à travers la mise en œuvre de nombreux projets et programmes.
Dans le cadre de la justice transitionnelle, le Gouvernement du Mali a approuvé une politique nationale de réparation et son plan d’action 2021-2025, fixé les règles générales relatives à la réparation des préjudices causés par les violations graves des droits de l’Homme et créé une Agence dédiée à cette réparation.
- Monsieur le Président,
La lutte contre les violences basées sur le genre est une autre priorité du Gouvernement qui s’inscrit dans le vaste chantier des reformes de la Justice. A cet égard, des efforts ont été faits et d’autres sont en cours en vue d’améliorer les réponses juridiques et judiciaires.
Toujours dans le cadre des mêmes réformes, il a été créé la Direction nationale des Droits de l’Homme ; un Pôle national Economique et Financier ; une Agence de Recouvrement et de Gestion des Avoirs saisis ou confisqués ; et un Pôle judiciaire spécialisé de Lutte contre la Cybercriminalité.
- Monsieur le Président,
- Mesdames et messieurs,
Pour terminer, le Gouvernement du Mali réaffirme sa ferme volonté de poursuivre sa coopération avec tous les mécanismes des droits de l’Homme, tout en s’opposant à la politisation et l’instrumentalisation des droits de l’homme.
A cet égard, le Mali soutient le mandat de l’Expert indépendant tout en l’encourageant à inscrire sa démarche dans une dynamique constructive.
Je vous remercie de votre aimable attention !
Source: Nouveau Courrier