La 4ème audience publique de la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR) s’est tenue le samedi 18 septembre 2021 au Centre international de conférence de Bamako (CICB) sur les «Atteintes au droit à la liberté, atteintes au droit à la vie et disparitions forcées ».
La cérémonie d’ouverture a été présidée par le ministre de la Réconciliation nationale, colonel-major Ismaël Wagué, en présence du président de la CVJR, Ousmane Oumarou Sidibé.
Les audiences publiques, qui ont débuté en 2019, servent de cadres aux victimes pour exprimer leurs souffrances et instaurer un dialogue national sur les graves violations des droits humains qu’elles ont subies. Elles contribuent également à faire connaître la vérité et à jeter les bases de la réconciliation nationale.
Parmi les 17 victimes réparties en 13 témoignages recueillis, il y en a quelques-uns dont le récit est attendrissant. C’est le cas de Mme Hawa Doumbia, commerçante, veuve résidant à Gao.
Elle raconte : « J’ai 2 enfants, une fille et un garçon handicapé marié aussi à une femme handicapée. Mais je suis venue parler de l’histoire de ma fille qui s’est passée le 15 avril 2015, mariée à l’époque et mère de 2 enfants.
Ce jour-là, c’était à l’approche des examens lorsqu’elle était sur le toit de la maison, très tôt le matin, un engin explosif est subitement tombé dans ma maison et la maison voisine, accompagné d’une très grande détonation.
Soudain, j’entends ma fille crier mon nom qu’elle avait perdu ses jambes. Directement, j’ai piqué une crise et à mon réveil, j’ai été informée qu’elle avait été amenée à l’hôpital où je l’ai trouvée déjà au bloc. Et, Dieu merci, les soins ont été pris en grande partie par la GIZ.
Ma fille, une fois amputée, je ne cessais de pleurer à l’idée d’avoir une famille de handicapés, mais aussi parce qu’elle était également la seule à m’aider à supporter les charges familiales jusqu’au 2 mai, où elle rendra l’âme après d’insupportables douleurs.
Dans la famille voisine, l’amie de ma fille est aussi décédée sur le champ et un autre petit garçon touché là-bas avait les intestins totalement dehors. Je demande donc aux personnes de bonne volonté de m’aider à cause de Dieu, car je prends de l’âge et je n’ai rien ni personne pour nourrir ma famille ».
Alfousseini Diaby, enseignant, a parlé de l’histoire de son frère jumeau Alhassane. « Le samedi 3 décembre 2011, 17h 50, à Kidal, des hommes en tenue sont apparus chez nous sans raison. Je leur parlais quand mon frère est également sorti leur demandant ce qui se passait. Directement, ils ont tiré sur lui, le mettant dans une mare de sang. J’ai donc sauté un mur pour prendre la tangente, quand ils ont commencé à tirer sur moi aussi ».
Après s’être vraiment rassuré qu’ils étaient repartis, je suis allé trouver mon frère sans vie. Depuis ce jour, je ne vis plus, car l’autre partie de moi s’en est allée à jamais. Surtout à chaque fois que je vois sa femme et ses enfants, qui ne savent toujours pas que leur père est mort à cause de notre grande ressemblance. Alors, notre père, avant sa mort, toute la famille et moi, demandons justice…».
Il y a également le cas d’Amadou Guindo, commerçant, marié à 2 femmes et père de 15 enfants, et vivant à Darsalam dans le cercle de Bankass. « Mon village a été attaqué en 2019 à 5 heures du matin par des groupes armés, causant la mort de 6 personnes. Ce jour-là, mon père a été touché à la tête, mon fils de quelques années a été touché au niveau du ventre avec les intestins qui traînaient par terre. Ils sont tous les deux morts, et ma femme également enceinte de 9 mois, touchée au ventre.
Depuis ce jour, nous avons tout perdu ; nos biens ont été détruits et on ne sait plus comment faire pour cultiver. Nous interpellons donc les autorités pour la sécurité de notre localité en lançant également un cri du cœur pour avoir de quoi pouvoir survivre et pouvoir aller dans nos champs».
Mantan Koné