La troisième audience publique non judiciaire organisée par la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR) s’est tenue, le samedi 03 avril 2021 au CICB. C’était sous la présidence du Premier Ministre, Moctar Ouane, en présence du Président du CVJR, Ousmane Sidibé, et du représentant des associations des victimes, Abdrahamane B. Maïga. Plusieurs familles ont fait le récit de la disparition forcée de leurs pères, frères, époux, enfants, lors de ce moment de vérité. En clair, les familles pardonnent, mais n’oublient pas, parce qu’elles cherchent toujours des réponses.
Après la tenue de la première audience du 08 décembre 2019 qui a porté sur « les atteintes au droit à la liberté » et la deuxième audience du 05 décembre 2020 sur « les atteintes au droit à la vie, torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants », la troisième audience a porté sur « les crimes de disparitions forcées ». Il s’agissait de 14 témoignages dont deux femmes et deux collectifs de 1960 à nos jours. Tour à tour, les victimes ont partagé leurs récits lors de cette audience qui a commencé avec les témoignages des familles de Hamadoun Dicko, de Fily Dabo Sissoko, Marba Kassoum Touré et d’Abdoul Karim Camara dit Cabral. Ces deux témoignages collectifs se situent entre juillet 1962 à Bamako et 1964 à Kidal ainsi que mars 1980 à Bamako.
C’est le fils de Marba Kassoum Touré, Mamadou, qui a ouvert la voie en affirmant que son père ne s’est jamais opposé au franc malien. Selon lui, ce dernier avait même commencé à échanger les FCFA qu’il avait. A l’en croire, à la veille de l’arrestation de son père, une délégation venue de la présidence lui a remis la somme de 100 000 comme cadeau. Un cadeau empoisonné parce qu’il s’est révélé que c’étaient de faux billets lors de la perquisition matinale de la police. Expliquant les circonstances du procès de son père, Il dira qu’il a été jugé sans avocat par un tribunal illégitime dit populaire. A ses dires, au cours de l’audience, son père a juste émis le souhait que le Président Modibo Keïta vienne expliquer les raisons de son arrestation et la libération des autres commerçants, même condition d’arrestation que leur ami en commun. Ainsi, les deux compagnons de longue date, Fily Dabo Sissoko et Hamadoun Dicko se sont connus à Bafoulabé et seront, plus tard, élus ensemble députés en 1958, selon El hadj Boua Kanté Sissoko, fils de Fily Dabo. Ainsi, ils seront arrêtés, jugés et condamnés à la mort par le tribunal populaire le même jour que Kassoum Touré ; ils seront transférés au bagne de Kidal. Expliquant le destin tragique qu’a connu leurs parents, Oumar Hamadoun Dicko a fait savoir que son père et Marba Kassoum n’étaient pas à la marche du 22 juillet 1962, mais qu’ils seront arrêtés chez eux par des militaires après avoir tout cassé au passage. « J’avais six ans et depuis, je n’ai plus vu mon père Hamadoun Dicko », a-t-il déclaré. Tout en ajoutant que pendant un mois, personne n’osait rentrer dans leurs maisons à part quelques amis. Cependant, il a affirmé qu’ils subissaient des tortures chaque matin à la prison pour un crime qu’ils n’ont pas commis. « Malgré les interventions des présidents De Gaulle, Houphouët, Ould Dada, Léopold Sedar Senghor et beaucoup d’autres, Modibo Keïta a refusé leur libération. Et finalement ils seront transférés à Kidal pour les travaux forcés à perpétuité. Alors qu’ils avaient espoir d’être libérés, une commission restreinte a décidé de leur élimination», a-t-il souligné. Selon lui, à la date du12 février 1963, un message a été envoyé par rack, ordonnant au commandant de la zone militaire de Kidal à l’époque, Dibi Sylla Diarra, en ces termes : « faites voler définitivement les trois oiseaux ». Expliquant les conditions d’exécutions de leurs parents, il dira que ce jour, après une longue route entre Boureissa et Tessalit, les prisonniers seront exécutés par un peloton dirigé par Jean Bolon Samaké, un élève recruté par Fily Dabo quand il était en fonction à Ouéléssébougou. Ils seront enterrés dans une fosse commune creusée par Hamadoun Dicko. « Le gouvernement de l’époque n’a pas voulu informer les familles des victimes. Et c’est en juin 1964 qu’une délégation est venue nous expliquer que lors d’un transfert de prisonniers, des rebelles ont attaqué le convoi et les trois prisonniers sont morts », a-t-il précisé. Aujourd’hui, les enfants des trois victimes ont pardonné, mais ils n’ont pas oublié, car ils cherchent des réponses et sollicitent de l’Etat des funérailles nationales et une reconnaissance des lieux du crime pour qu’ils puissent faire leurs deuils.
S’agissant du second témoignage collectif, il a été fait par les frères du leader estudiantin, Abdoul Karim Camara dit Cabral, assassiné en mars 1980, il y a 41 ans. Ses proches sont toujours à la recherche de son corps pour pouvoir faire leur deuil. Ses frères, Mamadou Bassirou et Farouk Camara, ont tenu à évoquer la disparition forcée de leur cadet. Etudiant à l’étranger tous les deux au moment des faits, c’est dans le journal, le monde, qu’ils ont appris l’assassinat de leur petit frère. Et, selon Mamadou Bassirou, « tout a commencé le 10 mars 1980. Ce jour, pour retrouver Cabral, notre mère ainsi que notre grand frère Mamadou Camara ont été arrêtés à domicile. Après des interrogatoires, ils seront relâchés, le 13 mars avec l’ordre d’aller chercher Cabral ». Au dire du grand frère, quelques jours plus tard, ils seront à nouveau arrêtés cette fois avec leur grande sœur. Au 2ème arrondissement de Bamako, selon lui, sa sœur a été torturée et violée pour qu’elle leur dise ou se trouve Cabral. C’est chez un cousin tailleur qu’elle conduisit les enquêteurs. Ce dernier, torturé à son tour, les amène à Massala, un village situé à la frontière Mali-Guinée. « C’est là-bas que Cabral sera arrêté et gardé au commissariat. On l’oblige à faire une déclaration mettant fin aux émeutes estudiantines. Malheureusement, il ne sera pas relâché. Le 17 mars, on apprend après qu’il est transféré au Camp para. Et depuis, nous n’avons aucune nouvelle de lui », a-t-il déclaré. « On nous a dit que Cabral est enterré à Lafiabougou, un endroit où personne n’a été enterré. Une autre confidence nous a dit que son corps a été transporté au nord. On a rencontré presque tous les régimes pour connaître sa tombe. Mais ils ne nous ont jamais dit la vérité », a-t-il déploré. En outre, il dira qu’ils ont pardonné jusqu’au dernier de leur, mais qu’ils n’oublient pas et qu’ils ont juste demandé à connaître l’endroit où leur frère est enterré. « Il s’agit pour nous de faire son deuil. Depuis plus de quarante ans, nous sommes à la recherche du corps de notre jeune frère. On se pose la question où est-ce qu’il a été jeté », a conclu Mamadou Bassirou.
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Les sévices contre les autres est purement africains, surtout pour ceux qui ont exercé le pouvoir; même tout de suite nos gouvernants font les mêmes comportements dont les résultats serons connus dans quelques années. Nous irons de crimes en crimes sans aucune équivoque, de génération en génération. Le Mali est comme un espace pétri de malédictions, si ce cas est vrai, le développement d’un tel pays ne posera que des problèmes. Il faut un méa cupa de ses fils et filles qui ont dirigé ce pays depuis la nuit des temps, pourtant, ils sont connus car ils ne sont pas nombreux, le peuple malien les connait depuis toujours. Quel est ce régime qui n’a pas fait des victimes, parfois nous transformons ces victimes en bourreaux et cela est impardonnable de la part d’Allah le tout puissant. Quel est ce malien issu de la basse et moyenne couche qui n’a pas été victime d’une injustice ou d’une impunité? Cela est indéniable aujourd’hui, même ceux qui sont issus de la haute couche, mais déchus, subissent les mêmes injustices et les mêmes impunités, il suffit de chuter du haut vers le bas.
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