Drissa dit Idi Coulibaly, Président de l’Association Plus jamais çà
«Tout n’a pas été positif»
C’est le soulèvement populaire du 26 mars 1991 qui a provoqué la chute du Général Moussa Traoré. Il y a eu une lueur d’espoir avec l’avènement de la démocratie dans notre pays. Puis il y a eu la première élection libre et démocratique, en 1992. Mais, de 19992 à nos jours, on ne peut pas dire que tout a été positif. Sur le plan infrastructures, hôpitaux, écoles, c’est la qualité qui fait cruellement défaut.
Mais, en ce qui concerne l’éducation, c’est un échec total. Nous souhaitons que les nouveaux dirigeants tiennent compte de cet échec. Concernant la gouvernance, il y a encore beaucoup à faire et les différents gouvernements qui se sont succédé n’ont pas trouvé de solution. Le chômage, quant à lui, va grandissant. La stabilité politique, la sécurité, la justice, rien n’a marché. Dans le domaine de la coopération internationale, par contre, il y a eu des avancées.
Il est bien vrai qu’en démocratie, un coup d’Etat n’est pas une bonne chose, mais celui du 22 mars est survenu à un moment où l’Etat avait atteint ses limites. Aujourd’hui, on a plus besoin de discours pour le changement. Il faut que les politiciens nous présentent leurs programmes et que la société civile joue son rôle. On a trop laissé faire les politiciens. C’est ce coup d’arrêt qui nous a montré que nous étions au bord du gouffre. Sous ATT, tout le monde était au gouvernement, il n’y avait pas d’opposition. Pour un nouveau départ, il faut offrir un bonne éducation à la jeunesse, apporter de grands changements au niveau de la justice, intensifier la lutte contre la corruption et en finir avec l’impunité.
Je demande à la jeunesse d’éviter la facilité. Le rôle de la jeunesse étant incontestable, Il faut qu’elle travaille pour le pays. Les 20 années écoulées nous ont montré qu’on s’était laissé faire. Il ne faut plus que la jeunesse entre dans le jeu des politiques. Quant à la crise socio sécuritaire que traverse notre pays, le discours ne peut être que celui de la paix, car Il ne faut pas que le problème du Nord divise pas notre société.
Diawara Massaoulé, Etudiant en sociologie
«Un bilan mitigé»
Le 26 mars, quel bilan de 1991 à aujourd’hui? A mon humble avis, le 26 mars nous a servi à quelque chose, mais pas assez. Dans l’esprit du 26 Mars, le peuple voulait une démocratie pour tous, Mais, aujourd’hui, la démocratie n’a servi qu’à un groupuscule de personnes. A quoi a servi la démocratie alors qu’il n’y a pas d’autosuffisance alimentaire? Un peuple affamé ne peut pas se développer. L’éducation vit un drame national, personne n’y apporte de solution. Le chômage va grandissant, les services de santé sont dans le marasme et la liberté d’expression est limitée. A quoi a donc servi la démocratie que nous pratiquons depuis 1992? Tout ce que l’on a remarqué, c’est que chacun vient pour s’enrichir.
Mais, quelque part, la démocratie a favorisé l’avènement du multipartisme. Le 26 mars 1991 nous a permis de comprendre beaucoup de choses, de voir les limites des acteurs politiques, de situer les responsabilités des gouvernants et des gouvernés dans un système démocratique. Malheureusement, les partis politiques n’ont pas pleinement joué leur rôle. Ils n’ont pas suffisamment expliqué à la population ce que c’est que la démocratie. Quelque part, les leaders politiques sont responsables de la crise actuelle. Ils n’ont pas dit la vérité à ATT. Bien au contraire, tous ceux qui entouraient le Président étaient beaucoup plus préoccupés par leur propre enrichissement personnel.
Me Amadou Tiéoulé Diarra, Avocat à la Cour
«Les formations politiques à la pointe de la lutte ont freiné les avancées démocratiques»
Nous sommes dans un processus de transformation depuis 1991. Il ne faut pas que les gens l’oublient. Même ce qui est arrivé le 22 mars 2012 est un processus. Il faut que nous gardions la tête froide. Maintenant qu’il va être question de rebâtir l’Etat, il faudrait que nous gardions tout le Titre premier de notre Constitution. C’est fondamental. Les autres remue-méninges vont concerner les questions sociales, notamment les questions politiques. Il faudrait que nous nous remettions en cause, par ce que le 26 mars 1991 a apporté un diable qui risque de nous phagocyter, à savoir l’éclosion des formations politiques. Certes, ça été un boum pour aller de l’avant, mais, en même temps, l’éclosion de ces formations politiques a été une entrave à la bonne marche de la démocratie au sens qualitatif. Nous avons tout vu. Les formations politiques, au lieu de nous amener vers l’avant, ont été des facteurs de retard, des facteurs de remise en cause. Les formations politiques qui étaient à la pointe de la lutte ont été les formations qui ont freiné les avancées démocratiques. Ce qui fait aujourd’hui que, si l’on fait un bilan du 26 mars 1991 en 2013, eh bien, pour l’éclosion des idées, nous y avons gagné, en fait en apparence. En réalité, il faudrait que nous repensions les choses.
Adama Coulibaly, Diplômé sans emploi
«Les démocrates de 1991 ont menti au peuple»
Je suis au regret de constater que le coup d’état du 22 mars 2012 est venu porter un coup d’arrêt à notre processus électoral. Mais je suis aussi conscient que ce qui est arrivé au Mali en mars 2012 est la preuve de l’échec de la classe politique qui nous a gouvernés ces 20 derniers années. Il faudrait faire l’état de la nation pour situer les responsabilités. Le Mali n’est jamais tombé si bas. Dans tous les secteurs d’activité, c’est le règne de la corruption, de la délinquance financière, du népotisme, du clientélisme et de l’affairisme, le tout cautionné par une impunité jamais égalée au Mali. Les démocrates n’ont-ils pas décrié ces maux en mars 1991? Je pense sincèrement que les démocrates de 1991 ont menti au peuple. Le temps de la remise en cause est venu et tous les Maliens doivent ouvrir les yeux, pour amener un changement à la tête du pays à la faveur de la prochaine présidentielle.
Ibrahima Fomba, Enseignant
«Les défis sont énormes»
Il y a des acquis, qu’il faut renforcer. La liberté de la presse et d’opinion sont aujourd’hui des réalités au Mali, même si certains peuvent soutenir qu’elles ont été sérieusement entamées depuis les évènements du 22 mars 2012. En plus de ces libertés, la floraison des partis politiques atteste à suffisance que l’ouverture démocratique, qui était l’une des exigences du mouvement démocratique, est aussi une réalité. L’arbre ne doit pas cacher la forêt. Les défis sont énormes et il faut qu’on se remette en cause, en tirant de façon responsable les leçons de ces 22 ans de pratique démocratique. La situation que nous vivons aujourd’hui est la conséquence du système de gouvernance instauré dans notre pays ces dernières années. A mon avis, si nous voulons aller de l’avant, il nous faut casser ce système pour qu’il y ait enfin plus de justice sociale. Cela passe nécessairement par un renouvellement de la classe politique. Je pense que c’est à ce seul prix qu’on peut relever les défis qui se posent à notre pays.
Mamadou Koné, Commerçant au grand marché
«C’est le 26 mars qui nous a amené le développement»
Le 26 mars a été une très bonne chose pour le Mali, puisqu’en effet notre pays avait besoin d’un grand changement. C’est le soulèvement du 26 mars qui nous a amené le développement. En commençant par la construction des infrastructures routières modernes, l’amélioration de l’agriculture, la multiplication des centres de santé et le renforcement de la coopération internationale. Bref, le but était d’œuvrer dans le sens de l’amélioration du niveau de vie des Maliens.
Mme Sy Fadima, Enseignante
«Nous saluons notre armée»
Ce sont les deux régimes démocratiques qui se sont succédés qui nous ont mis dans le gouffre où l’on se trouve aujourd’hui. Certes, il y a eu quelques avancées: les fonctionnaires sont payés à temps, l’amélioration du système de santé, la construction des infrastructures routières et quelques réalisations dans plusieurs domaines. Par contre, sur le plan politique, aucune stabilité. Nous avons été bernés par les politiciens, qui nous ont présenté une démocratie de façade. La liberté d’expression pour moi n’est pas le seul aspect de la démocratie.
Ce sont ces mêmes politiciens malhonnêtes qui ont amené le pays où on en est aujourd’hui, en commençant par le dysfonctionnement du système éducatif à tous les niveaux depuis l’avènement de la démocratie. Ce qui nous arrive aujourd’hui est la conséquence directe de ce qui a été planifié par les deux régimes démocratiques.
Souleymane Kouyaté, Gérant de télécentre
«Il y a eu des hauts et des bas»
Le 26 mars marque la date de l’installation de la démocratie au Mali. Pendant les dix premières années, il y a eu du progrès. Mais, au cours des dix ans qui ont suivi, les Maliens ont finalement compris qu’ ATT n’avait fait que tromper le peuple, alors que le pays s’enfonçait dans le gouffre. Le 26 mars n’aura servi qu’à ouvrir les yeux aux Maliens. En somme, pour moi, de 1991 à 2013 il y a eu des hauts et des bas. Il est temps que les Maliens tirent les leçons de ce qui s’est passé.
Propos recueillis par Pierre Fo’o Medjo et Yaya Samaké