25ème session de l’espace d’interpellation démocratique (EID) 2021 : AMDH, Amnesty International Mali, LJDH ont observé un traitement sélectif et discriminatoire de l’exerce du droit de manifester pacifiquement…

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En cette journée de la déclaration universelle des droits de l’Homme célébré chaque  du 10 décembre de l’année, le Mali chaque année commémore cette journée  par un espace unique, né le 10 décembre 1994 appelé Espace d’Interpellation Démocratique (EID) qui constitue une illustration de cette volonté de donner corps à l’un des textes fondamentaux dont l’Humanité s’est doté en 1948 après la Seconde Guerre Mondiale, je veux parler de la Déclaration Universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948. Cet espace qui réunit les maliens , chaque année, précisément à cette mémorable date, a pour objet d’informer les opinions publiques nationales et internationales sur l’état des droits de l’Homme au Mali, de contribuer de manière active et pédagogique à la réalisation d’une culture démocratique nationale et d’impulser de façon significative la politique de promotion et de protection des droits et libertés des citoyens.

 

Pour cette 25ème  session de l’EID , les  organisations de défense des Droits Humains (Association Malienne de Droit de l’ Homme, Amnesty International mali, la Ligue pour la Justice et les droits de l’Homme) ont fait une déclaration commune à cette tribune d’expression démocratique pour faire l’état des lieux de la situation des droits de l’Homme au Mali et d’interpeller les décideurs sur des lacunes en matière de la protection et promotion des droits humains au Mali.

 Nous vous proposons l’intégralité de leurs contribution communes .

L’heure est toujours grave et la situation générale ne doit laisser personne indifférente, elle nous interpelle tous, chacun et exige un sursaut patriotique sans égal pour sauver ce qui nous unis, le Mali.

Dans un contexte de la pandémie du COVID 19, permettez-moi de vous entretenir de nos inquiétudes et réflexions sur des problématiques liées notamment : i) à la justice et à l’impunité ; ii) à l’insécurité galopante, iii) à des inégalités sociales ; à la situation des enfants déscolarisés des zones de tension ; aux déplacements forcés des populations ; à l’esclavage par ascendance dans la région de Kayes etc.

Nos organisations saluent les efforts accomplis par les autorités, notamment la  dynamique de lutte contre l’impunité dans le domaine de la corruption et l’enrichissement illicite. . Nous rappelons qu’il y a des liens fusionnels entre la bonne gouvernance et la jouissance effective des droits humains. Chaque denier public détourné viole des droits de l’Homme. Les pas de l’État dans la lutte contre les crimes économiques et les faits de corruption sont à encourager d’autant plus que cette pratique affecte les DESC1.

En effet, le détournement de deniers publics constitue un sérieux obstacle à l’accès à certains services essentiels. Tout en demandant aux autorités maliennes à fournir aux acteurs judiciaires les moyens nécessaires à l’accomplissement de cette œuvre de “salubrité publique “, nos organisations encouragent les autorités judiciaires à respecter les principes de présomption d’innocence, du droit d’être jugé dans un délai raisonnable et du droit à un procès équitable. La justice est un pilier fondamental dans la recherche de l’équilibre et le dernier rempart pour la restauration de l’état de droit. Il apparaît alors indispensable d’augmenter le budget du Ministère de la justice et des Droits de l’Homme, de renforcer les infrastructures pour que les procès se déroulent dans un cadre idoine et sécurisé tant pour les acteurs de la justice que pour les justiciables

Cette problématique de respect du droit à un procès équitable dans le cadre des procédures antiterroristes suscite également des inquiétudes en raison de l’absence de défense juridique pendant la phase préliminaire des enquêtes, et de plusieurs allégations de mauvais traitements et de torture lors de détention par les services de renseignement.

S’agissant de la lutte contre l’impunité :

D’abord, les  dossiers des crimes internationaux commis dans le contexte du conflit connaissent des retards en dépit de l’élargissement de la compétence matérielle du pole judiciaire spécialisé. En effet, nos organisations accompagnent devant la justice plusieurs victimes, notamment des victimes de violences sexuelles. Ces victimes attendent toujours des procès. Ainsi Nos organisations sollicitent les autorités Malienne à doubler d’efforts pour enquêter, poursuivre et juger les auteurs des graves violations des droits de l’homme commises tant au Nord qu’au Centre du Mali, sans discrimination aucune entre les différents bourreaux.

Les retards dans des procédures surtout relatives aux violences sexuelles sont de nature à violer les droits inaliénables des victimes et peut être assimilé à l’absence de justice.

Monsieur le Garde des Sceaux, à quand une session d’assise spéciale sur les cas emblématiques des violations graves des droits humains ? Les victimes et nos organisations qui les accompagnent attendent vivement ce jour.

Des efforts sont également attendus en ce qui concerne les violations impliquant l’armée. En effet, les forces de défense et de sécurité et les groupes armés ont continué à commettre des violations et des exactions contre des civils de même que les services de renseignement sont soupçonnés de faire disparaître de force des personnes en toute impunité. Si plusieurs procédures judiciaires ont été ouvertes dans ce domaine, force est de reconnaître que peu ont pour l’instant donné lieu à des procès. Toutefois, nous saluons à leur juste valeur les récentes audiences et condamnations prononcées par la Justice militaire. Ce signal positif doit  être renforcé à travers d‘autres procès, notamment sur des cas emblématiques.

Monsieur le Ministre de la Justice, il est également indispensable de réfléchir ensemble sur la portée et les conséquences de la loi d’entente nationale qui risque   d’entraver le respect de l’état de droit. Nos organisations s’y étaient opposées bien avant son adoption.

Par rapport aux dossiers de juillet 2021 : Nous saluons  les avancées dans les enquêtes relatives à l’usage excessif de la force lors des manifestations de juillet 2020 ayant fait 14 manifestants morts. Cependant, nous attendons que les responsabilités soient établies à l’issue d’une procédure non discriminatoire.

En ce qui concerne l’insécurité au Mali, sujet éminemment préoccupant et n’épargnant aucune partie du pays. Le centre s’embrasse et le nombre de victimes tant civils que militaires se compte par centaines. En outre les populations doivent se résigner à voir leurs récoltes et bétails décimés, toute chose qui provoque la famine, la maladie et les déplacements massifs. Faut-il le dire c’est une prime aux acteurs du terrorisme de tout bord.

Le phénomène de blocus frappant de nombreux villages et communautés notamment Farabougou pendant six mois, Dinangourou assiégé pendant quatre mois, empêchant les agriculteurs d’accéder à leurs terres, indignent encore plus car les groupes armés commettent plusieurs crimes de guerre et autres exactions contre des civils de façon récurrente et en toute impunité ayant un impact sur les DESC. L’espoir que les attaques de nos populations civiles sont de vieux souvenirs s’est vite estompé avec celles des communes du cercle d’Ansongo avec un lourd billant de 51 civils tués à Ouattagouna, Karou et Daoutegeft. Les progrès sont limités en ce qui concerne les enquêtes sur les crimes de droit international commis par les groupes armés et l’armée.

Malgré la prise de dispositions visant à renforcer relativement les capacités d’intervention des FAMa (formation et logistiques), nos bases militaires continuent d’être la cible des attaques causant d’énormes pertes en vies humaines sans qu’on arrive dans la plupart des cas à traquer les auteurs de ces crimes.

Jusqu’à quand vont s’arrêter les violations du droit international humanitaire par les forces régulières  qu’elles soient nationales  ou internationales, dans le cadre des opérations militaires ? La frappe aérienne de l’armée française a fait une vingtaine d’innocentes victimes à Bounti, en janvier lors des festivités d’un mariage. Quid de la problématique de ce type d’enquête ? A quel saint se vouer pour les victimes ? Faut-il se tourner vers les autorités maliennes ? Ou rêver qu’un jour les autorités françaises vont oser dire « pardon » en ouvrant des dossiers dits secrets défense pour enquêter sur d’éventuelles violations du droit humanitaire.

Il est temps d’interroger l’approche actuelle et de penser à des solutions hybrides, seules à mesure de soulager les populations maliennes.

De ce fait, nous pensons qu’il y a lieu d’adapter le Plan de sécurisation des régions nord et du centre du Mali en y intégrant notamment les dispositions suivantes :

Poursuivre les efforts en faveur du désarmement, la démobilisation et la réinsertion des éléments des groupes armés, milices et autres groupes d’auto-défense présents et actifs ;Garantir la sécurité des personnes et de leurs biens, notamment par le déploiement de forces de défense et de sécurité pleinement respectueuses des droits humains ;

Donner des suites aux enquêtes en cours en matière des violations graves des droits humains commises dans le contexte de la crise, dans le respect du procès équitable ;

Promouvoir la consultation des communautés locales au plan de sécurisation de leurs zones ;

Restaurer et renforcer la confiance entre les populations locales et l’État à travers notamment une approche de sécurité collaborative mettant au centre, les populations.

Le Mali recule au regard des pratiques barbares de l’esclavage dans la première région du pays. Nous sommes tombés des nuits, malgré l’existence de la constitution du 25 février 1992 et des conventions internationales auxquelles le Mali est partie, la pratique de l’esclavage par ascendance sévit encore de nos jours. Conscient des efforts déployés par des autorités administratives et certaines mesures prises par les autorités judiciaires pour lutter contre ce phénomène, c’est le lieu de renouveler notre préoccupation par rapport à cette situation pouvant constituer des signes avant-coureurs d’une autre catastrophe humaine.

Les populations fortement touchées par le problème sont en quête de justice et de réparation pour les dommages physiques, matériels et moraux dont elles ont été victimes du fait de cette pratique.

Nos organisations attirent l’attention des plus hautes autorités à veiller au respect strict de la loi fondamentale, des lois ordinaires et des conventions internationales signées et ratifiées. Faut-il le rappeler la personne humaine est sacrée, et tous les Maliens naissent libres et égaux en droits et en dignité.

Nous encourageons monsieur le Ministre de la justice, des droits de l’homme et Garde des Sceaux à faire diligenter l’adoption de la Loi Portant Répression de l’Esclavage et des Pratiques Assimilées qui prévoit et punit les infractions relatives à l’esclavage. L’avant-projet de ce texte avait été élaboré 2016 par un comité technique composé des services techniques de l’État et des OSC dont l’Association Malienne des Droits de l’Homme, sous l’initiative du département de la justice. L’adoption de ce texte permettrait de renforcer le droit positif et de garantir le droit à la vie et au respect de l’intégrité physique et corporelle. Toutes les pratiques barbares, cruelles et inhumains doivent faire l’objet d’un traitement adéquat par les autorités de poursuite et de jugement.

C’est pour combattre efficacement l’esclavage et ses pratiques assimilées que le présent avant-projet de loi est proposé. Ce texte, s’il est adopté, permettrait de renforcer le droit positif actuel, en y intégrant les dispositions pertinentes des instruments régionaux et internationaux relatifs à l’esclavage et ses pratiques assimilées, de les incriminer et de les réprimer.

Parlant des droits des femmes, nous exhortons madame la ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille à faire diligenter le processus de l’adoption d’une loi sur les violences basées sur le genre (VBG) par ailleurs la majorité des populations qui se sont déplacées sont des femmes et des enfants. Madame la ministre, dans le contexte de la COVID, vous avez le devoir régalien d’apporter une assistance et une protection à ces femmes et enfants.

 S’agissant de l’usage des libertés consacrées dans la constitution, il y a mal donne ;

Nos organisations relèvent des pratiques discriminatoires qui ne favorisent pas la paix sociale.  En effet, nos organisations ont observé un traitement sélectif et discriminatoire de l’exerce du droit de manifester pacifiquement, se traduisant par l’autorisation des marches des groupements soutenant des initiatives de la Transition et l’interdiction à d’autres groupes ayant des opinions différentes de manifester. Cette pratique viole la constitution malienne dans ses articles 2 et 4 qui prévoient respectivement que «Tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur ….  l’opinion politique est prohibée »,  «Toute personne a droit à la liberté́ de pensée, de conscience, de religion, de culte, d’opinion, d’expression et de création dans le respect de la loi».

Des actes d’intimidation, des tentatives d’arrestations et d’autre forces de menaces, notamment sur les réseaux sont exercés sur les personnes des individus ayant des opinions politiques peu favorables. Nous rappelons que le rétrécissement de l’espace civique et démocratique se traduisant par des atteintes à certaines fondamentales telles que la liberté d’expression est contraire aux idéaux de la démocratie chèrement acquise.

En ce qui concerne l’école, nous voudrions aussi attirer l’attention de Madame le Ministre de l’éducation nationale sur la situation des enfants déscolarisés des régions du nord et du centre du Mali. Déjà, les fondements de notre école sont sapés et le lot toujours grandissant des enfants qui n’ont plus d’école, plus d’avenir restent la proie des terroristes.

Madame le Ministre de l’Éducation nationale, nous sommes préoccupés par la question des élèves et étudiants dans notre pays : la qualité de l’enseignement, de l’éducation et de la formation est l’une des plus dérisoires au monde. Il y a lieu d’accorder au système scolaire plus d’attention si nous voulons émerger un jour. Il convient de prendre une loi pour davantage l’espace scolaire en de conflit. 

En ce qui concerne les revendications sociales : nous attirons l’attention des pouvoirs publics que cette problématique doit être traitée dans son ensemble et avec perspicacité et clairvoyance en tenant compte des possibilités de l’État pour éviter des crises réplétives. Nous plaidons pour un traitement équitable des travailleurs en tenant compte bien évidemment  des particularités de certaines fonctions.

Concernant le droit à la santé nous exhortons les autorités à améliorer le plateau technique des structures de santé au profit des populations. Des efforts doivent être entrepris pour que les malades et leurs accompagnateurs n’y sortent avec d’autres maladies infections comme COVID ; aussi prendre des dispositions afin les pandémies telles que Ebola etc. ne franchissent nos frontières.

Mesdames et messieurs, les membres du jury d’honneur, il nous serait difficile de passer sous silence, dans un contexte actuel, la discrimination autour de la protection contre la pandémie de la Covid-19, car le déploiement du vaccin estimé à moins de 2% de la population en novembre, démontre à suffisance la problématique de la non-réalisation de ce droit à la santé pour nos populations. Nous interpellons les Ministres en charge de la santé et de la solidarité.

Enfin le milieu carcéral : nous saluons les efforts des autorités et les partenaires qui n’ont ménagé aucun pour éviter le ravage de la COVID et d’’autres maladies infectieuses au sein des prisons.

Cependant l’engorgement et la promiscuité font de cet endroit un véritable mouroir.

Nous profitons de demander au ministre de la justice d’accélérer les initiatives en cours pour désengorger les prisons à travers notamment le jugement dans les délais légaux et raisonnables…

Nos organisations restent mobiliser pour continuer à jouer rôle en faveur de la promotion et protection des droits humains et du retour d’une paix durable au Mali.

Vive le Mali : Un peuple, un But, une Foi !

Vive les droits humains.

Bokoum Abdoul Momini/maliweb.net

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