A l’instar des autres pays du monde, le Mali a célébré le 20 novembre dernier l’anniversaire de la convention relative aux droits des enfants. Moment de célébration et d’action en faveur des enfants, cette journée est aussi une opportunité pour dresser un bilan des actions menées en vue de favoriser leur développement et épanouissement dans la société. Qu’en est-il réellement de la situation des enfants au Mali ? Un monde digne des enfants, le Mali s’engage. Ce thème de l’année dernière reste-il un simple slogan sans impact digne de ce nom ou une réalité sans conteste dans notre pays ? Avec un nombre pléthorique des associations et ONG pour la cause des enfants au Mali et l’implication des autorités publiques, les enfants dans leur majorité soufrent encore dans un Mali plus ou moins engagé.
Au Mali comme dans plusieurs autres pays en voie de développement, les enfants se retrouvent souvent dans des conditions quelquefois déplorables et cela, malgré la présence de ces nombreuses structures étatiques et non gouvernementales chargées de leur défense. De ce fait, la question qui mérite d’être posée est de savoir si ces assemblages de structure agissent pour leurs propres intérêts ou en réalité pour faire changer la condition des enfants dans notre pays ?
Selon des sources sûres approchées lors de nos enquêtes, il se trouve évidemment des associations qui s’arrangent auprès des ONG pour avoir des financements dans le dessein de contribuer à l’épanouissement des enfants, sans pour autant avoir de contexte réel ou de politique nécessaire à cet effet. Et ses ONG à leur tour, financent tout en restant souvent à l’écart sans suivi et /ou technique de supervision des différents bénéficiaires. Bref, ces structures manquent de stratégies adéquates dans l’exécution de leurs tâches.
Etant donné que le droit le plus fondamental pour tout être humain est le droit à la vie, certains chiffres nous interpellent aujourd’hui sur la situation réelle des enfants au Mali. Selon les chiffres et d’après l’enquête démographique et de Santé II, III et IV, nous enregistrons les données suivantes : 46 cas pour la mortalité néonatale, 50 cas de mortalité post-néonatale et 96 cas de mortalité infantile.
En ce qui concerne la mortalité juvénile, le Mali comptait 105 et 191 cas de mortalité infanto-juvénile en 2002 et 2006. Même si ce taux a relativement diminué aujourd’hui, il faut dire et sans risque de se tromper que le Mali enregistre encore un taux de mortalité infantile et juvénile très élevé par rapport aux prétendus efforts menés dans le domaine. Les pratiques traditionnelles préjudiciables sont fréquentes, la méconnaissance du droit des enfants par la population a atteint son paroxysme, le rôle des médias dans la défense de leurs intérêts est limité…
Alors, quel avenir en réalité pour les enfants au Mali ?
D’un autre point de vue, c’est à-dire pour le département en charge de la question, il faut constater avec beaucoup de regret que les actions menées en faveur des enfants relèvent vraisemblablement d’un système ‘’couper décaler’’. Autrement dit tous les boucans médiatiques relatifs au combat pour l’amélioration des conditions de vie des enfants, ne sont que le camouflage d’un véritable vide juridique et la résultante d’une défaillance institutionnelle sans conteste en la matière.
Certes des actions sont entreprises, mais force est aussi de reconnaitre que les résultats ne sont jusque là pas satisfaisants. Il suffit de jeter un regard dans les rues du district ou même dans nos capitales régionales pour s’en rendre compte.
Des enfants vivotent encore entre les lieux publics pour avoir de quoi vivre. Ils ne manquent jamais dans les petits coins de nos rues à la recherche d’un abri. Sans un cadre convenable de vie, ils s’adonnent à des pratiques répressives d’où le phénomène des enfants en conflit avec la loi.
Si l’on se réfère au dernier rapport du CNDIFE sur la situation des enfants en conflit avec la loi, il en ressort une flagrante recrudescence du phénomène.
176 filles et garçons ont ainsi été abandonnés contre 18 assassinés. 87 cas d’attentat à la pudeur, pour 130 victimes de coups et blessures volontaires contre 102 cas pour les coups et blessures involontaires. Le même rapport révèle 46 cas d’infanticide, 7 cas de meurtre, 58 cas de pédophilie et 101 enfants victimes de négligence…pour ne citer que cela. Ces chiffres sont-ils concevables pour un pays qui prétend lutter contre les violences faites aux enfants ?
Oui, si la lutte contre les violences faites aux enfants s’est transformée, pour nos plus hautes autorités, en moyens de recherche de financement et d’intéressement des bailleurs de fonds plutôt qu’un réel devoir de société ou de solidarité nationale. Et Non, pour tout citoyen sensible à la cause de ses enfants et au fait qu’ils ne sont que le reflet de cette société d’impunité, d’injustice et de corruption que nous construisons tous les jours.
L’avenir des enfants au Mali demeure toujours une préoccupation. Les résultats escomptés ne sont toujours pas atteints. Les efforts déployés par nos plus hautes autorités en charge de la question ne sont pas à hauteur de souhait. Plusieurs structures chargées de la question ont montré leurs limites. Les populations et la société civile ont failli à leurs missions. Les politiques ont bien d’autres préoccupations. Les bailleurs de fonds et organismes de financement ont perdu la confiance. Les médias ne se sont toujours pas impliqués comme il le faut : toutes ces réalités nécessitent aujourd’hui une prise de conscience collective et une synergie d’action en faveur du phénomène et du devenir de la nation toute entière.
MAMOUTOU TANGARA