A l’instar des autres pays de la communauté internationale, le Mali a célébré le samedi dernier la journée mondiale des droits de l’homme. Cette date, commémorant les droits humains, fut marquée par la tenue du traditionnel espace d’interpellation démocratique organisé par le ministère de la justice. L’EID est considéré comme une tribune d’expression populaire et citoyenne. Contrairement aux précédentes, la 16ème édition aura été plus un espace de ‘’promotion de sourire des membres du gouvernement et de leurs invités’’, qu’une tribune de plaidoyer et d’expression de la démocratie.
Le 10 Décembre 1948, journée de
Aussi, nombreuses sont les personnes qui pensent que c’est un cadre adéquat de libre expression contrairement à d’autres qui le qualifient d’une simple simulation politique.
Cependant, l’EID en tant qu’innovation fascinante en matière de dialogue démocratique doit toujours préserver tous les droits reconnus légalement et légitimement par cette déclaration. Comme par exemple l’article 19 de ce texte qui dispose « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ». L’article 4 de constitution du Mali aborde dans cette même lancée.
Il faut reconnaitre que le Malien lambda est dans sa majorité analphabète, par conséquent il ne maîtrise que les langues nationales. En effet, cet espace doit sa réputation à la liberté d’expression qu’elle offrait aux citoyens maliens. Autrement dit, un interpellateur avait l’opportunité de s’exprimer dans la langue qu’il voulait et dans laquelle il se sentait à l’aise. Cela permettait à des citoyens, analphabètes dans leur majeure partie, de s’exprimer en bambara et livrer tout leur ressentiment face à leurs préoccupations. L’usage du bambara donnait non seulement à cet espace son originalité, mais aussi l’opportunité à plusieurs maliens de comprendre son importance.
Pour cette édition, la plupart des interpellateurs et même l’assistance étaient choqués du fait que le jury d’honneur a sommé les interpellateurs de s’exprimer en leur langue.
Face à cette situation, l’édition a perdu son aspect démocratique et même son engouement car l’on a assisté au retrait des participants et pas mal d’interpellateurs de la salle. Certes le français est la langue officielle de notre pays, mais est-il également l’unique moyen d’expression de la démocratie ?
Cette problématique nous amène à poser les questions suivantes : Cette initiative était une manière pour le jury d’honneur de préserver le temps ou d’abuser du pouvoir qui lui était conféré ? Ou encore c’était tout simplement la commission d’organisation qui en avait décidée ainsi ? Que craignait le gouvernement en laissant le libre choix aux citoyens de s’exprimer en Bambara ? Qu’en est-il de la promotion de nos langues nationales, tant prônée par le gouvernement ? Si des jugements ou discours du Président de la république se font en bambara, pourquoi empêcher des citoyens d’exprimer leur cri de détresse lors de l’EID ?
La réponse à ces questions revient aux organisateurs de cet espace. Pour notre part, il faut juste rappeler que cette édition a été vidée de son sens, la transformant du coup en un espace de ‘’promotion de sourire des membres du gouvernement et de leurs invités’’.
L’Espace d’interpellation démocratique a perdu toute son importance. Il revient à la société civile de s’en approprier pour plus de justice et d’égalité. Vu l’intérêt que les populations lui accorde, de nouvelles stratégies d’organisation doivent être repensées. Aussi faudrait-il accorder beaucoup plus d’attention aux différentes recommandations émises.
TANGARA MAMOUTOU