Depuis que l’idée a été lancée par le président de la République, Amadou Toumani Touré, l’assurance maladie obligatoire a reçu un accueil très favorable au niveau de toutes les composantes de la société malienne. Ce qui a permis au projet de se concrétiser sans entrave majeure, pour passer rapidement à la phase d’application. Il est donc difficile d’admettre qu’à ce moment précis du démarrage des opérations, des voix discordantes puissent s’élever pour inciter les travailleurs à jeter le bébé avec l’eau du bain. Pourtant, comme l’a précisé le président ATT lors de la première session du Conseil des ministres du gouvernement Mariam Kaïdama Sidibé, ceux qui s’agitent aujourd’hui avaient bien dit oui hier et ont même participé, en partie ou entièrement, aux travaux de préparation des textes et du système d’exploitation. Qu’est-ce qui a bien pu changer entre temps pour motiver l’opposition affichée çà et là ?
L’assurance maladie obligatoire ne doit souffrir d’aucun conflit de paternité. Si elle est devenue une réalité aujourd’hui, c’est bien par la volonté du président ATT qui en a fait un de ses projets prioritaires, aussitôt après sa réélection en 2007. C’est une réponse concrète à une demande sociale car aucun travailleur ne peut nier, dans ce pays, les tracasseries liées à la prise en charge de ses traitements médicaux, celle des membres de sa famille et d’autres proches.
Déjà, en remontant le temps, l’on s’aperçoit que le Code de prévoyance sociale de 1962, avec le président Modibo Kéita, avait prévu la généralisation de l’assurance maladie. En attendant, un régime de prévoyance sociale était institué et la gestion confiée à l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) où chaque entreprise devait cotiser 2% de sa masse salariale pour permettre la prise en charge médicale de ses employés. Du temps du régime socialiste, même les élèves étaient pris en charge pour les frais médicaux. Qu’on aille pas demander à ceux qui ont vécu ces expériences de renoncer à l’assurance maladie obligatoire.
Première prestation prônée par l’OIT
ATT a donc mis fin au régime transitoire de prévoyance, qui n’a que trop duré, pour aller droit vers l’assurance maladie généralisée qui, rappelons-le, est la première prestation citée par l’Organisation internationale du travail (OIT). En effet, au niveau de ses textes, l’assurance maladie obligatoire vient bien avant la pension, alors qu’on n’a pas besoin de demander la permission individuelle au travailleur pour effectuer des prélèvements sur son salaire, en vue de sa pension. Ceci expliquant cela, a t-on besoin, dans le même ordre d’idées, de demander la permission individuelle de précompte pour l’assurance maladie obligatoire ?
Pour les fonctionnaires, les prélèvements sont effectués par le Bureau central des soldes et les patrons se chargent de collecter et de reverser les cotisations des salariés du secteur privé.
Les fiches de renseignements à remplir par les salariés servent à les identifier et aussi à reconnaître les ayant-droits dans le cadre de l’assurance car même les ascendants du salarié, père et mère, sont pris en charge. Ce qui, jusqu’à présent, n’est pas le cas dans les entreprises. Une véritable révolution en matière de politique sociale.
Un des points d’incompréhension concerne les secteurs d’activité comme les mines, banques et établissements financiers, pétrole et autres, qui avaient déjà institué à leur niveau une assurance maladie avec une prise en charge à 100%. Comment alors les intégrer dans un système qui n’assure que 80% de couverture, soit 20% en moins ? Une série de discussions menées entre la Caisse nationale d’assurance maladie (CANAM) et les filières concernées permettront de trouver des points de jonction car, déjà, au niveau des mines, il a été décidé de mettre en place une passerelle permettant aux deux systèmes d’être complémentaires. Par ce procédé, des salariés des mines profiteront des possibilités que leur apporte l’assurance maladie obligatoire, notamment la prise en charge de leurs ascendants, qui n’existe pas dans leur propre système d’assurance.
Renforcer les CESCOM
Il est aussi reproché à la CANAM, dans le cadre de l’application de l’assurance maladie obligatoire, de faire appel aux centres de santé communautaires, en faisant référence à l’insuffisance du plateau médical et des ressources humaines qualifiées desdites structures. Il convient de préciser que, selon les dispositions légales qui régissent l’AMO, toutes les structures médicales publiques doivent être conventionnées. C’est à ce niveau qu’ont été choisis, en priorité, les hôpitaux et les Centres de santé de référence (CESREF). Des structures dotées de plateaux techniques et médicaux adéquats qui ont été mis en avant, avant de se tourner vers les centres de santé communautaires (1150 sont agréés) qui offrent les conditions minimales pour assurer les soins nécessaires à ceux qui se trouveraient dans des zones où un hôpital ou un centre de santé de référence n’est pas à leur portée.
Selon une étude qui a été réalisée, dans les grandes villes, il y au moins un hôpital ou un CESREF tous les quinze kilomètres et les nombreux centres de santé communautaires viennent compléter le maillage du territoire en terme de couverture de l’AMO. Cette mesure est aussi une façon de renforcer les centres de santé communautaires (CESCOM) qui sont même pressés de démarrer les opérations. La plupart d’entre eux sont en train de relever leur plateau technique pour répondre aux attentes.
D’ailleurs, ceux d’entre eux qui ne seront pas à niveau verront leur agrément retiré car la CANAM dispose d’une équipe d’inspecteurs qui sont des professionnels de la santé aguerris, qui ne tolèreront aucun manquement aux conditions exigées. Justement, il s’agit pour la CANAM de faire contrôler régulièrement les structures choisies par cette équipe de contrôleurs. La vérification se fera en collaboration avec la Fédération nationale des structures de santé communautaire (FENASCOM).
Il reste évident qu’il y a encore des efforts à entreprendre pour parfaire le système au fur et à mesure. Mais rien ne devrait entraver la réalisation de ce projet qui constitue, à n’en pas douter, la plus grande réforme sociale du Mali depuis son indépendance.
Une nécessité pour soulager les populations
Plus qu’un outil, l’AMO est une nécessité pour enlever aux populations le fardeau des affres du traitement médical de la famille et des ascendants. Mais alors, pourquoi tout ce ramdam enregistré ces derniers temps ? Un constat est que les velléités de résistance notées portent le sceau d’une seule centrale syndicale : la CSTM. Pourtant, aux dires de ses dirigeants, cette centrale n’est pas contre le principe de l’AMO, mais s’érige contre certains risques de dérive liés à l’application de l’assurance maladie obligatoire. C’est là où il faut rappeler les propos pertinents du président de la République, à l’occasion du premier Conseil des ministres du gouvernement Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé. Quand le président s’interroge sur l’attitude de ceux qui disent non aujourd’hui et pourtant avaient dit oui hier, il fait référence à l’implication de toutes les couches socioprofessionnelles, y compris les centrales syndicales, dans la préparation des dispositions légales et règlementaires relatives à l’AMO.
Guerre de positionnement
En réalité, l’assurance maladie obligatoire est aujourd’hui un bon prétexte pour raviver la guerre de positionnement syndicale entre l’UNTM et la CSTM. Cette dernière, qui se sent lésée de n’avoir pas été impliquée pour siéger au Conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance maladie, est en train de semer le doute sur son chemin.
En tant que représentant d’un pan entier des travailleurs salariés du Mali, la CSTM se dit ne pas comprendre qu’elle soit écartée du suivi des intérêts des travailleurs qui lui font confiance car seule l’UNTM siège, au nom des travailleurs salariés du Mali, dans plusieurs structures et Conseils d’administration : Conseil économique, social et culturel, FAFPA, ANPE, Conseil supérieur de la Fonction publique, Conseil supérieur du Travail, INPS, Caisse de Sécurité Sociale, etc…
Si l’on sait les avantages que l’UNTM tire de sa participation à toutes ces structures, surtout en termes financiers, l’on comprend aisément la colère et les manœuvres de la CSTM. Mais de là à tenter de couvrir l’assurance maladie de poux et de boue, au risque de voir les travailleurs essayer de jeter le bébé avec l’eau du bain, il y a un pas que les dirigeants de la CSTM, eux-mêmes, se gardent de franchir, en reconnaissant la pertinence du projet.
Amadou Bamba NIIANG