Actuellement, le Président de la République, Amadou Toumani Touré, en plus du grand ménage qu’il effectue au niveau de l’Administration et de la haute hiérarchie des forces armées et de sécurité, fait face à deux grandes contradictions. Il s’agit des questions liées à l’Assurance maladie obligatoire (l’AMO) et à la sécurité routière.
Annoncée en 2007 dans le Programme de Développement Economique et Social (PDES) du président sortant, Amadou Toumani Touré, candidat à sa propre succession, l’Assurance maladie obligatoire a été adoptée par l’Assemblée nationale le 26 juin 2009, après un long processus de dialogue entre les acteurs concernés. Le 1er mai dernier, certains travailleurs ont déjà commencé à bénéficier des prestations de l’AMO. Et tous ont reconnu, à travers divers reportages télévisés que «c’était une bonne chose». Seulement voilà: auparavant, le tout nouveau gouvernement d’ATT, dirigé par Mme Cissé Mariam Kaïdama Sidibé, avait pondu un communiqué disant en substance que l’AMO n’était plus obligatoire et que le choix de tout un chacun serait respecté. Une manière pour le pouvoir de céder aux pressions de certains travailleurs, notamment ceux affiliés à la Confédération syndicale des travailleurs du Mali (CSTM), dirigée par Hammadoun Amion Guindo, la grande rivale de l’UNTM.
Cette reculade du gouvernement, sous l’impulsion d’ATT, est en contradiction flagrante, voire constitue une violation, de la Constitution. Le mot n’est pas trop fort, puisqu’une loi votée par l’Assemblée nationale ne peut aucunement être remise en cause par un petit communiqué du gouvernement, ni même par un décret présidentiel. Dans l’ordonnancement juridique, l’on n’a pas besoin d’être un spécialiste du droit pour savoir qu’une loi est au dessus d’un décret présidentiel. Les conseillers en la matière du chef de l’Etat n’ont certainement pas été consultés. Mais alors, que dire du Secrétariat général du gouvernement? Il n’est pas exempt de critiques dans cette affaire, puisque c’est bien lui qui supervise et rédige tous les actes pris en Conseil des ministres.
Si le gouvernement entend revoir certaines dispositions de l’AMO, il lui revient (il le sait bien) d’amender d’abord à son niveau la loi existante et de l’acheminer ensuite sur l’Assemblée nationale pour adoption. Mais le fait de décider sans l’avis des députés d’un amendement dans le domaine qui est leur, par le «Fait du Prince», est de nul effet légal. Fâcheusement, le gouvernement est en train de poursuivre la mise en œuvre de l’AMO nouvelle formule, en violant la Constitution. Cette attitude d’ATT, qui prêche tous les jours l’application correcte des textes et lois, à tous les niveaux, apparait comme une très grande contradiction. Car on ne peut vouloir une chose et son contraire. La loi est dure, mais c’est la loi.
La seconde grande contradiction d’ATT porte sur la sécurité routière. En effet, le mercredi 11 mai dernier, le chef de l’Etat, présidant le lancement officiel de la Décennie d’action pour la sécurité routière à l’Hôtel de l’Amitié, a fait une sortie pour le moins incompréhensible. Il a ainsi déclaré: «L’Etat a failli. Personne ne veut prendre ses responsabilités, pour ne pas courir le risque d’avoir des mécontents sur le dos. Alors que, face à certaines situations, l’Etat doit s’accommoder du monopole de la force pour se faire entendre». Mon Dieu! Dire que c’est un chef de l’Etat, qui dispose tous les leviers de décision (nominations et sanctions), qui s’exprime ainsi. L’Etat, c’est qui? Certes, nous tous, mais d’abord ATT, élu pour faire respecter la Constitution, la loi et les différents textes et conventions internationales ratifiés.
Il oublie que le rôle d’un Président ne se limite pas aux constats. Il doit avant tout agir. Qu’a-t-il fait face à ce constat de faillite? Rien. Qui a-t-il sanctionné dans cette situation, même pour se donner seulement bonne conscience? Personne. Le premier responsable du département des Transports, Ahmed Diane Semega, le fils spirituel d’ATT, l’enfant chouchou du couple présidentiel, est le seul ministre qui siège au gouvernement depuis 2002. Il n’est pas inquiété et ne le sera jamais. Idem pour le Général Sadio Gassama de la Protection Civile. Subséquemment, qu’ATT cesse de jeter en pâture ceux-là même qu’il protège. Les textes en matière de sécurité routière ne sont pas appliqués parce qu’ATT ne le veut pas. il faut une réelle volonté politique pour s’assumer, et ne surtout pas se dérober.
Qui a empêché l’obligation du port du casque? Qui a stoppé les interpellations des motocyclistes sans permis? Pourquoi certains engins à deux roues ne sont-ils toujours pas dédouanés? Qui distribue les permis des automobilistes à coups de pelle? Qui exige ses mille francs ou plus pour les infractions commises, sans quittance?
Qu’ATT arrête ces contradictions! Mieux vaut un silence assourdissant que ces déclarations, tendant à le discréditer lui-même. S’il veut toujours bien faire, cela est possible, car mieux vaut tard que jamais. Les maux sont connus et les remèdes sont à portée de main. A suivre.
Chahana Takiou