Ce n’est pas tous les jours que les deux syndicats, l’UNTM et la CSTM soufflent dans la même trompette. Et quand c’est le cas, ce n’est donc pas bon signe. A propos de l’Assurance Maladie Obligatoire hélas, les deux syndicats sont d’avis pour rejeter le principe. Militaires, policiers et gendarmes ne veulent pas non plus de l’initiative auquel l’Etat malien semble le seul à adhérer.
Le sujet, à savoir l’Assurance Maladie Obligatoire, était hier, au centre d’une double réunion à la FLASH et à l’Ecole Nationale de Police. La séance, organisée par les départements de tutelle respectifs (le ministère de l’enseignement supérieur et celui de la sécurité intérieure), se donnait pour mission d’expliquer les différents contours de l’initiative du gouvernement malien. Un détail et non des moindres ne pouvait, de part et d’autres, passer inaperçu : l’absence remarquée de la plupart des responsables syndicaux des deux corporations.
En clair, les syndicalistes n’ont pas fait un secret de leur opposition au projet. Lors d’une assemblée générale tenue début février dans l’enceinte de l’ENI, le syndicat de l’Enseignement supérieur a clairement dégagé sa position. Il a été suivi par le COSES (Coordination des syndicats de l’enseignement secondaire) lequel projette même un mouvement de grève si l’Etat malien persistait à vouloir « imposer » le principe.
Si la section syndicale de la police Nationale (SPN) du fait de son statut, a également tenu hier une réunion sur le sujet, la grande muette pour sa part, reste fidele à son légendaire silence mais rejette catégoriquement l’idée.
Il nous revient que l’Union Nationale des Travailleurs du Mali (UNTM) et la Confédération Syndicale des Travailleurs du Mali (CSTM) prépare chacune sa riposte.
rnQue reprochent donc les détracteurs au projet, ou du moins, au fait, étant entendus que l’Etat malien a d’ores et déjà entamé l’exécution du programme ?
rnEn plus d’un grave déficit d’informations, le sujet comporte de nombreuses autres lacunes dont nous nous sommes fait les échos dans nos précédentes livraisons. Nous vous proposons l’article en relecture.
rnB.S. Diarra
Un sujet qui fâche
rnDe nombreux syndicats entendent protester contre le régime Assurance Maladie Obligatoire initié par l’Etat malien. Les raisons de leur colère sont, hélas, légitimes…
Adopté par le Conseil des Ministres du 29 septembre, le projet de création du régime assurance Maladie est désormais dans sa phase pratique. Les salaires des bénéficiaires s’en ressentent depuis le mois de Novembre dernier. Une cotisation de 3,6% est en effet prélevée sur tous les salaires depuis cette date alors que le système ne sera opérationnel qu’en Avril prochain. C’est le principe.
rnCe ne sont pourtant pas les grincements de dents qui manquent. Et pour cause : Certains esprits malins ont déjà fait le rapprochement entre le taux de prélèvement de 3,6% et l’augmentation 7.500 F CFA sur les salaires et devant prendre effet à partir du mois de janvier dernier. Ils ont trouvé que le montant de la cotisation (3,6%) correspond approximativement à celui de l’augmentation concédé par l’Etat sur la base du SMIG malien. Une manière pour l’Etat, disent-ils, de «récupérer» l’augmentation concédée sous la pression des syndicats.
rnCe n’est pas tout. Ils sont encore nombreux à s’interroger sur plusieurs autres aspects de la question.
rnS’agit-il d’une assurance maladie ou d’un système de sécurité sociale ? La loi N°15 du 26 juin 2009, présente l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) comme un mécanisme de protection sociale couvrant les frais de soins de santé inhérents à la maladie et à la maternité des assurés et des membres de leurs familles à charge.
Pour sa part dans la pratique, la sécurité sociale, se définit comme un service public de l’État assurant une protection des travailleurs pour les risques de maladie, d’accidents ou de maternité.
Mais contrairement à l’assurance Maladie, le principe de la sécurité sociale dépend surtout de la situation professionnelle et personnelle des assurés. Explications :
Un travailleur des mines est beaucoup plus exposé aux risques de son métier qu’un bureaucrate. Mais le salaire de ce dernier peut s’avérer plus ou moins conséquent. Alors, les deux travailleurs doivent-ils être logés à la même enseigne, c’est-à-dire, avoir le même taux prélèvement de 3,6% ? En clair, faut-il uniformiser les cotisations alors que les risques professionnels encourus et le montant salarial perçus par les adhérents ne sont pas les mêmes ? Il faudra signaler au passage que le prélèvement est effectué sur le salaire brut et non sur les indemnités.
rnAutres motifs d’inquiétudes : Les taux de prise en charge du panier de soins sont de 80 % des frais en cas d’hospitalisation et 70 % en cas de soins variables. Toutes fois, ne sont concernés que les produits pharmaceutiques à dénomination Commune Internationale (DCI) et non les spécialités. Ne sont également pas concernées les opérations d’évacuation sanitaires à l’étranger.
rnAussi, le caractère obligatoire du régime soulève également beaucoup d’autres inquiétudes. De nombreux travailleurs sont d’ores et déjà affiliés à des mutuelles de santé. Et voilà que l’Etat leur en impose une autre sans leur consentement.
rnPour leur part, ces mutuelles de Santé crient également à la concurrence déloyale de l’Etat.
Faut-il le rappeler ? C’est l’Agence pour le Développement et la Coordination des Relations Internationales (ADECRI), une organisation française, qui a mené l’Étude technique sur la mise en place de l‘Assurance Maladie Obligatoire et du Fonds d’Assistance Médicale au Mali. Les travaux ont été entièrement financés par l’ambassade de France au Mali à hauteur de 30.000 dollars US soit un peu plus de 15 millions F CFA.
rnC’est donc très logiquement que nous devrons nous inspirer du modèle français. Ici, il existe de nombreux régimes d’assurance Maladie (la Mutualité Sociale Agricole, le régime SNCF, le régime social des indépendants par exemple) et même des régimes spéciaux selon les caractéristiques particuliers de l’activité professionnelle des adhérents. Et le choix de l’assureur est laissé à l’appréciation du groupe socioprofessionnel.
En somme, quoique relevant du social, l’Assurance Maladie constitue également une activité économique devant initialement être soumise au principe de la libre concurrence. Mais en imposant un seul régime et une seule caisse, l’Etat malien encourage non seulement la concurrence déloyale préjudiciable aux mutuelles de santé existantes, mais aussi favorise la médiocrité et la corruption. Et pour cause.
Le mécanisme mis en œuvre voudrait que la Caisse Nationale d’Assurance Maladie signe un contrat avec les prestataires de santé que sont les hôpitaux publics seuls partenaires agrées.
rnIl n’y a qu’à consulter les rapports de contrôle au niveau de ces structures sanitaires pour évaluer le niveau de corruption, de clientélisme et d’autres. Ajouter à cela les grèves sauvages avec ses morts (les plus fortunés parmi les patients sont alors contraints de se rabattre sur les cliniques privées – un privilège qui n’est pas accordé à l’adhérent), la non-pénalisation du secteur (un médecin malien ne risque pénalement rien en cas de faute professionnelle grave, de négligence coupable)…
En somme, le travailleur adhérent (obligé) peut ne pas bénéficier de soins appropriés pour ces motifs. En voulant le protéger, l’Etat l’expose malheureusement.
A la lumière de tous les griefs évoqués, les initiateurs de l’opération doivent revoir copie. Mais puisque nous nous trouvons dans un Etat ayant peu d’égard pour son citoyen, le fameux régime se trouve déjà dans sa phase d’exécution. Le Conseil d’Administration est déjà en place ; les contrats de prestation de services signés ; le personnel recruté… Tout cela a été rondement mené avant même la note d’information à l’endroit du travailleur. Bref, il ne reste plus maintenant qu’à conduire le mouton à l’abattoir après l’avoir dépouillé de sa laine.
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rnB.S. Diarra
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