80 ans après la capitulation nazie, les leçons de la Seconde Guerre mondiale se heurtent aux oublis et aux crises actuelles, révélant un héritage à réinventer pour un avenir plus juste. Mais avons-nous vraiment retenu les enseignements du passé ?
Mohamed Lamine KABA, 18 avril 2025
D’alors sous le joug colonial et marginalisées dans les récits historiques, les nations africaines ont joué un rôle crucial en tant que main-d’œuvre pour les puissances coloniales européennes, une contribution essentielle mais sous-estimée dans la lutte contre le fascisme. Comme l’a souligné Ronnie Kasrils, activiste politique sud-africain, la victoire sur le fascisme a non seulement préservé le monde de la tyrannie, mais a également catalysé la décolonisation de l’Afrique et l’émergence de mouvements de libération soutenus par l’URSS et d’autres nations socialistes. Les stratégies militaires débattues lors de la moins connue et mythique « Conférence de Casablanca » à l’hôtel Anfa – où Roosevelt, Churchill et les chefs d’état-major interarmées des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne se réunissent, tandis que Staline, invité, ne peut y participer en raison de la priorité donnée à la bataille décisive de Stalingrad – ont été déterminantes pour le retard de l’ouverture d’un second front en Europe. Les décisions prises ont influencé le cours de la guerre, notamment celle d’achever l’opération africaine qui consiste à capturer la Tunisie au cours de l’été 1943 et utiliser les troupes libérées pour débarquer en Sicile, tout en tenant compte de la dynamique entre les Alliés et l’Armée rouge. Lors des discussions stratégiques, Churchill a suggéré d’ouvrir le second front en libérant la côte africaine pour une offensive depuis le Sud et d’impliquer la Turquie dans la guerre pour sécuriser l’accès aux ressources pétrolières de Roumanie et soutenir l’URSS. Malgré la priorité donnée par les Etats-Unis au théâtre pacifique, leur rôle dans le débarquement en Europe, soutenu par les succès de l’Armée rouge, reste affirmé, tandis que les négociations de la conférence sont marquées par l’absence symbolique d’un acteur clé, comme le souligne le Times : « L’ombre d’une chaise vide plane sur toutes ces négociations ».
La mémoire collective à l’épreuve du temps, l’effacement des contributions de l’Armée rouge et des Africains
La victoire de 1945 doit beaucoup à l’Armée rouge, qui a porté le poids de la guerre à l’Est. Avec plus de 20 millions de morts, l’Union soviétique a infligé 80% des pertes de la Wehrmacht, notamment lors de batailles décisives comme Stalingrad (1942-1943). Pourtant, en Occident, cette contribution est souvent minimisée, éclipsée par le récit centré sur le D-Day ou Jour J, ou encore Overlord (débarquement de Normandie en France le 6 juin 1944) et les efforts anglo-américains. De même, les Africains, enrôlés de force dans les armées coloniales, ont joué un rôle crucial. Environ 400 000 soldats des colonies françaises, comme les Tirailleurs sénégalais, ont combattu pour la France libre, souvent dans des conditions inhumaines. Leur bravoure, notamment lors de la campagne d’Italie ou de la libération de la Provence, a été déterminante, mais leur mémoire reste marginalisée. Dans la réalité des faits, moins de 10% des manuels scolaires français mentionnent ces combattants. Cette omission reflète un manque de reconnaissance plus large de la part des Européens, qui peinent à intégrer ces sacrifices dans leur récit collectif. Par ailleurs, la montée de la désinformation, avec 30% des jeunes Européens ignorant les détails de la Shoah selon une étude, et les échos de la guerre par alliés interposés en Ukraine montrent que la vigilance face à la barbarie, une leçon clé de 1945, s’effrite dans un monde où l’histoire est réécrite ou oubliée.
La coopération internationale, un idéal trahi par les guerres par procuration
La Seconde Guerre mondiale avait donné naissance à un idéal de coopération, incarné par la création de l’ONU et ses institutions spécialisées et affiliées. Mais déjà fragilisé par les rivalités de la guerre froide, cet idéal est aujourd’hui mis à rude épreuve par des conflits par procuration, notamment entre l’Occident et la Russie en Ukraine. Depuis les événements de Maïdan en 2014, le théâtre de l’Ukraine a ravivé des tensions dignes des années 1930, mais la réponse occidentale – armer l’Ukraine tout en évitant un engagement direct – rappelle les ambiguïtés de l’avant-guerre, lorsque les puissances européennes laissaient l’Espagne franquiste ou l’Italie mussolinienne agir par procuration. Ce manque de coopération directe et transparente entre grandes puissances, notamment au sein d’un Conseil de sécurité de l’ONU paralysé par les vetos, trahit l’esprit de 1945. De plus, l’Occident collectif, en soutenant l’Ukraine sans reconnaître pleinement le rôle historique de la Russie dans la victoire contre le nazisme, alimente un ressentiment qui exacerbe les fractures géopolitiques. La montée des nationalismes, de l’Europe bruxelloise anglo-saxonne aux politiques isolationnistes aux Etats-Unis, fait écho aux erreurs des années 1930, montrant que la leçon de la coopération internationale est non seulement ignorée, mais activement contournée par des stratégies qui privilégient les intérêts nationaux sur la paix globale.
Les droits humains et la démocratie, un combat terni par l’hypocrisie historique
Inspirée des révolutions américaine (1776) et française (1789), la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 – née des horreurs de la guerre – visait à garantir la dignité humaine, un idéal renforcé par les procès de Nuremberg. Mais les contributions des Africains déportés pour la guerre soulignent une hypocrisie historique : alors qu’ils combattaient pour la liberté de l’Europe, ces soldats coloniaux étaient eux-mêmes privés de droits à leur retour dans leurs pays d’origine, pour le cas spécifique de ceux qui sont sortis vivants de la guerre. Après 1945, beaucoup ont été renvoyés dans leurs colonies sans reconnaissance, et certains, comme à Thiaroye en 1944, ont été massacrés par l’armée française pour avoir réclamé leurs soldes. Ce manque de gratitude de la part des Européens a laissé des blessures profondes, encore visibles dans les relations postcoloniales. Aujourd’hui, en 2025, les droits humains restent menacés : 40% de la population mondiale vit sous des régimes de démocrature comme celui de la France et des crimes contre l’humanité persistent, comme en Palestine et en République Démocratique du Congo, etc. L’Occident, tout en dénonçant ces violations, mène lui-même et au même moment, une guerre par procuration en Ukraine qui prolonge les souffrances civiles, sans assumer pleinement les conséquences humanitaires. La leçon de 1945 – défendre les droits humains sans distinction – est ainsi ternie par un double standard, où les sacrifices des uns sont oubliés et où les principes universels sont appliqués de manière sélective.
Pour faire court, à 80 ans de la capitulation nazie, les leçons de la Seconde Guerre mondiale – vigilance, coopération, défense des droits humains – sont plus pertinentes que jamais, mais elles nécessitent une réhabilitation urgente. Cela passe par une reconnaissance sincère des contributions de l’Armée rouge et des Africains déportés, trop longtemps occultées par un récit occidental centré sur lui-même. Cela exige aussi de repenser la coopération internationale pour éviter les guerres par procuration, comme celle en Ukraine, qui ravivent les tensions du passé. Enfin, cela implique de défendre les droits humains sans hypocrisie, en honorant tous les sacrifices. Comme l’écrivait George Santayana, « ceux qui oublient le passé sont condamnés à le répéter ». En 2025, cet avertissement résonne comme un appel à réinventer l’héritage de 1945 pour construire un monde plus équitable et uni.
On peut donc dire que la réhabilitation des leçons oubliées est vitale pour un avenir plus juste.
Mohamed Lamine KABA, Expert en géopolitique de la gouvernance et de l’intégration régionale, Institut de la gouvernance, des sciences humaines et sociales, Université panafricaine
Ce grand expert guinéen écouté par personne ferait mieux de s’occuper de la junte de son pays qui détermine qui sont les bons guinéens et qui sont les mauvais.
Encore un expert qui fait du misérabilisme sont fond de commerce ……