Circulation anarchique des cadavres; usurpation de tombe ; rudoiement du Département ministériel, tête d’affiche de la prévention et de la réponse à la Maladie à Coronavirus par une asphyxie financière dont l’onde de choc balaie autant le personnel soignant que les patients, le spectacle pathogène auquel il est donné aux Maliens d’assister est pathétique.
À l’issue de la session extraordinaire du Conseil supérieur de la défense nationale du 17 mars 2020, ‘’vu l’urgence de la situation, le Président de la République a décidé la mise en place d’une enveloppe initiale de six milliards trois cents millions (6 300 000 000) F CFA pour lutter contre la pandémie de Coronavirus’’.
Quelques jours plus tard, le 10 avril, nouvelle adresse à la Nation du Président de la République. Il annonce : ‘’le Gouvernement, pour ce faire, a décidé plusieurs mesures sociales qui coûteront à l’État, près de 500 milliards de nos francs, dans les hypothèses basses’’. Au titre de la brochette de mesures sociales, on peut retenir : la mise en place d’un Fonds spécial de 100 milliards de nos francs pour les familles les plus vulnérables, à l’échelle des 703 communes du Mali ; la dotation du Fonds de Garantie du Secteur Privé d’un montant de 20 milliards de FCFA destiné à garantir les besoins de financement des PME/PMI, des Systèmes Financiers Décentralisés, des industries et de certaines grandes entreprises affectées par la pandémie ; le lancement du Programme « Un Malien, un masque » ; diminution pendant 3 mois, de la base taxable au cordon douanier des produits de première nécessité, notamment le riz et le lait ; la prise en charge pour les mois d’avril et de mai 2020, des factures d’électricité et d’eau des catégories relevant des tranches dites sociales, c’est-à-dire les plus démunies ; l’exonération de la Taxe sur la Valeur Ajoutée les factures d’électricité et d’eau, de tous les consommateurs, pour les mois d’avril, mai et juin 2020 ; la distribution gratuite de cinquante-six mille tonnes de céréales et de seize mille tonnes d’aliments bétail aux populations vulnérables touchées par le COVID 19.
Mais depuis, rien. Du moins pour ceux à qui les fonds annoncés sont destinés, en l’occurrence les structures sanitaires, en première ligne de la lutte contre la Maladie à Coronavirus.
En désespoir de cause, le Directeur des Finances et du Matériel du ministère de la Santé et des Affaires Sociales a adressé au Directeur Général du Budget une demande de mise à disposition de fonds d’un montant d’un milliard trois cent soixante millions (1 360 000 000) FCFA au profit de certaines structures du Département. Il s’agit, pour les Organismes personnalisés, de CHU-IOTA (40 000 000) ; CHU-CNOS (40 000 000) ; CRLD (40 000 000) ; CNTS (40 000 000) ; LNS (40 000 000) ; ANTIM (50 000 000), pour un total de 250 000 000 FCFA.
Pour le compte des hôpitaux régionaux : Hôpital de Kayes (80 000 000) ; Hôpital de Sikasso (80 000 000) ; Hôpital de Ségou (80 000 000) ; (Hôpital de Mopti (80 000 000) ; Hôpital de Tombouctou (80 000 000) ; Hôpital de Gao (80 000 000) ; CHU-Kati (80 000 000), pour un total de 560 000 000 FCFA.
Pour les Directions Régionales de la Santé (DRS) : DRS de Kayes (50 000 000) ; DRS de Koulikoro (50 000 000) ; DRS de Sikasso (50 000 000) ; DRS de Ségou (50 000 000) ; DRS de Mopti (50 000 000) ; DRS de Tombouctou (50 000 000) ; DRS de Gao (50 000 000) ; DRS de Kidal (50 000 000) ; DRS de Ménaka (50 000 000) ; DRS de Taoudeni (50 000 000) ; DRS de Bamako (50 000 000), pour un total de 550 000 000 FCFA.
‘’Ces fonds serviront à la prise en charge des besoins urgents dans le cadre de la lutte contre le Coronavirus au Mali’’, justifie le ministère de la Santé et des Affaires Sociales.
Pourtant, quand des Maliens ont crié que le Gouvernement ne prenait pas la pleine mesure du péril sanitaire, il s’est trouvé aussi des gens pour crier aux spécialistes des rhétoriques périlleuses des cavaliers de l’apocalypse. Voilà, on y est. Plus d’un mois après que notre pays soit attaqué par ce virus mortel et que tout le dispositif de réponse devrait être en place, on en est au stade des correspondances pour la mise à disposition de fonds pour faire face à des situations d’urgence. Nulle galéjade, la situation est cataclysmique. À Kayes, faute de combinaison, le personnel soignant passe les plats des patients préparés par la famille par la fenêtre. Les frais d’alimentation passent pour pertes et profits. À l’Hôpital Fouseyni DAOU de Kayes, les agents sont sans aucun moyen et laissés à eux-mêmes, rapportent des sources concordantes. 7 d’entre eux sont déjà infectés, dont le médecin-chef du CSRéf, dont 4 guérisons.
Paradoxalement, le Président IBK, dans son adresse à la Nation du 10 avril, avait alimenté bien d’espoirs : ‘’il sied, qu’avant toute chose, je salue notre personnel de santé, ces aides-soignants, ces manœuvres, ces infirmiers, ces ambulanciers, ces médecins, ces laborantins, le personnel administratif des services de santé ainsi que les membres du Conseil Scientifique National. (…) Enfin, une prime spéciale sera payée au personnel de santé mobilisé ainsi qu’aux éléments des forces de sécurité et de défense affectés à la surveillance du couvre-feu et des lieux d’attroupements éventuels’’. À rebrousse-poil de la reconnaissance et des promesses présidentielles, l’état de dénuement est si prononcé, qu’il a suscité une manifestation de solidarité de la population de Kayes envers le personnel soignant qui fait preuve d’un dévouement suicidaire.
La situation calamiteuse de l’Hôpital régional de Kayes où a été diagnostiqué l’un des premiers cas de Coronavirus dans notre pays et qui abrite encore de nombreux patients est symptomatique de l’indigence financière du ministère de la Santé et des Affaires Sociales et de la mistoufle dirigée contre lui. Au nom d’un duel fratricide mortel (CISSE et SIDIBE sont tous les deux des Peulh), pour le pouvoir, on ne lésine point à creuser la tombe d’innocentes personnes qui ne demandent que le matériel pour exercer leur boulot ou qui ne demandent qu’à être soignées pour décamper au plus vite.
Pour alerter l’opinion nationale et internationale sur l’ostracisme dont il est victime, le ministère de la Santé et des Affaires Sociales a dû avoir recours aux réseaux sociaux. Méthode peu conventionnelle, certes, mais peut-on encore s’acoquiner avec les codes officiels, lorsqu’il y a un constat d’évidence d’un travail de sape de ses actions ?
Néanmoins, le Département martyr, à travers sa DFM, a renoué avec les canons classiques en adressant une demande en bonne et due forme de mise à disposition de fonds à la Direction Générale du Budget. Mais, qu’on ne s’y méprenne pas : demande n’est pas synonyme de mise à disposition de fonds, tant que Boubou CISSE aura son mot à dire. Or, c’est bien le cas, depuis qu’il a décidé de mettre entre parenthèses le ministre délégué auprès du Premier ministre, Chef du Gouvernement, ministre de l’Économie et des Finances, chargé du Budget Madame BARRY Aoua SYLLA, dont le rôle semble réduit à l’inauguration des chrysanthèmes. Quand deux ministres se suivent, dont un super ministre, l’un se conjugue à l’infinitif.
Mais, en dehors des rivalités personnelles, face à une situation d’une gravité aussi exceptionnelle, comment en est-on arrivé à tel stade de blocage sous les regards complices de tout le monde ? Faut-il invoquer le traditionnel bouc émissaire, à savoir les lenteurs administratives ? L’argument ne tient pas dans un contexte d’urgence sanitaire où les financiers ne s’encombrent pas des principes élémentaires de l’orthodoxie financière. Il pourrait s’agir plus d’irresponsabilité que d’incompétence puisque la Primature est censée abriter la fine fleur de l’intelligentsia malienne. À moins que la réputation de ces gens-là ne soit surfaite ; d’autant plus que jusque-là, les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs. Dès lors, la piste d’un blocage intentionnel des activités du ministère de la Santé et des Affaires Sociales, paraît très crédible. La jonction entre une cupidité à la Picsou et une jalousie maladive, privant les hôpitaux publics des subsides nécessaires, a engendré un bazar dans le dispositif de prévention et de réponse à la Maladie à Coronavirus.
Mettons bas les masques, voyons entre quat’z’yeux, le Virus, au Mali, ce n’est pas le Corona, ce sont ces, mercantiles, arrivistes, qui tuent les Maliens. Ce Virus domestique est à la puissance x plus mortel que le Coronavirus. Que Dieu nous en préserve, en attendant que l’Employeur des protagonistes se réveille pour trancher et mettre un terme à la chienlit et au massacre des populations, victimes expiatoires d’une guerre de pouvoir. En tout cas le spectacle pathogène auquel il est donné aux Maliens d’assister est pathétique.
Covid-19 : la ballade des cadavres
La situation épidémiologique actualisée de notre pays, à la date d’hier lundi, affiche un total de 424 cas positifs ; 122 patients guéris et 24 décès. 24 Maccabées, c’est peu, comparativement à certains pays où les victimes se comptent par centaines et par jour ; mais beaucoup dans notre contexte où certains d’entre eux se baladent dans la ville, la faute à un laxisme des responsables sanitaires. C’est un confrère qui rapporte ce fait pas tout à fait anodin qui se déroule dans le quartier Djélibougou, en Commune I du District de Bamako. Un homme raconte que son voisin, après avoir été placé sous traitement de paludisme, a finalement été testé positif au COVID-19 et transporté dans un centre de prise en charge par les services compétents venus le chercher avec une ambulance. Puis sa maison a été pulvérisée ; les membres de la famille du désormais patient du COVID-19 et les personnes contacts placés au confinement. Jusque-là, la procédure est scrupuleusement respectée.
Contrairement à la centaine de patients qui a survécu à la maladie, le patient de Djélibougou, lui, a passé l’arme à gauche, nonobstant les intenses efforts des médecins traitants. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris. Que son nom soit loué !
En bon croyant, il ne restait plus à la famille qu’à préparer les funérailles, conduire cet être cher à sa dernière demeure, le dimanche.
Mais, la famille n’était pas au bout de ses peines et devait faire face à une nouvelle épreuve inattendue : le corps est introuvable. Le corps remis à cette famille éplorée était celui d’une femme ; alors qu’elle avait plutôt perdu un homme. Une première alerte sur le laxisme qui prévaut dans la gestion des corps des personnes décédées du COVID-19.
Informations prises au niveau de la morgue, la famille apprend que le corps a été remis par inadvertance à une autre famille qui a également perdu un parent décédé du COVID-19.
S’il n’y a pas de peine par procuration, l’on peut raisonnablement se faire une idée de ce qu’a pu éprouver cette famille qui, en plus de perdre un être cher, doit également souffrir de la disparition, par négligence, de son corps. Elle aurait bien aimé l’enterrer dignement. En général, chez nous, la famille y attache une grande importance.
Mais, au-delà de la frustration de la famille, on ne peut pas ne pas déplorer que les corps de personnes décédées du COVID-19 se baladent dans la nature sans aucun contrôle. Cette situation n’est pas sans poser des questions légitimes : tout le monde a-t-il le droit de manipuler les corps de personnes décédées du COVID-19 ? Pourquoi l’Etat n’organise-t-il pas, en intelligence avec la famille, des enterrements sécurisés du point de vue sanitaire, pour éviter les manipulations et réduire les risques de propagation en circonscrivant les attroupements ?
Faute professionnelle, légèreté et négligence, le Mali aura-t-il son procès du COVID-19 à l’instar d’autres pays où des organisations piaffent d’impatience d’attaquer l’État devant diverses instances ? Une certitude, les corps méritent beaucoup de respect pour qu’ils se volatilisent dans des structures officielles.
Ailleurs, à Magnambougou, en Commune VI du District de Bamako, c’est une autre famille qui a eu droit à son haut-le-cœur ce lundi 27 avril. Tout comme à Djélibougou, les faits sont tout autant déroutants et pourraient relever d’un banditisme d’un nouveau genre. Les faits : des membres d’une famille éplorée viennent creuser une tombe, dans la perspective de l’enterrement de leur parent, calé à 13 heures. Leur tâche terminée, les fossoyeurs retournent vaquer à d’autres occupations. À l’heure convenue, le corps est transporté au cimetière dans le respect du cérémonial (habituel) pour être déposé dans sa dernière demeure. Mais diantre ! De tombe creusée, que dalle ! Enfin, il y avait bien la tombe creusée ; mais une autre dépouille d’une autre famille arrivée plus tôt au cimetière qui y reposait. Une seule personne pouvait désembrouiller sur cette situation ahurissante, à savoir le gardien du cimetière. Interrogé, il cafouille et farfouille. Ses réponses ne font qu’en rajouter à la confusion. Il n’édifie guère. Selon des sources proches de la famille, la Police s’est saisie de l’affaire qui dépasse le simple cas d’une usurpation de tombe. La gravité de la situation est à l’aune de la violation des règles strictes à observer en matière d’inhumation, notamment la présentation d’un certificat de décès délivré par les autorités sanitaires et d’une autorisation d’inhumation délivrée également par des services compétents. Cette violation des règles élémentaires connues de tous les gardiens de cimetière laisse croire à une inhumation à la sauvette. Pourquoi ? Parce que des gens, soit ne voulaient pas être identifiés, soit ne voulaient pas que l’identité du mort soit connue. Dans l’un ou l’autre cas, il y a anguille sous roche et la situation devrait être tirée au clair au plus vite, pour des raisons de sécurité. La personne enterrée en clando avait-elle été assassinée et que des personnes voulaient effacer les traces ? S’agit-il d’une personne décédée du COVID-19 ? Cette hypothèse corroborerait alors le cas précédent qui s’est déroulé à Djélibougou de cadavres qui se baladent. Il revient désormais à la Police de fourgonner pour mettre définitivement un terme à la circulation anarchique des cadavres et aux inhumations illicites à Bamako.