VIH/SIDA : Une maladie de la pauvreté ?

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La justification du lien entre le VIH/SIDA et la pauvreté en tant qu’indigence multiforme, oriente vers deux perspectives. Dans un premier temps, il s’agit de cerner la pandémie comme une maladie qui engendre la pauvreté et dans un second, comme un problème de santé engendré par la pauvreté.

Dans le premier cas, une analyse osée et approfondie démontre que l’affaiblissement de l’organisme humain qui se traduit par l’anéantissement du système immunitaire entraîne aussi l’affaiblissement du  corps social, de la réduction des bras valides.

Si l’on part du fait que l’homme est un être relationnel, en d’autres termes il n’est et ne se justifie que par ses relations avec les autres, il est aisé de constater que chaque homme est un trésor, un maillon d’une chaine interminable.

La perte d’un homme à cause du Sida équivaut à la perte d’un maillon irrécupérable pour la famille, le groupe social et culturel d’appartenance, le groupe professionnel. La pandémie du SIDA s’amorce par l’appauvrissement individuel de la personne qui perd lentement et inexorablement ses facultés physique et même psychiques par le fait de « l’encéphalopathie du SIDA ou démence du SIDA .Il faut noter ici une des pires formes d’indigence, car l’home qui perd une partie ou la totalité de ses facultés mentales est réduit à une vie biologico sociale. Constamment pris  en charge, il n’est à la base d’aucune initiative ou d’aucune action de développement.  Au contraire des moyens inestimables lorsqu’ils existent sont mis en œuvre pour le sauver d’une « euthanasie sociale » qui est une forme d’abandon du malade que l’on sait déjà en phase terminale.

 L’appauvrissement individuel et physique

En s’attaquant à l’homme ou le producteur, le VIH/SIDA s’attaque à la production, à la productivité et au système de production qu’il désagrège et déstabilise. « La productivité faiblit à mesure que des travailleurs plus jeunes et moins expérimentés remplacent les travailleurs expérimentés.  Cette situation de pénurie dans les rangs des travailleurs se traduit par une hausse des coûts de production et une baisse de la capacité concurrentielle sur le marché international.

La surveillance des groupes à risque, la mise en place de stratégies de prévention, les prestations médicales et les programmes d’assistance sociale accroissent les dépenses publiques. Si ce constat est alarmant, il n’est pas moins préventif.

En décimant des bras valides, le SIDA emporte aussi des travailleurs ayant acquis une longue expérience par le biais de la loi de la performance humaine. Ce qui démontre à suffisance que l’exercice prolongé d’une activité professionnelle n’installe pas nécessairement dans une routine consolatrice, mais renforce les capacités du travailleur en le rendant plus apte et talentueux. Le producteur qui décède n’emporte pas certes l’intégralité de son expérience, mais emporte un talent, une certaine intelligence individuelle acquise, un doigté… qui lui sont intimement et intuitivement liés.

Cette perte est en quelque sorte un appauvrissement du secteur de production auquel appartenait le travailleur.

Aussi, il est aisé de faire le constat d’un déficit énorme en matière de ressources humaines, qui prédispose à la pauvreté, à l’absence ou à l’insuffisance de nourriture. Dans ces conditions la famine n’a plus d’obstacles pour passer des plus jeunes aux plus âgés, car les plus forts que sont les jeunes ne sont plus à mesure de travailler et de secourir les plus anciens.

La pauvreté favorise la propagation du VIH/SIDA 

Il est possible de dire chronologiquement que la pauvreté est plus ancienne que le phénomène du VIH/SIDA.

C’est aussi vrai que la maladie d’une manière générale côtoie l’humanité depuis sa genèse, mais les caractéristiques du VIH/SIDA, font de ce problème de santé, une synthèse des autres maladies, un état morbide récent dans la mesure où les premiers cas ont été décelés vers les années 1980 aux Etats-Unis d’Amérique.

C’est donc à juste titre que certaines populations nomment la pandémie du SIDA « la nouvelle maladie ».

A ce niveau apparaît déjà un premier signe de pauvreté qui se traduit par l’incapacité ou l’impuissance de ces populations à trouver dans leur lexique un terme approprié pour désigner le Sida.

Ce manque crée une certaine confusion autour de la pandémie et une forme de sphère mythique qui ombrage et autorise toutes les perceptions et appropriations. Ici, la voie royale qui conduit ou expose au SIDA, est la pauvreté intellectuelle, la méconnaissance ou l’ignorance des facteurs de sa propagation, des moyens du lutte ou de prévention.

L’ignorance étant un terrain fertile pour l’inconscience,  elle génère également l’insouciance qui endort toute forme de méfiance et de prudence et prédispose à des actes hautement dangereux et provocateurs de risques.

Dans ces conditions, les lames de rasoir, les objets pointus destinés aux tatouages, les seringues usagées… peuvent être des facteurs de transmission d VIH/sida. Les rapports sexuels non protégés, occasionnels ou non, s’invitent également dans ce registre.

Par ailleurs, que dire de ces enseignants chargés de transmettre des connaissances sur le VIH/SIDA, mais qui sont convaincus que la maladie est un mythe et non une réalité ?

Ce qu’il faut ajouter comme éléments justificatifs de leurs attitudes, c’est le milieu semi-urbain où ils exercent.

Ici, l’absence de centres spécialisés en matière de sensibilisation et de dépistage du  VIH/SIDA, ne renforce pas les capacités des uns et des autres dans la tutte contre la pandémie.

L’absence de structures un indice de pauvreté ?

Dans l’affirmative, il faut prendre en compte un déficit qui peut avoir des impacts sérieux au niveau des populations sur leur manière de concevoir le VIH/SIDA et de leurs possibilités de se protéger.

Il n’est pas exagéré de dire que dans  le contexte du SIDA, l’absence ou  l’insuffisance de structures œuvrant dans le sens de la lutte peut être considérée comme un manque assimilable à une certaine pauvreté.

Dans la négative, l’absence de structures de prise en charge, de sensibilisation ou de dépistage en matière de VIH/SIDA, n’est pas un indice de pauvreté dans la mesure où les populations concernées ne sont pas éloignées des centres de dépistage, et de prise en charge des personnes infectées par le mal mortel.

Autre situation de précarité pouvant exposer au VIH/SIDA, c’est la recherche du nécessaire comme la pitance quotidienne.

En effet, le manque de moyens matériels, financiers, humains pour satisfaire les besoins primaires comme la nourriture le logement…fait se rencontrer des couches sociales radicalement différentes : les démunis et les nantis.

Cette situation crée un échange, un commerce qui n’est pas toujours sain. Qu’est-ce qu’on peut donner en échange lorsqu’on ne dispose d’aucun bien matériel à l’exception des attributs naturels ?

Ici intervient (selon le genre ou le sexe), la tentation ou l’obligation de succomber à la prostitution clandestine ou avérée, l’homosexualité  pour ceux qui ont cette tendance. Puisque la pauvreté n’octroie aucun choix pour un démuni, les femmes, les hommes et les enfants en situation de détresse, deviennent les proies faciles de certaines personnes nanties et peut être déjà infectées. Les traits distinctifs et significatifs d’une certaine vulnérabilité au VIH/SIDA, sont présents dans ces types de rapports marqués par un déséquilibre.

La personne pauvre ne choisit ni son partenaire, ni le type de relation sexuelle à savoir protégé ou non.

Ainsi, en l’absence de toute forme de protection, le VIH/SIDA gagne du terrain dans les milieux pauvres et au sein des couches défavorisées, de surcroît jeunes.

Dr Hamadoun Hassaye Touré

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