La polyclinique Carthagène, située au centre urbain nord, en plein cœur de Tunis, est l’une des attractions de la ville. Non pas qu’elle est un lieu touristique classique, mais plutôt jouit d’une grande sollicitation de malades locaux et ceux venus des quatre coins du monde. Une sollicitation basée sur sa notoriété, ses équipements médico-chirurgicaux de dernière génération, sa compétence, la sollicitude des médecins et du personnel médical et leur sérieux. Il a fallu y passer une journée pour comprendre.
Les pays maghrébins comme le Maroc et la Tunisie ont développé chez eux, ces quinze dernières années, une politique médicale de haute facture. La construction d’hôpitaux et de cliniques étoilés, avec des plateaux techniques hyper équipés, est à l’origine de leur émergence. Ces deux pays où convergent jour après jour des milliers de patients venus de divers horizons, tirent le meilleur profil de ce tourisme d’un autre type.
En plus, le Maroc et la Tunisie sont devenus, de plus en plus, une destination prisée pour ceux qui ont des soucis de santé ou qui veulent faire leur bilan médical. Ces pays dits émergents, n’ont rien à envier aujourd’hui aux pays du nord dont l’accès est souvent restreint par des contraintes de distance, mais aussi administratives comme l’obtention du fameux visa Schengen.
En 2010, le pays des Jasmins (une fleur emblématique bien parfumée de la Tunisie offerte pour preuve d’amour ou de respect pour une personne) comptait plus d’une centaine de cliniques privées sur l’ensemble de son territoire, avec plus de 140 000 visiteurs étrangers pour des questions de santé. Le Royaume Chérifien de son côté, enregistrait en 2014, 400 cliniques privées.
Même si elle n’est pas la dernière née, la polyclinique Carthagène de Tunis est encore à ses balbutiements. Elle a vu le jour, il y a de cela quatre ans, en 2014, grâce à son fondateur, Pr. Boubaker Zakhama, pneumologue et réanimateur de formation. Celui-ci, après plus de 35 ans de services et expériences accumulées dans les cliniques et hôpitaux de son pays, a mûri l’idée de porter sur les fonts baptismaux, sa propre structure avec l’aide d’autres partenaires.
Le succès et la notoriété de la polyclinique viennent justement de cette longue expérience trentenaire dans le privé du Pr. Zakhama dans le domaine clinique. Il en est à sa troisième expérience de création de cliniques, même s’il était associé à d’autres par le passé. Après ces quelques années passées entre les formations hospitalières et cliniques de son pays, il a jugé utile de s’installer à son propre compte.
40 % du chiffre d’affaires basée sur le tourisme médical
Carthagène compte de meilleurs professeurs et médecins tunisiens et d’ailleurs dans diverses spécialités comme l’urologie, l’ophtalmologie, la cardiologie, l’endocrinologie, la diabétologie, la gastrologie, la chirurgie esthétique et plastique, l’orthopédie, les analyses biomédicales, etc. Chacun des domaines cités comporte son propre plateau technique de dernière génération pour les opérations chirurgicales comme les interventions à cœur ouvert, entre autres. Toute une armée de blouses blanches pour diagnostiquer et soigner les pathologies de toute nature.
Selon son directeur adjoint et manager, Bilel Zakhama, « plus de 40 % du chiffre d’affaires de la polyclinique est basé sur le tourisme médical ». Les patients viennent surtout d’autres pays du Maghreb comme l’Algérie, la Libye. Avec ces deux pays, la structure a des conventions avec des compagnies pétrolières, des assurances, des sociétés privées. Des milliers de particuliers y arrivent à titre personnel. « En plus, l’Afrique subsaharienne avec des pays comme la Guinée, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, la Gambie, la Guinée-Bissau, est une clientèle essentielle », aux dires de M. Zakhama fils.
La France et d’autres pays du nord sont des points de départ non négligeables de clients en direction de Carthagène. Ces patients, à en croire M. Zakhama, viennent surtout pour des opérations de chirurgie esthétique ou plastique dont la clinique a su faire un point d’honneur.
A ses dires, « Carthagène a bâti aussi sa notoriété sur le fait qu’elle a été conçue sur la norme des structures privées avec la concertation régulière entre staff médical, la collaboration avec des professeurs de haut niveau de la Tunisie et de l’étranger. Carthagène est aujourd’hui en phase d’accréditation selon le référentiel tunisien qui est répertorié par l’ISQUA – International Society of Quality in Health Care-, un organisme international de notation. Il s’attend à une accréditation d’ici fin 2019 et une autre accréditation selon le référentiel American, JCI, avant la fin de 2021».
En chiffres, la polyclinique dispose de 300 lits dont 55 lits en réanimation, conçus pour répondre au mieux aux attentes des patients et des visiteurs cardiaque, 600 employés permanents. Plus de 500 médecins qui font la rotation et un investissement d’environ 35 millions d’euros, soit plus de 22,944 milliards de F CFA. Il est à 5 mn de l’aéroport international Tunis-Carthage. Ce qui fait d’elle une implantation privilégiée en plein centre du Grand Tunis. C’est aussi un établissement pluridisciplinaire, d’une capacité de 14 salles d’opération, de 2 salles de décochage…
A part la radiothérapie et la procréation médicalement assistée (PMA), toutes les disciplines médicales et pathologies sont traitées ou exercées à Carthagène. Des clients y convergent également pour faire leur check-up (bilan de santé).
En termes de formations post-universitaires, la clinique reçoit des stagiaires du Niger (dont des médecins stagiaires sont en train de boucler un cycle de six mois), du Burkina Faso dans des spécialités comme la radiologie, le bloc opératoire. D’autres échanges de médecins se font avec des structures médicales d’autres Etats subsahariens.
Marketing social et pratique médicale
La structuration du travail est faite de telle sorte que le malade, quel que soit son état de santé, ressort mentalement et physiquement requinqué de cette clinique. La courtoisie et la très grande disponibilité du personnel médical et le professionnalisme des médecins font que la clinique allie marketing social et pratique médicale.
Pour certaines pathologies comme l’exploration et la chirurgie ophtalmologique, cardiologiques, la chimiothérapie, les séances de kinésithérapie, les analyses biomédicales, le patient prend attache à l’accueil au bâtiment Mezzanine. A ce niveau, les dames Rahma Riahi, Amira Maaladui et Aroua KKadri se relayent au comptoir pour les formalités d’usage, dans une courtoisie parfaite. Le patient est identifié, un dossier est ouvert en son nom, ensuite se passe la facturation ou le remboursement pour le cas des assurés, s’il y a lieu.
Tout le suivi médical se fait alors avec son dossier pendant son séjour même pour les rendez-vous futurs. Le médecin auquel le malade est référé pose son diagnostique. En bon professionnel, celui-ci ne prescrit aucun médicament sans avoir au préalable soumis son sujet à une ou plusieurs analyses médicales. Si l’analyse donne des résultats qui ne sont pas de sa compétence, le malade est remis dans les mains d’un autre collègue. Le patient peut se retrouver avec quatre, voire six toubibs selon la nature de son mal.
Tout compte fait, rien n’est pris au hasard. Des vigiles, aux agents d’hygiène en passant par les brancardiers, les infirmiers, secrétaires médicaux, comptables, jusqu’aux médecins, chacun joue efficacement sa partition comme si c’était sa propre et seule affaire à lui. Une conscience professionnelle inouïe, qui explique aussi, en partie, la clé du succès et la notoriété de Carthagène. Un don de soi inégalé, chacun dans son domaine de compétence prend lourdement conscience de son rôle.
Il va de soit que la Tunisie, qui n’a aucune ressource minière ou naturelle potentiellement reconnue, soit dans le concert des nations en tant que pays émergent. Son sous-sol ne regorge que de quelques minerais dont le pétrole en infime quantité, exploité juste pour les besoins nationaux comme la construction des infrastructures routières. Celles-ci sont d’ailleurs parmi les plus développées sur le continent. Mais l’urbanisation de plus en plus poussée de la ville, engendre des bouchons à des heures de pointe dans la circulation routière, comme partout dans les grandes agglomérations du monde entier et dont se plaignent constamment les Tunisois.
La richesse du pays est construite en premier lieu, sur le développement touristique dont le tourisme médical, l’éducation très performante (gratuite pour les Tunisiens), le sérieux dans le travail et la compétence de ses filles et fils.
Un exemple palpable, qui doit être une saine émulation pour tous les Etats ou nations du monde, qui cherchent encore à se développer ou avoir un envol économique durable. Seul le travail ennoblissant, la compétence et le sérieux portent fruit dans un environnement mondial de plus en plus concurrentiel.
Abdrahamane Dicko/Maliweb.net
(De retour de Tunis)