Rien qu’à observer ce qui se passe dans ce secteur vital et important du pays, il est nécessaire de se demander si le citoyen malien jouit de son droit à la santé consacré par la constitution de février 1992. Selon l’article 17 de la constitution « L’éducation, l’instruction, la formation, le travail, le logement, les loisirs, la santé, et la protection sociale constituent des droits reconnus ». La personne humaine est inviolable. L’État a l’obligation de la respecter et de la protéger. Il lui garantit un plein épanouissement. À cet effet, il assure à ses citoyens l’égal accès à la santé, l’éducation, à la culture, à l’information, à la formation professionnelle et à l’emploi ». Le droit à la santé est du devoir de l’État qui doit œuvrer à sa promotion et à sa protection.
Mais à quoi assistons-nous plus de 51 ans après cette accession à l’indépendance?
La photographie du système sanitaire montre de graves disfonctionnements que relèvent d’une part, les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) et d’autre part, les citoyens eux-mêmes. Dans le rapport n° AB5381 de la Banque Mondiale intitulé, document d’information projet (PID), Performance du système de santé au Mali, il est noté que « le taux de l’absentéisme est élevé parmi les travailleurs de la santé. En moyenne, 40% des agents de santé sont absents sans raison valable. La qualité des soins est très faible ».
En dehors des maux stigmatisés dans le rapport de la Banque Mondiale, il faut ajouter : la corruption, la tenue d’un double métier, le détournement des malades, l’absence de réponse aux besoins des patients, l’inexistence de sanctions, l’impunité érigée en règle de gestion et une récurrente, triste et malheureuse grève observée dans les hôpitaux publics.
Au vu du traitement que subissent les patients maliens que j’appelle « les mendiants sanitaires », on peut affirmer sans ambages que le système sanitaire malin est caractérisé par un certain laissé faire et une impunité à nulle part pareille en matière de gouvernance. Les fautes professionnelles graves sont commises au vu et au su de tout le monde. Les cas sont légions et sans aucune sanction administrative pour la plupart. Le Conseil National de l’Ordre des Médecins qui est censé jouer sa mission de « veille au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensable à l’exercice de la médecine» est presque inopérant sur le terrain. Au Mali contrairement aux autres pays, ce Conseil National de l’Ordre des Médecins protège les fautifs au détriment des patients.
Une lecture des articles portant création et organisation du conseil national des ordres des médecins du Mali, des pharmaciens et des sages-femmes montre pourtant, que la compétence disciplinaire en première instance est du ressort du Conseil National de l’Ordre des Médecins. A ce titre, un magistrat (titulaire et suppléant) de l’ordre judiciaire doit être nommé par arrêté du Ministre de la Justice et de la législation, Garde des sceaux à la demande de son homologue de la Santé.
Qu’avons-nous fait des mécanismes législatifs en place dans ce secteur?
Non ! Les dispositifs existent et il suffit simplement de les mettre en œuvre. C’est l’une des missions proposées à la nouvelle ministre de la santé du Mali pour lancer la réforme dans ce secteur. Il faut faire le point des textes en vigueur dans le secteur et les mettre en application et déjà la refondation dans ce secteur doit commencer. Les disfonctionnements observés dans ce secteur ont permis l’éclosion de ce que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a appelé dans l’un de ses nombreux rapports sur la question « une marchandisation incontrôlée et déréglée de la santé ». Au Mali, on ouvre les centres de santé sans aucune autorisation. On trafique les autorisations qui deviennent des effets de commerce à céder au plus offrant. Les animateurs des structures de contrôle de ce ministère vital pour la santé de la population sont inexistants sur le terrain. Et pourtant certains sont en poste depuis le mandat du Président Moussa Traoré. On dirait, pour reprendre ce qui se dit dans le milieu que « certaines personnes en poste dans ce ministère détiennent un titre foncier sur leur poste ». Il faut que les nouvelles autorités de ce ministère fassent le point au niveau des postes de responsabilité en y apportant du sang neuf. Même si ces derniers ont de l’expérience et sont meilleurs que tout le monde, qu’ils aillent apporter leur expérience aux patients directement au lit du malade puisque c’est le serment prêté avant d’entrer dans la profession. Une étude objective sur la présence des médecins dans le staff organisationnel et de direction de ce ministère montre le disfonctionnement du système sanitaire malien. Le Ministère de la Santé n’est pas uniquement créé pour les médecins. Un système sanitaire est animé par tous les acteurs du secteur et l’on doit élaborer des indicateurs pour la répartition équitable des acteurs dans le staff organisationnel de ce ministère. Tenir un Comité de Direction entre médecins ne peut que sortir des décisions vues et analysées par les seuls médecins. Le staff organisationnel du Ministère de la Santé n’est pas le Conseil National de l’Ordre des Médecins où doit se réunir les médecins. Il faut permettre à d’autres acteurs du secteur (non-médecin) d’apporter leur contribution à l’édifice. C’est en prenant en compte ce volet important qu’on peut véritablement amorcer une « refondation » dans ce secteur.
Même si nous attendons de l’autorité de ce ministère, un contenu à cette notion dans ce ministère, nous estimons humblement que cette refondation doit se baser sur la satisfaction du patient à travers son écoute directe, la prise en compte de ses désidératas et de ses doléances. Le malade malien souffre doublement. Il souffre d’abord de son mal puis du système sanitaire en place. A la page 26 du rapport OMS sur la santé dans le monde 2008, il est noté que « Si tu tombes malade, tu dois faire un choix : ou bien tu renonces à te faire soigner, ou c’est ton exploitation qui y passe ».
Pour combien de temps encore, allons-nous subir une pareille situation ?
Tout le monde sait qu’au Mali dans presque tous les coins et recoins du pays, on retrouve des centres de santé créés par les Organisations Non Gouvernementales (ONG) et de fois sans aucune autorisation de l’autorité compétente, et des CSCOM créent par le gouvernement qui eux ont du mal à être équipés, car l’aide financier pour le fonctionnement de ces centres proviennent pour la plupart de l’extérieur.
Selon la loi, tous les cabinets médicaux y compris les Centres de Santé à vocation humanitaire doivent avant toute ouverture officielle, obtenir une autorisation individuelle de l’exercice en clientèle privée des professions médicales et paramédicales. N’est-ce pas au Mali, au vu et au su de tout le monde que les premiers responsables en charge de ce secteur violent cet article en détenant plus d’un établissement sanitaire ?
Et pourtant, le législateur pour un suivi des établissements sanitaires a exigé qu’il soit procédé au moins deux (2) fois l’an à des inspections dans les établissements sanitaires en vue de vérifier ou de contrôler le respect des lois et des règlements en vigueur ». Mais ici dans le ‘’Mal-i-bas’’ tous les coups sont permis et tant pis pour les pauvres que nous sommes !
Paul N’guessan