Décédée le 25 juillet dans un hôpital parisien, Mme Touré Aïda Niaré, avocate de son état, a été inhumée le samedi 28 à Bamako. Après ce rituel, ses parents, profondément choqués par les circonstances de sa mort, ont estimé utile de saisir la justice avec constitution de partie civile. Conséquence : le Dr Mohamed Keïta et son assistante médicale en anesthésie -réanimation, Mme Dembélé Salimata Dao, tous deux salariés de l”Hôpital Gabriel Touré ont été mis sous mandat de depôt le mardi 7 août. Mécontents de cette situation, les comités syndicaux (Syndicat national de la santé et de l”action sociale et Syndicat autonome des cadres médicaux) des hôpitaux Gabriel Touré, Point G, Kati, IOTA et des Centres de santé de référence des communes de Bamako ont adressé hier, mercredi 8 août, une correspondance au ministre de la Santé pour lui faire connaître qu”ils "décident d”arrêter de travailler ce mercredi 8 août 2007 jusqu”à la libération inconditionnelle de nos camarades". Nous avons approché les parties en conflit.
Depuis hier mercredi 9 août, le personnel des l”hôpitaux Gabriel Touré, Point G, Kati et les centres de référence de Bamako sont en grève illimitée. Cet arrêt de travail est consécutif à l”arrestation, à la fois, du médecin-anesthésiste, Docteur Mohamed Keïta et de l”assistante médicale en anesthésie-réanimation, Mme Dembélé Salimata Dao, suite au décès de Mme Touré Aïda Niaré, survenu le mercredi 25 juillet dans un hôpital parisien. De quoi s”agit-il ? Deux versions s’affrontent. La première et celle du Bâtonnier de l”Ordre des avocats, Me Seydou Ibrahim Maïga. Selon lui, "dans la nuit du dimanche 22 juillet, Mme Touré Aïda Niaré, avocate de son état, s’est rendue à bord de sa voiture à l”hôpital Gabriel Touré afin que le docteur lui enlève un morceau de cola avalé de travers.
Le docteur lui a dit que pour réussir cette opération, il faut obligatoirement l”endormir. Elle ne s”est plus réveillée. Il y a eu un arrêt cardiaque. Le docteur a tenté la réanimation. C”était déjà fini. Son mari, qui travaille dans le système des Nations-Unies, est rentré spécialement de Dakar. Il a affrété un avion médicalisé à concurrence de 50 millions de F CFA pour l”évacuer à Paris. ça n”a pas marché. Le corps a été ramené à Bamako. Après les parents ont porté plainte auprès du juge d”instruction avec constitution de partie civile pour connaître ce qui s”est réellement passé. Le juge d”instruction a donc estimé nécessaire de mettre sous mandat de dépôt le docteur Keïta et son assistante médicale en anesthésie-réanimation, Mme Dembélé Salimata Dao, pour homicide involontaire".
Pour le Bâtonnier Seydou Ibrahim Maïga, l”équation est simple: " une famille malienne a perdu une de ses filles et veut savoir les circonstances précises de son décès. Je suis étonné de constater que les médecins pensent que cela n”est pas normal. Je viens de faire une rencontre avec l”Ordre des médecins et je leur ait dit que nul n”est au-dessus de la loi. Par ailleurs, j”ai appris qu”ils ont décrété une grève illimitée pour cette affaire. En le faisant, le syndicat aggrave la situation parce que la procédure d”arrêt de travail n”a pas été, respectée. Et dans le cas d”espèce, on peut l”assimiler à la non assistance à personne en danger".
Du côté du comité syndical de l”Hôpital Gabriel Touré, on dément cette version.
Le Secrétaire général de cette organisation, le Pr. Salif Diakité persiste et signe que " les collègues qu”on incrimine sont performants, ce sont des techniciens rompus à la tâche. Nous ne pouvons pas comprendre que depuis bientôt deux semaines, suite à l”accident survenu dans le service d”oto-rhino-laryngologie (ORL) le docteur Keïta, spécialiste de son état, et sa collaboratrice, Mme Dembélé, soient traînés devant la justice. Ensuite, qu”ils soient abusivement et illégalement incarcérés le 7 août pour homicide involontaire sans que la partie judiciaire n”ait eu à approcher l”Ordre des médecins.
C”est pour manifester notre désapprobation que nous avons déclenché une grève illimitée".Pour sa part, Allhassane Maïga, chef d”unité dans le service ORL, soutient que "ce n”est la première fois que les gens avalent leur cola, ils viennent chez nous dans les mêmes conditions parce que les marabouts et les féticheurs leur conseillent cette pratique. Sans croquer la cola, ils l”avalent pour ensuite la récupérer plus tard dans les selles après, bien sûr, la traversée du tube digestif. Ainsi, ils retournent chez leurs marabouts ou féticheurs avec la cola en question, histoire de retenir, semble t-il leurs maris ou d”avoir beaucoup d”argent.
Nous avons reçu des milliers de cas de ce genre. Ils sont sortis sur les pieds. Si les personnes concernées arrivent à temps, généralement, il n”y a aucun problème. Mais si la cola séjourne deux où trois jours dans l”œsophage, cela entraîne des complications. La question que l”on est en droit de se poser est de savoir si cette dame a passé beaucoup de temps ou pas avec son mal. Ce qui est sûr, elle a séjourné dans une clinique ou ailleurs avant de venir chez nous. Elle a été admise en urgence, c”est-à-dire que son cas était grave.
L”assistante anesthésiste a normalement agi en tenant compte de son état de santé, de son poids et de sa taille. Elle a tenté une intubation pour sécuriser les voies aériennes et elle a buté contre l”obstacle, le tube n”a pas pu passer. D”où l”arrêt cardiaque ,qui peut être dû soit à une allergie aux produits, soit à un manque d”oxygène. Elle a immédiatement procedé à la réanimation, le cœur a repris. La malade a été mise sous ventilation artificielle. Elle a séjourné deux jours en réanimation. A la demande persistante de son mari, elle a été évacuée à travers un avion médicalisé, le mardi 24 juillet à 15 h, dans un hôpital parisien. Le lendemain, elle est décédée à Paris. Mais, il nous est revenu qu”elle a des antécédents, notamment une ablation du goitre. L”ORL n”a pas pu faire l”interrogatoire à cause de son état très fragile"
Quant à Lanseni Bagayogo, major du bloc opératoire, il estime qu’en anesthésie il n”y pas de risque zéro. "Cette dame est venue en urgence, le risque était là et le travail s”est passé normalement" a t-il déclaré.
Ce qui est sûr, c”est que tous les comités syndicaux le syndicat national de la santé et de l”action sociale, le syndicat autonome des cadres médicaux des hôpitaux de Gabriel Touré Point G, Kati, IOTA, des centres de santé de référence des communes de Bamako ont adressé, hier mercredi 8 août une correspondance au ministre de la Santé pour lui faire savoir qu”ils "décident d”arrêter de travailler ,ce mercredi 8 août 2007, jusqu”à la libération inconditionnelle de nos camarades».
Déjà, lors de notre passage à l”hôpital Gabriel Touré, hier aux environs de 15 heures, il nous est revenu que cinq patients sont décédés, faute de soins. Combien sont-ils au Point G ? Combien de malades n”ont pas été consultés et dont le cas risque de s”aggraver ?
Une certitude cependant : si cette grève perdure, ce sont les pauvres qui en pâtiront dans la mesure où les riches connaissent depuis longtemps les chemins qui mènent aux cliniques.
Chahana TAKIOU, Ramata TEMBELY
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