Secteur de la santé au Mali : De la fonction sacerdotale vers une conception de plus en plus commerciale

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La maladie, c’est ce qui gêne les hommes dans l’exercice normal de leur vie et dans leurs occupations et surtout ce qui les fait souffrir (…). La prise en charge se fait le plus souvent, dans les C.H.U (Centre Hospitalier et Universitaire). Mais, suite à la prolifération des services privés de santé, la prise en charge dans les hôpitaux publics est devenue un véritable casse-tête pour les Maliens. De la privatisation grandissante de la santé dans notre pays… nous constatons un casting taillé sur mesure des patients dans nos hôpitaux publics et la flagrante commercialisation du secteur de la santé…

Un constat alarmant dans nos hôpitaux : la fuite des médecins et la réorientation de certains patients vers les cliniques privées

Le fonctionnaire est considéré comme étant une personne qui occupe, en qualité de titulaire, un emploi permanent dans les cadres d’une administration publique. Il existe plusieurs catégories de fonctionnaires, selon les différents domaines de la vie. Les médecins, regroupés autour du secteur de la santé, en sont une catégorie. Sauf que leur fonction est tout d’abord curative, en réponse à une demande (plainte ou motif de consultation). Mais ils sont très nombreux, ces médecins et autres agents de Santé formés aux frais de l’Etat qui désertent de nos jours les hôpitaux publics au profit des établissements privés. Les Maliens, dans leur grande partie, sont déçus par les pratiques déshonorantes qu’effectuent certains personnels sanitaires malintentionnés dans nos structures publiques. La négligence, le manque de suivi et l’insouciance de certains agents de la santé, qui n’en font qu’à leur tête et pour leurs poches, dégradent malheureusement l’image de ce noble métier. Chaque jour, un nombre incalculable des adeptes du “Serment d’Hippocrate” quitte les hôpitaux publics, bien avant la décente et la fin de leur service, pour aller servir dans les quelques centaines de structures privés que compte le District de Bamako. La prolifération de ces structures sanitaires, aux dires de deux médecins qui exercent eux-mêmes dans ces structures privées, n’a pas que pour mission d’apaiser la souffrance des populations. Loin de là, les promoteurs en font un véritable fond de commerce. Et ces promoteurs pour la plupart sont les chefs de services et les professeurs.

De la privatisation de l’ensemble du secteur sanitaire malien …

Dans nos structures publiques, c’est la grande anarchie qui se profile à l’horizon avec l’opportunité qui est offerte à n’importe qui, n’importe quand et n’importe comment dans le cadre de l’ouverture d’une clinique ou d’un centre de santé. Et cela, au vu et au su des autorités. Entre les prestations de ces deux types de services, on ne perçoit guère de différence, les cabinets offrant les mêmes services que les cliniques et vice-versa. Néanmoins, tandis que la prise en charge dans les structures privées est vite fait, bien fait, sans négligence et dans le respect du client de patient ; la souffrance du Malien, dans nos hôpitaux publics, va crescendo. De la mauvaise prise en charge des patients aux inattentions, en passant par le vol des médicaments et la manque de suivi régulier des patients par certains personnels sanitaires. En plus dans nos hôpitaux publics, contrairement aux structures privées, seuls les habitués sont capables de faire la différence entre un infirmier, un médecin, un garçon de salle et un professeur. Chacun est libre de s’habiller, comme bon lui semble et bonjour les dégâts.

Vers un casting taillé sur mesure des patients et la flagrante commercialisation du secteur de la santé…

Selon des sources bien fondées, les patients détectés comme étant financièrement stables sont automatiquement orientés vers les structures sanitaires privées pour leur prise en charge. Sauf que les médecins qui les envoient dans ces structures en sont soit les promoteurs, soit les amis des promoteurs ou des associés. Ce sont ainsi des milliers de malades qui sont orientés vers ces cliniques privées, sous prétexte qu’il n’y a pas de place. Beaucoup d’autres méthodes malsaines sont pratiquées dans nos structures sanitaires rien que pour de l’argent. Des internes et médecins vont jusqu’à prendre le plaisir d’opérer certains patients sous prétexte qu’ils ont soit une appendicite ou un colique-néphrétique. D’autres inventent des analyses inopportunes rien que pour orienter leurs patients vers des cliniques partenaires. Un acteur du système nous a confié qu’à chaque fois qu’un patient se présente avec une fiche d’analyse signée par lui dans quelques cliniques de la place, ils a automatiquement un pourcentage. Le témoignage d’un jeune autre médecin est à la fois interpellateur et évocateur. « On nous offre des salaires d’infirmiers, ce qui est inacceptable. Le médecin Malien est le plus moins rémunéré de la sous région. Le Mali est à un médecin pour environ 10 000 habitants, alors que le gouvernement reçoit l’aide de l’OMS pour atteindre le taux d’un médecin pour 1000 habitants. Mais bizarrement il y a environ 1 500 médecins qui n’arrivent pas à être recrutés. Ces derniers se débrouillent et tentent de joindre les deux bouts, tandis que les autres médecins reçoivent en une semaine dans les cliniques privées l’équivalent de leur salaire mensuel dans les hôpitaux publics. Alors réfléchissons! ». Autant dire que tous les ingrédients sont réunis pour promouvoir la commercialisation du secteur de la santé au Mali et arracher aux pauvres le minimum de droit dont ils ont accès pour pouvoir bénéficier à des soins médicaux acceptables et souhaitables. Qui à l’Etat de prendre toutes les mesures nécessaires pour freiner ce chaos et éviter au secteur de la santé, ce dont souffre le secteur de l’éducation avec la prolifération des écoles et universités privées de tout acabit : cela risquerait de compromettre dangereusement les chances de développement de notre pays.

IDRISSA KANTAO

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