Célébrer chaque 4 février, la Journée mondiale de lutte contre le cancer est consacrée à la prévention et la détection de la maladie afin de lutter contre la stigmatisation. Pour comprendre et en savoir un peu plus sur la maladie, nous avons approché Dr. Zakarie Saye, chirurgien cancérologue au CHU-Gabriel Touré.
Mali Tribune : Qu’est-ce que le cancer et quels sont les différents types ?
Dr. Zakarie Saye : Il faut savoir que les êtres humains sont formés à partir de cellules. On peut les comparer aux briques qui servent à construire une maison. Mais contrairement aux briques, les cellules sont vivantes. Elles naissent, grandissent et meurent tout au long de notre vie. Le cancer est une maladie qui touche un processus, celui de la croissance, de la vie et de la mort de nos cellules, car il est provoqué par la transformation des cellules qui deviennent anormales et prolifèrent de façon excessive.
Parfois, il arrive que le processus se dérègle. Une cellule se multiplie en plusieurs cellules toutes identiques et forme, petit à petit, un amas. Ensuite l’organisme n’arrive plus à contrôler cette multiplication anarchique.
Ce n’est pas une maladie contagieuse. Très rarement, certains cancers peuvent être transmis au sein d’une famille (génétiquement). Même si le cancer est appelé « Boon » en Bambara, le cancer est loin d’être une affaire de sorcellerie ou de malédictions.
Tout le corps peut être touché par le cancer. On peut citer entre autres : le cancer du sein (femme et homme), le cancer du col de l’utérus, le cancer de l’ovaire, le cancer de la prostate, le cancer de l’appareil digestif (la bouche, l’œsophage, l’estomac, le colon, le rectum, l’anus), le cancer du foie et le cancer du pancréas, le cancer du pénis, le cancer de la peau, le cancer des os, les cancers du cerveau, de l’œil, etc.
Mali Tribune : Comment se manifeste-t-il ? Parmi ces types lequel est le plus fréquent ?
Dr. Saye : Les manifestations sont multiples et propres à l’organe atteint. D’une manière générale, on note une perte de poids, une fatigue, une anorexie (manque d’appétit), etc. Pour les cancers digestifs hauts, on retrouve en fonction de l’évolution les vomissements, la dysphagie (difficulté à avaler de la nourriture ou des liquides), l’hématémèse (vomissement de sang provenant du tube digestif), une masse épigastrique.
Pour les cancers digestifs bas, il y a la rectorragie (saignement), les selles noirâtres (méléna). Parfois le cancer peut grossir et boucher le colon ou le rectum et provoquer un arrêt complet du transit intestinal.
Pour le col de l’utérus, il s’agit d’une douleur pelvienne, une métrorragie (saignement en dehors des menstrues), saignement lors des rapports sexuels.
Pour le cancer du sein : on retrouve entre autres une douleur des seins, une masse (une boule), un écoulement mamelonnaire avec un aspect de sang, une plaie.
Mali Tribune : De 2020 à nos jours, quel est le taux des personnes atteintes au Mali ?
Dr Z. S. : A l’absence d’un registre national de cancers au Mali, il est très difficile de dire le nombre exact des personnes atteintes par le cancer. Selon le Globocan 2020, le Mali a enregistré 14 185 nouveaux cas de cancers avec 10 234 décès.
Selon les bases de Globocan 2020, les 4 cancers les plus fréquents en 2020 sont : Chez la femme, le cancer du sein (2448 cas soit 27,2 %), le cancer du col de l’utérus (1 934 cas soit 21,5 %), le cancer de l’estomac (517 cas soit 5,8 %), le cancer colorectal (478 cas soit 5,3 %).
Chez l’homme, le cancer de la prostate (717 cas soit 13,8 %), le cancer de l’estomac (580 cas soit 11,2 %), le cancer du foie (467 cas soit 9 %), le cancer colorectal (403 cas soit 7,8 %). Contrairement aux résultats antérieurs, on note une augmentation des cas au Mali.
Mali Tribune : Comment se fait le traitement ?
Dr Z. S. : Il faut absolument stopper la multiplication des mauvaises cellules et les supprimer. Pour y parvenir, la médecine dispose de plusieurs moyens : des médicaments (chimiothérapie, thérapie ciblée), des rayons (la radiothérapie), de la chirurgie, l’immunothérapie (une stimulation du système immunitaire) et le plus souvent une combinaison de tout cela.
Au Mali, il y a un bon nombre de personnel qualifié dans le domaine de la prise en charge des cancers. Mais, ce personnel est dispersé entre les différents hôpitaux (Gabriel Touré, Point G, Hôpital du Mali, Luxembourg, hôpital dermatologique, etc..).
Malgré la présence de personnel qualifié, il demeure de sérieux problèmes dans la chaine de prise en charge des cancers au Mali. On dénote l’absence d’un Centre national de cancérologie, un seul appareil de radiothérapie pour tout le Mali, la non inscription des médicaments anticancéreux sur la liste de l’Amo (assurance maladie obligatoire).
Propos recueillis par
Aïchatou Konaré