Le président de la République s’est envolé hier matin pour New York à l’invitation du secrétaire général des Nations Unies à une assemblée générale pour la reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme. Au siège des Nations Unies, il devra plaider la cause du continent africain auprès des donateurs. Sa mission semble très délicate à cause du scandale de la disparition d’une partie des sommes allouées par le Fonds mondial aux autorités maliennes.
Les premières révélations mentionnent la surfacturation de moustiquaires imprégnées, des marchés fictifs, d’autres passés de gré à gré, ou encore des villages bénéficiaires de médicaments qui n’en ont jamais vu la couleur.
Le montant de la supercherie n’a pas encore été rendu public. Mais, selon une source des Nations unies citée par l’Agence France Presse, « plusieurs milliards de F CFA [plusieurs millions de dollars] n’ont pas été dépensés pour soigner les populations ». Une dizaine de personnes, dont des cadres du ministère de la Santé, ont déjà été arrêtées.
Depuis sa création, en 2002, le Fonds mondial collecte des subsides – auprès des pays du Nord essentiellement – et les redistribue – aux pays du Sud – en finançant des programmes destinés à enrayer les trois grandes maladies. Son budget s’élève à 10 milliards de dollars (8 milliards d’euros) sur la période 2008-2010. Devant rendre des comptes à ses donateurs, le Fonds mondial conduit régulièrement des audits de routine. Comme au Mali, où un détournement de 300000 dollars est finalement constaté, en novembre 2009. Une bagatelle par rapport aux subventions perçues par Bamako (76 millions de dollars depuis 2002), qui sera finalement remboursée en janvier 2010.
Au Mali, l’audit se poursuit et les révélations se multiplient. Saisie, la justice réagit par des arrestations. Un rapport final attendu permettra de mesurer l’ampleur du scandale.
Il tombe très mal pour le Fonds mondial. Depuis hier 5 octobre, à New York, il a commencé à faire part de ses besoins – entre 17 et 20 milliards de dollars pour la période 2011-2013 – aux pays donateurs, déjà échaudés par la crise financière.
Plus d’une dizaine de personnes ont été arrêtées au Mali dans le cadre d’une affaire de détournement de fonds d’après des sources policières et judiciaires concordantes.
« L’utilisation du Fonds mondial domicilié au ministère de la Santé a donné lieu à des malversations », a déclaré Sombé Théra, le procureur du pôle économique et financier de Bamako.
Ces accusations se fondent sur un rapport d’enquête de l’Inspection générale du Fonds mondial (dont les enquêteurs ont été envoyés sur place), qui comprendrait 55 000 documents d’après le magistrat.
"C’est énorme"
A l’en croire, la découverte des fraudes s’est faite en deux étapes. « Dans un premier temps, ces malversations (essentiellement des falsifications de chèques) portaient sur plusieurs centaines de millions de francs CFA, a-t-il déclaré. Mais les enquêtes, par la suite, ont montré que les malversations étaient plus grandes. »
Un diplomate d’une institution des Nations Unies basée à Bamako s’exprimant sous le couvert d’anonymat, et qui affirme disposer du rapport, a évoqué le chiffre de « plusieurs milliards de francs CFA».
« Des médicaments censés être sur le terrain ne le sont pas. Il y a eu surfacturation, c’est énorme ! », s’est-il étonné. « Dans un premier temps, il y a eu moins de 200 millions de francs CFA (environ 300 000 euros) mal gérés et cette somme a été remboursée par le ministère de la Santé. Mais aujourd’hui, avec le rapport que nous avons en main, on peut parler de quelques milliards de CFA.»
Le président de la République a promis déjà d’être « très sévère » envers les auteurs du détournement. Et c’est ce discours qu’il va réitérer devant les donateurs du Fonds mondial dont les résultats sont très appréciables au Mali dans la lutte contre le Sida, la Tuberculose et surtout le paludisme.
Abdoul Karim Maïga