Le journal Aujourd’hui-Mali avait soulevé le lièvre au mois d’avril 2020 et c’en était suivi un tollé généralisé. Aussitôt, le ministre de la Santé et des affaires sociales d’alors, Michel Sidibé, avait instruit à l’Inspecteur en chef de la Santé de mener des investigations afin de situer les responsabilités sur les faits. Aussitôt dit, aussitôt fait ! Suivant de très près cette affaire, nous avons pu nous procurer une copie du rapport transmis au Ministre et qui accable le président de l’Ordre des pharmaciens du Mali appelé à rembourser les 24 millions encaissés par son officine, la pharmacie Wassa, dans le cadre de cette opération. Des poursuites judiciaires sont recommandées contre deux fournisseurs non autorisés à vendre des médicaments. Quant à la Ppm, elle s’en tire avec un rappel sur la nécessité de respecter les procédures d’acquisition de médicaments.
Cette affaire de fausse chloroquine pour laquelle nous avions fait deux publications, avait défrayé la chronique et enflammé les réseaux sociaux en son temps. Rappelons qu’une analyse par le Laboratoire national de Santé des échantillons de chloroquine livrée par la Pharmacie populaire du Mali aux centres de traitement de la Covid-19 révélait qu’en lieu et place de la chloroquine, c’était du métronidazole, produit destiné à soigner les problèmes gastriques.
Sur instruction du ministre de tutelle, l’Inspection de la Santé a mandaté une équipe de quatre inspecteurs pour mener les investigations auprès des services concernés : la Pharmacie populaire du Mali (Ppm); le Laboratoire national de Santé et l’officine pharmaceutique Wassa du président du Conseil de l’Ordre des pharmaciens du Mali qui a proposé et fourni cette fausse chloroquine à la Pharmacie populaire du Mali.
Selon le rapport de l’Inspection de la Santé, le directeur général de la Ppm n’a pas respecté la procédure d’acquisition du médicament qui devait être conforme aux procédures de la commande publique. Il lui est aussi reproché d’avoir mis en consommation le produit avant même le certificat d’analyse.
Précisons que l’urgence due à la demande pressante de chloroquine des médecins traitants n’a donc pas été retenue par les inspecteurs de la Santé. Alors qu’il n’existait pas de stock de chloroquine, ce produit ayant été banni de l’arsenal thérapeutique du Mali depuis janvier 20187, suite à une instruction de décembre 2006 signée du ministre de la Santé d’alors. Raison pour laquelle le directeur général de la Ppm a enclenché une procédure d’urgence, surtout après la proposition du président de l’Ordre des pharmaciens de pouvoir fournir urgemment de la chloroquine pour lutter contre la Covid-19.
Au Laboratoire national de la Santé il est reproché de n’avoir pas respecté le circuit d’assurance qualité “et a fourni des certificats sujets à des suspicions”.
Quant au président de l’Ordre national des pharmaciens, qui a fourni la chloroquine au nom de son officine, Wassa, il lui est reproché d’avoir “failli à ses devoirs de protection et de défense de la profession”.
Dans ses recommandations, l’Inspection de la Santé préconise “d’adresser une demande d’explication au directeur du Laboratoire national de la Santé, relative à sa conduite à l’égard de l’équipe d’inspection, conformément aux dispositions de l’article 4 de l’Ordonnance N°00-58/P-RM du 28 septembre 2000, portant création de l’Inspection de la Santé.”
Concernant l’attitude dont il est question, le rapport révèle “le refus par le directeur général du Laboratoire national de la santé de fournir un certificat disponible et l’expulsion de l’équipe d’inspecteurs de son bureau en ces termes : Je n’ai aucun résultat à vous donner, vous sortez de mon bureau, j’en ai fini avec vous…”.
Le rapport recommande aussi de procéder à une contre-expertise du produit afin d’être mieux édifié car plusieurs résultats ont été fournis par le Laboratoire national de la Santé pour le même produit.
En attendant la disponibilité des résultats de ces analyses qui pourront appeler d’autres recommandations, précise le rapport, il a été demandé dans ledit document, concernant le fournisseur de la Ppm, notamment la pharmacie Wassa, la saisine du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens du Mali conformément aux dispositions des articles 20 et 21 de la Loi 2017-031 du 14 juillet 2017 portant création de l’Ordre des pharmaciens du Mali.
Sans oublier qu’il a été demandé à la Pharmacie populaire du Mali (Ppm) de recouvrer auprès de la pharmacie Wassa la totalité des frais d’acquisition du produit, soit 24 millions de Fcfa que devra donc rembourser le président de l’Ordre des pharmaciens du Mali.
Concernant aussi le fournisseur de la Pharmacie Wassa, le rapport recommande qu’il soit identifié (un commerçant du marché Dabanani) ainsi que son intermédiaire et “leur poursuite devant les juridictions pour exercice illégal de la profession de pharmacien conformément aux dispositions de l’article 18 de la loi 2017-031 du 14 juillet 2017 portant création de l’ordre des pharmaciens du Mali”.
Nous reviendrons certainement sur cette affaire pour laquelle, après lecture du rapport de l’Inspection de la Santé, nous sommes entrés en contact avec les différents protagonistes pour des investigations poussées ayant permis de mieux comprendre le déroulement des faits, expliqués par les acteurs eux-mêmes. En d’autres termes, nous avons reconstitué le puzzle pour permettre à nos lecteurs de mieux identifier les protagonistes que nous nommerons et de bien comprendre ce qui s’est réellement passé.
Amadou Bamba NIANG